Ce que les fossiles nous révèlent des crocodiles
Il y a 66 millions d’années, l’impact d’une météorite avec la Terre a bouleversé les environnements marins et continentaux, conduisant à l’extinction massive d’espèces animales comme végétales. Dotés d’une grande adaptabilité, les sébécosuchiens, de l’ordre des crocodiliens, font partie des lignées ayant subsisté. Une équipe du Laboratoire de géologie de Lyon* a utilisé plusieurs approches telles que l’analyse chimique des os et l’étude détaillée de leur boîte crânienne afin de caractériser leur alimentation et le milieu dans lequel évoluaient ces anciennes espèces.
*Le Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement (LGL-TPE) est une unité CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard.
Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence nationale de la recherche au titre du projet ANR SEBEK – AAPG2019. Ce reportage a été réalisé et financé dans le cadre de l’appel à projet Sciences avec et pour la société - Culture scientifique technique et industrielle (SAPS).
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Reconstitution artistique de « Dentaneosuchus crassiproratus ». Long de 3 à 4 mètres et doté de dents capables de lacérer ses proies, « D. crassiproratus » était un prédateur carnivore terrestre, contrairement aux crocodiles adaptés à la vie semi-aquatique. Appartenant à la famille des sébécosuchiens, nom tiré du dieu-crocodile égyptien Sobek, il semble avoir évolué notamment dans un milieu subtropical forestier du Sud de la France durant l’Éocène, il y a environ 45 millions d’années.
Donatelle LIENS / LGL-TPE / CNRS Images
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Dénicher des fossiles est une tâche qui demande un sens de l’observation aiguisé et beaucoup de patience. En l’occurrence, la paléontologue du Laboratoire de géologie de Lyon vient de mettre la main sur un morceau de crâne de crocodile fossile, une pièce de l’articulation entre le crâne et la mandibule, sur un terrain de fouille dans le Minervois (région Occitanie). La pièce est photographiée et mesurée avant son extraction minutieuse.
Jérémy MARTIN / LGL-TPE / CNRS Images
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Pour libérer le fossile de sa gangue rocheuse, les scientifiques utilisent différentes méthodes en fonction de la nature de cette dernière. Ici, les ossements sont conservés dans un bloc de calcaire, un matériau constitué de carbonates, et sont dégagés à l’acide dilué afin de dissoudre la roche pour faire apparaître progressivement les os, sans endommager le phosphate qu'ils contiennent. Les blocs sont ensuite rincés à l’eau. Cette étape peut durer plusieurs mois du simple fait de l’utilisation d’acides faiblement concentrés.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Avant d’entamer un nouveau cycle d’attaques à l’acide, les éléments fragiles sont protégés à l’aide d’un consolidant qui, la plupart du temps, se présente sous la forme d’une colle polymère. Appliquée délicatement pour occuper tous les interstices, elle protège le fossile en plus d'assurer sa cohésion. Elle peut être retirée si nécessaire.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Après avoir subi plusieurs traitements à l’acide, la surface de l’os de crocodile fossile doit passer par une étape finale de dégagement mécanique, qui se fait à l’aide d’un micro-burin pneumatique et d’outils de précision. À l’issue de cette étape, le fossile peut enfin commencer à révéler ses secrets.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Dans le but de comprendre dans quel environnement évoluait « D. crassiproratus » et de quoi il se nourrissait, un chercheur prélève l’émail d’une dent fossile à l’aide d’une micro-foreuse, sous loupe binoculaire. Une fois la dent réduite en poudre, les différentes analyses géochimiques peuvent commencer.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Au cours de sa vie, « D. crassiproratus » a accumulé dans l’émail de ses dents du ¹³C, un des isotopes naturels du carbone. L’analyse isotopique du ratio entre ¹³C et ¹²C (le carbone commun), contenus dans les restes fossilifères suggère fortement que « D. crassiproratus » était un « super prédateur » qui se nourrissait probablement de mammifères terrestres.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Insérés dans des capsules d’argent, les restes fossilifères, toujours sous forme de poudre, sont aussi analysés par pyrolyse. Ici, l’analyse chimique des isotopes d’oxygène (¹⁶O et ¹⁸O) révèle des informations sur la thermo-physiologie de l’animal et permettent d’avancer que « D. crassiproratus » était très probablement exclusivement terrestre, à l’instar des sébécosuchiens.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Les fossiles sont souvent retrouvés en petite quantité et ne sont donc quasiment jamais complets. Ainsi, pour étudier l’évolution de la terrestrialité chez les crocodiliens, soit leur adaptation à un mode de vie sur la terre ferme, les paléontologues se servent de restes de spécimens contemporains tels que « Crocodylus siamensis » comme donnée de référence. ici, la numérisation du crâne est effectuée avec un scanner surfacique à lumière structurée. Ce travail permettra la création d’un modèle en trois dimensions de la surface du crâne entier.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Les diverses méthodes de numérisation rendent possible l’impression 3D en résine liquide d’un crâne d’« Arambourgia gaudryi » , crocodilien semi-terrestre éteint proche de la famille des alligators actuels. À la fin du processus, l’exposition à un rayonnement ultraviolet induira la solidification de la résine.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Chaque os du crâne d’« Arambourgia gaudryi » est identifié par une couleur précise. Cette segmentation guide la répartition de chaque os sur l’impression 3D en résine, offrant une représentation palpable et visuelle de ce spécimen éteint.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Les fossiles sont conditionnés en boîtes et inventoriés, comme cette mandibule de crocodile, aussi bien dans des musées que des collections universitaires. Une façon pour les paléontologues d’en faire une archive consultable par d’autres chercheurs et de garder une trace des manipulations qu’ils ont subies. Dans un souci de préservation, les fossiles sont conservés dans des conditions d’hygrométrie et de température constantes.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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Un autre outil utilisé par les paléontologues est le dessin d’interprétation des fossiles. Réalisés à partir des restes, de photos et éventuellement de modèles en trois dimensions des spécimens, ces dessins sont le plus souvent le fruit des scientifiques eux-mêmes. Ils serviront à illustrer les spécimens étudiés au sein d’articles scientifiques ou pour aider à mieux rendre compte des découvertes auprès d’un public non-expert.
Simon BIANCHETTI / LGL-TPE / CNRS Images
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