Donner du sens à la science

La cité oubliée de Loropéni

Dossier
Paru le 03.06.2022
L’archéologie dans tous ses états
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Le jour se lève sur les ruines de Loropeni. Nous sommes au cœur du pays Lobi, dans le Sud-Ouest du Burkina-Faso. Ici se dresse une des plus grandes énigmes de la région : des murs de 6 mètres de haut et longs d’une centaine de mètres ; une enceinte fortifié ; les rares témoins d’une civilisation disparue depuis des siècles…

 

Lassina Simpore

Archéologue, enseignant/chercheur, responsable du site des ruines de Loropeni…

Au jour d’aujourd’hui, nous ne savons pas qui a construit les ruines de Loropeni, pourquoi ces ruines ont été construites et quand est-ce qu’elles ont été construites. C’est pour ces raisons que nous appelons affectueusement ce site là  les mystérieuses ruines du Lobi…

 

Ambiance avec sons de drone.

 

Aujourd’hui, un étrange bourdonnement vient perturber la tranquillité du site. Un petit drone photographie les murs de l’enceinte. 

Fabrice Monna est spécialiste de la photogrammétrie. La technique permet d’obtenir des modélisations numériques en trois dimensions à partir de photographies.

Le chercheur fait partie d’une équipe internationale et pluridisciplinaire qui tente de comprendre l'histoire des ruines de Loropeni.

 

ITV Fabrice Monna

Il y a une chose importante que l’on remarque en arrivant sur cette enceinte, c’est qu’il n’y a pas de porte visible. Une des questions, c’est quelle était la zone d’accès ? Il y a quelques hypothèses derrière, il y aurait éventuellement un sas, mais la question n’est pas résolue. Ni la question concernant la fonction de ces ruines – ni la question toute simple de l’accès. 

 

 

Grâce au modèle numérique obtenu à partir de ces photographies, les chercheurs pourront étudier la régularité de la construction du mur. En cas d'irrégularité, si la taille des blocs change subitement, c'est que la zone a été reconstruite a une époque différente. On peut ainsi retracer l´evolution de l'édifice. 

 

 

ITV Fabrice Monna (suite)

Là, par exemple, très vraisemblablement, il y a quelque chose qui s’est passé, on voit très nettement les bandes de blocs qui a une forme tout à fait particulière ; ce genre de chose se retrouve ici également, et on va voir des modules significativement différents selon les zones, et on espère que la modélisation en trois dimensions va nous mettre en évidence de façon statistique, toutes ces affaires, et des choses éventuellement moins reconnaissables, moins triviales parce que là c’est absolument net.  

 

En 2009, le site est classé patrimoine mondial de l’Unesco. Découverte en 1902, l’enceinte de Loropeni est en fait la seule forteresses encore debout parmi plus d’une centaine de bâtiments semblables qui ont existé dans la région. C'est en 2015 qu'une collaboration est lancée entre chercheurs français, burkinabés et même ivoiriens. Des étudiants des Universités de Ouagadougou et Koudougou sont également recrutés pour fouiller ce site et tenter de comprendre la civilisation florissante qui dominait cette région et qui a disparu sans laisser la moindre trace écrite.

 

 

ITV Rodrigue Guillon

Ce genre de construction nécessite une forte main d’œuvre et un pouvoir centralisé pour pouvoir coordonner les hommes. 

 

La première question c’est de savoir si c’est défensif ou ostentatoire - est-ce que c’est pour montrer un pouvoir ? Là encore on n’a pas vraiment la réponse ne sachant pas encore la population qui a construit ces ruines on ne connais pas son intention…

 

 

Deux hypothèses se dégagent déjà pour expliquer cette richesse apparente : une activité lié au commerce de l’or, ou au commerce des esclaves…

Quant à savoir s’il s’agissait d’un abri temporaire ou bien un lieu de vie permanent, c’est en creusant que les archéologues obtiennent un début de réponse…

Première grande surprise : la fouille révèle une forte concentration de murs qui délimitent plusieurs pieces de bâtiments, certains se superposent, d'autre ont été repris ; ces éléments indiquent que l’occupation était complexe et dense. Une première datation d’un morceau de charbon révèle une occupation qui remonterait au 15 e siècle. 

On observe également une étonnante abondance de céramiques - qui semblerait liée au stockage de l’eau…

 

 

ITV Simeon

On n’a pas encore trouvé de puits pour l’eau dans les environs ; encore moins à l’intérieur de l’enceinte. Donc je me dis « certainement ils sont allé chercher l’eau plus loin » ; Donc il faut des récipients de dimension appréciable pour pouvoir conserver de l’eau sur peut-être deux, trois, quatre jours. Donc c’est une hypothèse que l’on peut retenir mais c’est lorsque l’on aura étudié les céramiques à fond qu’on pourra obtenir des données encore plus concrètes…

 

En plus des données concrètes, tangibles, recueillis sur le terrain, un des volets du programme examine les mythologies liées au site. 

Quentin Mégret, anthropologue, a cherché des traces de cette civilisation disparue au cœur des récits transmis oralement de génération en génération. 

 

ITV Quentin Mégret

 

On espérait pouvoir avoir une idée un peu plus claire en discutant avec les personnes sur place d’un groupe qui aurait pu revenir avec une certaine récurrence dans les discours. Ca n’a pas du tout été le cas.

 

Si les légendes ne dévoilent pas l'identite réelle des bâtisseurs, elles montrent du moins la richesse des histoires qui lient le site aux populations locales.

 

 

ITV Hervé

D’aucuns disent que ceux qui l’ont bati étaient des géants de cinq/six mètres de haut. Et que pour s’adresser à eux il fallait prendre un bois et lui taper la cheville, le tibia pour qu’il se baisse. Il y a plein de mythologies autour. 

L’archéologie se méfie beaucoup des traditions orales. Mais quand on a un bien culturel avec beaucoup de mythologie autour, ça veut dire que le bien a été approprié par les populations locales. Et un touriste qui vient ; au delà de la richesse scientifique, des résultats scientifiques, archéologiques et autres, palpables que l’on peut vérifier, il y a toute une histoire qui entoure et parfois le visiteur a envie de voler un peu dans ces mythologies et parfois ça fait rêver…

 

Le programme de recherche international est prévu jusqu’en 2018 avec fouilles archéologiques, sondages géophysiques et analyse des modélisations numériques. L’étude des mystérieuses ruines de Loropeni ne fait que commencer…

La cité oubliée de Loropéni

16.09.2016

Qui a bâti cette forteresse ? À quelle époque et dans quel but ? Protégée par des murs de 6 mètres de haut, sans accès apparent, cette enceinte du Sud-Ouest du Burkina Faso suscite plus de questions que de réponses. Dans cette vidéo diffusée en partenariat avec LeMonde.fr, suivez l’équipe pluridisciplinaire de chercheurs qui tente de percer les secrets de ces ruines mystérieuses.

À propos de cette vidéo
Titre original :
La cité oubliée de Loropéni
Année de production :
2016
Durée :
7 min 05
Réalisateur :
Nicolas Baker
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :


Lassina Simporé
Gestionnaire de patrimoine culturel immobilier
Laboratoire d’archéologie, d’histoire de l’art et des techniques
Université de Ouagadougou / Ministère de la culture

Fabrice Monna
Archéologie, terre, histoire et sociétés
ArTeHiS / CNRS / Université de Bourgogne / Inrap / Ministère de la culture

Rodrigue Guillon
Archéologie et sciences de l’Antiquité
ArScAn / Université Paris-Ouest / CNRS / Université de Paris 1 / Ministère de la culture /Inrap

Siméon Kouassi
Institut des sciences anthropologiques de développement
Isad / Université de Cocody-Abidjan

Quentin Mégret
Environnement, ville et société
EVS / CNRS / Universités de Lyon

Hervé Farma-Hantissié
Université de Ouagadougou

Christian Camerlynck
Milieux environnementaux, transferts et interactions
dans les hydrosystèmes et les sols
Metis / UPMC / CNRS / EPHE

Découvrez également le reportage photo la photothèque du CNRS en cliquant ICI.
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