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SCRIPT Termites
Ils sont des millions à bâtir à l’abri de la lumière du jour des nids à l’architecture complexe. Les termites, ces insectes souvent considérés à tort comme nuisibles, peuplent le sol de notre planète depuis plus de 200 millions d’années. Pourtant leur organisation sociale restent largement une énigme. Pour les étudier, la recherche française tente d’élever des colonies en laboratoire et s’aventure bien au-delà de nos frontières, en Afrique du Sud.
Ce terrain situé à Prétoria, la capitale du pays, accueille depuis quelques années une équipe de biologistes et d’entomologistes conduite par Mireille Vasseur-Cognet. En partenariat avec l’université locale, ces scientifiques étudient les colonies de Macrotermes, une espèce de termites présente dans la région. Une recherche particulièrement complexe car ces insectes qui bâtissent ces termitières sont très sensibles à la lumière du jour et aux variations de température. Afin de pouvoir observer les interactions entre le couple royal et les ouvriers ainsi que le développement de la reine avec précision, l’équipe française s’est lancée dans un projet ambitieux : créer des colonies en laboratoire et étudier une colonie âgée prélevée sur le terrain. Pour cela, il faut pénétrer délicatement au cœur de la termitière en prélever la “pièce maîtresse” : la loge royale....
ITV Laure Anne Poissonnier, éthologue
L’objectif d’aujourd’hui c’est de récupérer la reine de cette termitière. Il y a une reine par colonie qui est chargée de la reproduction donc qui crée tous les individus, les ouvriers et les soldats. Le problème c’est qu’elle est quelque part dans la termitière mais on ne peut pas savoir où. Là on voit une paroi qui fait un bon 50cm, qui est très dure, donc il faut utiliser la pioche pour tout casser mais après la petite loge où est la reine est assez fragile donc on ne peut pas se permettre de taper dedans avec la pioche jusqu’à ce qu’on la trouve. La loge c’est l’endroit où la reine et le roi habitent parce que chez les termites le roi reste en vie également pas comme chez les fourmis ou les abeilles. C’est là où ils s’accouplent, où les œufs sont pondus, où les ouvriers viennent nourrir la reine qui elle est bloquée à l’intérieur. Toute sa vie elle va la passer dans cette loge.
Une fois la loge extraite, les scientifiques n’ont que quelques heures pour la transporter dans les laboratoires. C’est ici qu’ils procèdent à la délicate étape de l’ouverture qui ne doit pas mettre en péril la vie de la précieuse reine. Ce fragile monarque occupe une place à part dans le monde des insecte. Contrairement aux ouvriers et aux soldats de la colonie qui ne vivent que quelques mois, l’espérance de vie de cette reine dépasserait les 40 ans. Tout au long de sa vie, elle pond plus de 40 000 œufs par jours en étant régulièrement fécondé par son roi.
Pour étudier les secrets de ce couple fidèle, l’entomologiste Alain Robert réalise des accouplements en laboratoire. Dans la nature les termites ailées s’envolent une fois par an de la colonie pour s’accoupler et fonder une nouvelle. Les scientifiques ont recréé en laboratoire le copularium, la chambre initiale du couple royal.
ITV Alain Robert, entomologiste
Lorsque l’on introduit les deux individus, un mâle et une femelle, dans la boîte, immédiatement le mâle va suivre la femelle puisque celle-ci a une glande sur la face ventrale qui sécrète une phéromone sexuelle. Les deux individus vont commencer à construire un copularium, ils s’isolent complètement, enduisent toute la paroi de terre mélangée à de la salive et au bout d’une semaine la femelle va commencer à pondre des œufs. La difficulté majeure c’est que le taux de réussite ne dépasse pas les 10% à peu près en laboratoire donc on est obligé de contrôler régulièrement la mortalité, d’enlever les individus morts et puisque nous avons en stock un certain nombre de mâles et de femelles de ces colonies, de les réappareiller.
L’équipe française présente à Pretoria a préparé plus de 800 boîtes pour multiplier les chances de succès. Mais pour pouvoir observer les interactions entre le couple royal et les ouvriers, les chercheurs vont devoir déplacer une colonie complète.
La termitière sur le terrain ne se laisse pas facilement conquérir. Sous un soleil accablant, la pioche des scientifiques va mettre plusieurs heures avant d’en dessiner les contours. Il va désormais falloir récupérer des pans entiers de cette colonie qui abritent des milliers d’individus afin d’espérer reconstituer une colonie fonctionnelle en laboratoire.
ITV David Sillam-Dussès, éthologue
En recréant la colonie dans le laboratoire on va être obligé de mettre la même température et la même humidité que sur le terrain donc on contrôle spécifiquement ces deux paramètres. On va également mettre en place une photo-phase c’est à dire qu’on va mettre une lumière blanche pour recréer le jour et éteindre la lumière automatiquement pour recréer la nuit. L’idée c’est d’observer différents comportements du roi et de la reine dans cette termitière qui serait ramenée en laboratoire ainsi que le comportement des ouvriers et des soldats vis à vis de ce couple royal.
Dans une salle de l’université, la termitière prend une nouvelle forme. La loge royale a été séparée du reste de la colonie afin de tenter d’identifier les individus qui y pénètre. Car la précieuse reine termites passe la totalité de sa vie protégée dans sa loge et ne peut compter que sur ses ouvriers pour se nourrir. Et si cette nourriture renfermait les secrets de son exceptionnelle longévité et de sa fécondité ? C’est l’hypothèse de Mireille Vasseur-Cognet.
ITV Mireille Vasseur, biologiste moléculaire
Le roi et la reine sont les deux reproducteurs qui maîtrisent le développement de la colonie et ils sont nourris de la même façon. Ça se voit morphologiquement leur développement suivent les mêmes trajectoires,, mais la reine elle produit des cellules différenciées pendant toute sa vie et c’est pour ça que je m’intéresse encore plus à la reine qu’au roi En comparant les deux types d’individus au niveau moléculaire on pourra par soustraction faire émerger ce qui est propre au développement des ovaires. On étudie évidemment à côté le roi pour ces critères de longévité comme ceux de la reine.
Pour tenter d’observer ces échanges de nourriture et d’identifier les ouvriers qui en sont chargés, les scientifiques doivent inventer un protocole. Celui-ci nécessite d’ouvrir la colonie au milieu de la nuit pour permettre de filmer la loge royale en pleine activité. Les chercheurs ont ainsi emporté du matériel caméra équipé d’objectifs macroscopiques ainsi que de la lumière rouge que les insectes ne peuvent pas percevoir. La caméra va filmer en continue durant plusieurs heures les allers et venues au cœur de la loge royale, à la recherche d’indices.
Le lendemain, l’équipe s’est réunie pour analyser les images. Malgré les perturbations causées par le dispositif sur le comportement des termites, certains contacts entre la reine et des ouvriers suggèrent une trophallaxie, un échange de nourriture par régurgitation. En identifiant la catégorie d’ouvriers à l’origine de ces échanges, l’équipe espère lever le voile sur la composition moléculaire de cette nourriture qui pourrait impacter la longévité de la reine.
ITV Mireille Vasseur, biologiste moléculaire
Chez l’homme on est particulièrement attentif actuellement de comprendre quels sont les mécanismes qui permettent de mieux vieillir. On sait que l’alimentation participe au vieillissement. Au niveau moléculaire on a déjà des informations chez l’homme et on pense qu’on va découvrir des interactions possiblement nouvelles qui pourront être traduites ensuite en comparant avec des animaux solitaires et ce qu’on connaît chez l’homme peut être des mécanismes moléculaires qui vont nous faire mieux comprendre ce qu’il faut manger pour mieux vieillir.
L’enquête de cette équipe française n’en est qu’à ses débuts. Demain, l’étude de ces colonies de laboratoire et des interactions entre ouvriers et reine termite pourrait ouvrir de nouvelles pistes à la recherche médicale orientée vers les humains. Preuve que le monde microscopique n’a pas fini de dévoiler ses secrets.
Le mystère de la reine termite
La reine des termites peut vivre jusqu'à 40 ans ! Quel est le secret de son incroyable longévité ? Dans ce reportage proposé en partenariat avec LeMonde.fr, partez en Afrique du Sud avec des scientifiques qui veulent recréer une termitière en laboratoire !