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C’est une mission d’exploration dans ce qui était le cœur du royaume chrétien d’Éthiopie du 10ème au 13ème siècle. Ces chercheurs français et éthiopiens tentent d’éclairer cette période méconnue du pays. Ils sont à la recherche de stèles funéraires ; des pierres gravées et oubliées depuis des siècles. La présence de ces stèles va bouleverser l’histoire jusqu’alors admise de cette région pour une raison bien précise : ce sont des tombes... musulmanes.
AMBIANCE Julien qui regarde une stèle retrouvée
Non, elle est dans le bon sens celle-ci ! Simplement elle est posée à l’horizontale la pierre. Elle est en place.
Ces stèles représentent une source inestimable d’information pour ces historiens et archéologues.
Ambiance description de la stèle
688 de l’Hégire
Début des années 1280
1280. L’histoire complexe de la région à cette époque est très mal connue. L’islam a longtemps été perçu comme une importation étrangère, jouant un rôle marginal dans l’histoire des sociétés locales.
Or depuis leur première campagne de prospection en 2018, les scientifiques du projet européen baptisé Horn East ne cessent de découvrir de nouveaux indices indiquant une présence longue et étendue de l’islam dans la région qui était pourtant le siège de l’autorité chrétienne au Moyen-Âge. Une présence qui semble désormais loin d’être marginale.
ITV Amélie Chekroun, historienne
Quand on a commencé à travailler sur ce projet, on a avait dans l’idée qu’il y avait un lieu, un cimetière, une communauté qui pouvait être importante mais qui était unique.
La mission d’après, on a identifié deux autres cimetières. Ca a commencé à complexifier un peu notre vision des choses. Là, en deux jours, on en a identifié cinq autres. Donc on se retrouve avec presque une dizaine et on va peut-être en trouver d’autres au cours des jours qui viennent. C’est à la fois génial, et à la fois très perturbant parce qu’on ne comprend plus du tout ce qui se passe. On a sur un espace très proche des cimetières répartis un peu partout.
Les sites d’implantation de ces cimetières ne relèvent pas, non plus, du hasard. Nous sommes au Tigray oriental, une région d’Éthiopie qui a servi de carrefour important de routes caravanières au Moyen âge. Ces routes reliaient les pays des rives de la mer Rouge aux hauts plateaux éthiopiens.
Une partie de cette histoire est même révélée par les stèles. Certaines indiquent que le défunt, ou ses ancêtres, venaient de contrées lointaines - péninsule arabique, mer Rouge, Egypte et même le Fars, qui deviendra l’Iran actuel.
Cette articulation, ces échanges entre mondes chrétiens et musulmans font que cette époque était déterminante dans l’histoire du pays et aussi dans l’histoire toute la corne de l’Afrique.
Si les scientifiques dépendent autant de ces rares stèles gravées pour comprendre cette époque, c’est tout simplement parce qu’ils manquent de sources.
ITV Amélie Chekroun, historienne
La documentation sur l’islam éthiopien, donc avant le 16e siècle, pour la période dite médiévale, est très parcellaire et les documents produits par les communautés musulmanes dans la région sont très rares puisqu’ils sont au nombre de trois. Et si on compare par exemple à la production, à la même époque, en Egypte, c’est incomparable puisqu’en Egypte ils produisent des milliers et des milliers et des milliers de manuscrits, des milliers de textes, des bibliothèques entières.
A partir du moment où l’on n’a que trois textes qui nous parlent de ces communautés - trois textes sur six siècles, c’est très très peu, on est obligé d’aller chercher ailleurs nos informations.
Mais comment trouver dans une vaste région d’Ethiopie, des cimetières oubliés depuis plus de six cents ans ?
L’équipe va s’appuyer sur le savoir des communautés musulmanes actuelles.
ITV Julien Loiseau
On est dans une région d’Ethiopie qui est très majoritairement chrétienne mais où il y a aujourd’hui des communautés musulmanes dont on ne sait pas d’ailleurs si elles sont les héritières directes de celles dont témoignent ces cimetières et ces inscriptions après lesquelles nous courons, mais qui malgré tout connaissent très très bien leur territoire et qui sont les seules à même de nous amener sur place. Il y a clairement ici une connaissance intra-communautaire des sites associés aux communautés musulmanes.
Aujourd’hui, l’équipe explore Habera, un cimetière au sommet d’une colline qui a été identifiée l’an dernier. Chaque stèle retrouvée augmente considérablement le corpus de sources pour l’étude des historiens. Mais cette présence de nombreux cimetières dans la région soulève un autre problème à résoudre.
ITV Amélie Chekroun
Et ce qui est encore plus problématique, c'est qu'on identifie nulle part des zones d'habitat qui pourraient être identifiées par la présence de céramique, par exemple, et sur l'ensemble de ces cimetières et sur les trajets que l'on fait pour arriver à ces cimetières. On n'identifie jamais aucun tesson. Donc où habitaient ces gens ? Qu'est ce qui faisait qu'ils habitaient tous dans la zone de manière aussi rapprochée,? Pour l'instant, c'est très intéressant, mais plus ça avance et moins on comprend ce qu'on est en train de ce qu'on est en train d'identifier ici. Mais c'est l'intérêt. Plus ça va aller, mieux j'espère, o n va comprendre, mais on va passer par une phase où on va avoir beaucoup de mal à lire ce qu'on est en train de ce qu'on est en train d'étudier.
Cette étude prospective de la région sera suivie de fouilles bien plus approfondies de certains sites afin de mieux comprendre les pratiques funéraires de l’époque et, surtout, pour retrouver des sites d’habitation de ces populations disparues. Une étude sur le long terme qui permettra enfin d’écrire cette page manquante de l’Histoire de l’Ethiopie et de la corne de l’Afrique…
Ces stèles qui bouleversent l’histoire de l'Éthiopie
Une équipe d'historiens et d'archéologues a enfin trouvé des sources permettant de retracer l'histoire oubliée du Moyen Âge éthiopien. Partez, dans ce reportage proposé avec LeMonde.fr, à la recherche de stèles funéraires musulmanes qui se retrouvent, contre toute attente, au cœur de ce qui était le centre du christianisme éthiopien du Xe au XIIIe siècle.
Institut de recherches et d'études
sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM)
CNRS / Aix-Marseille Université
Responsable du projet ERC HornEast
Amélie Chekroun (CNRS)
Institut de recherches et d'études
sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM)
CNRS / Aix-Marseille Université
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