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SCRIPT Pomongwe
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Des chasseurs debout, des femmes aux côtés d’enfants, des girafes et des antilopes, et un bestiaire parfois étrange. Les visiteurs qui entrent dans ces abris s’interrogent depuis des siècles sur l’origine et le sens de ces dessins peints à même la roche par de lointains ancêtres. Que nous racontent-ils ? Qui en sont les auteurs et depuis combien de temps ces figures ornent-elles ces parois ?
Nous sommes au Sud-Ouest du Zimbabwe, dans le massif des Matopos, une des zones qui comporte le plus grand nombre de sites d’art rupestre dans le monde. Depuis quelques semaines, une équipe de recherche franco-zimbabwéenne tente d’en savoir plus sur ces peintures mystérieuses...
Dans les réserves du musée d’Harare, la capitale du Zimbabwe, les scientifiques et étudiants s’intéressent à un matériel archéologique qui pourrait aider à révéler les secrets de ces peintures. Ces outils en os, ces cordes et ces fragments de parois ont été découvert au début des années 60 et à la fin des années 70 sur le site de Pomongwe, un des nombreux abri orné de peintures de la région des Matopos. En étudiant les techniques picturales et en les confrontant aux traces archéologiques découvertes sur ce site, les scientifiques ont débuté une enquête pour tenter de dater ces peintures. Une tâche particulièrement complexe dans le contexte de cette grotte aux parois dégradées par la poussière et les déjections animales. Les chercheurs disposent pourtant d’outils qui permettent de révéler des dessins qu’on pensait disparus.
ITV Carole Dudognon – Archéologue préhistorienne
Notre travail va être déjà de documenter tout cet abri et ensuite de travailler sur le relevé de manière très précise. On va utiliser des logiciels comme D-strech qui nous permet en fait de faire une variation de la colorimétrie pour faire ressortir les pigments. Donc on a un travail en laboratoire, un travail préparatoire, qui est très important où à partir des photographies on va tenter de retrouver des choses qui pourraient paraître complètement effacées sur les parois.
Les photographies en haute définition et les différents calques laissent apparaître des éléments surprenant pour les pariétalistes. Contrairement aux peintures présentes en Europe qui mettent presque exclusivement en scène des animaux et des motifs géométriques, les parois d’Afrique Australe présentent un grand nombre de formes humaines. Files indiennes de chasseurs équipés de leurs arcs, scènes de campement : les auteurs de ces dessins nous offrent un témoignage des modes de vie de leurs contemporains. Mais la succession de peintres différents sur ces parois brouille l’analyse des scientifiques qui se heurtent à un problème majeur, la datation de ces œuvres.
ITV Carole Dudognon – Archéologue préhistorienne
On se pose la question si on est vraiment dans des représentations contemporaines mais dans des styles différents ou si au contraire on a plusieurs phases. Donc on a vraiment cherché à pointer quelques superpositions qui étaient visibles afin d’essayer de comprendre l’antériorité ou la postériorité de chaque figure. Mais ce qui nous pose problème c’est qu’on sera toujours dans une chronologie relative en art. Si on n’a pas une date précise des peintures et des pigments qui nous permettent d’avoir une chronologie pour nous c’est impossible de comprendre le laps de temps qui s’est écoulé entre chaque passage d’artiste.
Pour tenter de reconstituer cette chronologie, les archéologues doivent faire appel à la technologie. Ces fragments de parois qui ont été découverts lors des fouilles de l’abri de Pomongwe portent encore la trace de pigments dont la composition va être analysée en laboratoire. La palette de couleurs présente toute une gamme de rouges, de jaunes, de blancs et même de noirs qui font la richesse de ce site archéologique. Autant d’indices sur les techniques utilisées par ces peintres.
Camille Bourdier – Archéologue préhistorienne
Travailler sur les techniques picturales ça renseigne sur deux choses à la fois pour nous. La première c’est essayer de distinguer des mains à travers les recettes de peinture. En travaillant sur les analyses physico-chimiques, vraiment de quoi sont composées les peintures, donc ça c’est le travail de nos collègues en laboratoire en France. Le but c’est d’essayer à travers ces analyses de distinguer s’il y a eu différents types de pigments et après différents mélanges qui auraient été réalisés pour voir si certaines peintures à l’intérieur des décors sont potentiellement les mêmes - mêmes recettes - ou au contraire seraient différentes dans le temps – des recettes différentes. Et un autre aspect c’est plutôt de travailler sur le degré de savoir-faire. Est ce qu’on est face à une production qui est une production de quidam ou au contraire est ce que les savoir faire techniques notamment en terme de choix de pigment, de réalisation de pots de peintures ou même d’outils utilisés pour apposer les peintures ? Est ce que c’est le doigt est ce que c’est un pinceau…nous renseignent sur un éventuel apprentissage à travers lequel la ou les personnes sont passées pour réaliser leurs peintures.
En parallèle de ces analyses, ces spécialistes de l’art pariétal se sont exceptionnellement associées à des archéologues pour tenter de mieux comprendre l’histoire de ces peintures laissées sur les parois de la grotte de Pomongwe.
Durant près d’un mois, une équipe franco-zimbabwéenne d’archéologues et d’étudiants a élu domicile sous la voûte de Pomongwe. Si les dessins qui ornent ces parois sont parfois difficiles à distinguer à l’œil nu, le sous sol de la grotte en revanche éclaire sur leur origine. Contrairement à la plupart des grottes ornées, le sol de Pomongwe présente une couche de sédiments de plus de 4m de profondeur qui a pu piéger du matériel archéologique. Patiemment, les équipes de Guillaume creusent le sol de l’abri afin de valider les découvertes des archéologues précédents et mettre au jour de nouveaux éléments qui permettront de comprendre ces peintures. Ces sédiments renferment en effet de éclats de roches granitiques qui se sont détachées de la paroi. Certains portent des traces de pigments. En fonction de la couche géologique dans laquelle ces éclats peints sont découverts, les archéologues vont pouvoir affirmer l’existence de ces peintures à des époques précises.
Guillaume Porraz – Archéologue
On a ce découpage entre le bloc Later Stone Age, les 15 derniers millénaires, et ensuite le bloc Middle Stone Age qui débute ici et qui se poursuit sur 3 mètres. Les écailles de granites on les retrouve en quantité incroyable dans le Middle Stone Age c’est même une accumulation de spole de granites et ensuite on voit qu’elles se raréfient parce qu’il y a une sédimentation qui est un peu plus rapide donc qui fait qu’on les retrouve moins. La particularité dans cette phase supérieure c’est que certaines sont peintes du coup l’association de ces peintures avec chacune de ces couches nous permet de donner une chronologie relative à ces peintures. Aujourd’hui ces peintures se répartissent sur l’ensemble de la couche Later Stone Age, dès les premières occupations il y a à peu près 10-13 000 ans.
Cette chronologie qui s’étale sur plus de 10 000 ans pourrait faire de Pomongwe le plus ancien site d’art pariétal africain. Il présente aussi un très grand nombre de styles picturaux et de thématiques que l’on retrouve dans l’ensemble des Matopos. Un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui offre une concentration exceptionnelle de grottes ornées.
Guillaume Porraz – Archéologue
L’ensemble du matériel qu’on retrouve nous montre très clairement que ces populations avaient non seulement des savoir-faire qui étaient complexes, qui tiraient le meilleur des ressources de l’environnement mais aussi un système de représentation, un système symbolique qui montre bien que les préoccupations de ces populations dépassaient largement le simple cadre de la subsistance et de la reproduction pour finalement s’inscrire dans une humanité qui est en tous points similaire à la nôtre aujourd’hui.
Les découvertes des archéologues pourraient faire de Pomongwe la pierre angulaire de la chronologie stylistique de ces peintures et permettre de tester demain de nouvelles hypothèses sur d’autres abris de la région. Une manière aussi d’approcher de plus près une culture longtemps considérée comme très éloignée de la nôtre.
Sur les traces des premiers peintres d’Afrique
Avec ses milliers d’abris décorés, le massif des Matopos, dans le sud-ouest du Zimbabwe, s’impose comme l’un des lieux emblématiques de l’art pariétal dans le monde. Dans ce reportage diffusé avec LeMonde.fr, partez avec une équipe d’archéologues qui tente de remonter l’histoire de ces peintures très énigmatiques.
Travaux de Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACES)
CNRS / Université Toulouse Jean Jaurès / Ministère de la Culture
INRAP / EHESS / University of the Witwatersrand
Guillaume Porraz (CNRS)
Archéologies et Sciences de l'Antiquité (ArScAn)
CNRS / Université Panthéon - Sorbonne / Université Paris Nanterre / Ministère de la Culture
Carole Dudognon
Travaux de Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACES)
CNRS / Université Toulouse Jean Jaurès / Ministère de la Culture / INRAP / EHESS
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