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La médiation scientifique à l'honneur

La médiation scientifique à l'honneur

26.09.2023, par
Parmi les lauréats 2023 figure David Louapre, à l'origine de la chaîne YouTube Science Étonnante qui cumule 1,3 million d'abonnés.
Pour la troisième année consécutive, le CNRS décerne la médaille de la médiation scientifique à celles et ceux qui partagent la science avec le public. La physicienne Wiebke Drenckhan, l'association MATh.en.JEANS, un collectif qui lutte contre le climatoscepticisme, la plateforme Criminocorpus et le youtubeur David Louapre sont les lauréats 2023.

Wiebke Drenckhan : l’art et la manière 

« Dans la vulgarisation classique, on ne touche souvent que les gens qui s’intéressent déjà au sujet, déplore Wiebke Drenckhan, directrice de recherche à l’Institut Charles Sadron du CNRS. Avec l’art, le design ou la musique, on peut parler de science à un public qui n’est pas venu pour ça. » Wiebke Drenckhan, qui a d’abord hésité entre une carrière artistique et une carrière scientifique, étudie les propriétés physico-chimiques des mousses de polymères. Travaux pour lesquels elle a reçu la médaille de bronze du CNRS en 2015. Mais l’art ne l’a jamais quittée. « Le chercheur et l’artiste sont tous deux des créatifs, je constate qu’ils travaillent parfois de manière similaire. » La lauréate a ainsi mené le projet Polus Meros en 2017 avec des designers Raphael Pluvinage et Juliette Gelli de l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI). Ils ont conçu ensemble un jeu de course avec des gouttes d’eau sur des surfaces hydrophobes.

Wiebke Drenckhan.
Wiebke Drenckhan.

Toujours friande de collaborations et de travail en équipe, elle a également dirigé en 2021 le projet « Bulles & mousses : art & science » avec l’artiste bulleur Sébastien Kauffmann. Il s’est conclu par un spectacle musical, où Wiebke Drenckhan jouait d’ailleurs de l’accordéon, qui abordait les phénomènes physico-chimiques au cœur des bulles et des mousses. La physicienne collabore également avec des théâtres ou des musées scientifiques. Elle a mis à profit ses talents d’illustratrice dans plusieurs livres, revues scientifiques et supports de médiation pour les nombreuses manifestations, comme la Fête de la science, auxquelles elle participe régulièrement. ♦

MATh.en.JEANS : un an dans les bottes d’un chercheur en mathématiques

« Avec notre slogan “ne subissez pas les maths, vivez-les !” nous voulons montrer aux élèves que les mathématiques forment une discipline actuelle, qui n’est pas réservée aux professionnels », explique Aviva Szpirglas, présidente de MATh.en.JEANS, professeure émérite des universités et membre du Laboratoire de mathématiques et applications1. MATh.en.JEANS, association agréée par l’Éducation nationale, propose aux collégiens et aux lycéens de se mettre dans la peau de chercheurs en mathématiques. Sous la forme d’ateliers se réunissant une heure par semaine sur toute l’année, les élèves tentent de répondre à un problème qu’ils ont choisi dans une liste concoctée par un scientifique référent. Tous les élèves, sans distinction de classe ou de niveau, sont les bienvenus.

Conférence de l'association à Grenoble, en 2023.
Conférence de l'association à Grenoble, en 2023.

Un enseignant et le scientifique les encadrent, mais ne les guident pas vers une solution. Les groupes comparent régulièrement leurs progrès et leurs méthodes avec d’autres camarades, puis les résultats sont présentés à la fin de l’année sous la forme d’articles scientifiques et de conférences lors d’un congrès de mathématiques. Tout comme les vrais chercheurs et chercheuses ! Sur l’année scolaire 2022-2023, environ 3 725 élèves sont passés par 288 ateliers de MATh.en.JEANS, la part de filles oscillant de 46 % à 50 % selon les années. Ils ont été encadrés par 462 enseignants et 163 scientifiques. Un succès durable et une approche originale que le CNRS récompense cette année. ♦

Un collectif contre le climatoscepticisme

« En cette période où tout se vaut sur les réseaux sociaux, j’ai voulu redonner de la visibilité aux chercheurs, à leurs travaux et à leur parole », explique Anne Brès, responsable de la communication à l’Institut national des sciences de l’Univers (Insu) du CNRS. Elle a coordonné un collectif qui a développé en quatre ans tout un arsenal numérique pour contrer l’avancée des fake news scientifiques et en particulier celles, nombreuses, qui touchent au climat. « C’est à l’origine une demande des scientifiques qui, à l’approche du sixième rapport du Giec, s’inquiétaient du poids des idées climatosceptiques dans les résultats des moteurs de recherche », poursuit-elle. Le collectif a rassemblé le blogueur Bon Pote, qui produisait déjà du contenu scientifique avec l’aide ponctuelle de chercheurs, et une vingtaine de scientifiques pour rédiger de nombreux articles, massivement partagés sur les réseaux sociaux, démontant des points précis de la désinformation climatosceptique. Avec l’illustratrice Claire Marc, certains de ces textes ont été transformés en schémas illustrés, ou sketchnotes, encore plus faciles à comprendre et à diffuser.

Le succès de ces initiatives a fait remonter les résultats scientifiques dans les réponses des moteurs de recherche. Les sketchnotes ont également été publiés sous la forme du livre Tout savoir ou presque sur le climat, qui, avec plus de 50 000 exemplaires vendus, est rapidement devenu le plus gros tirage de l’histoire de CNRS Éditions.

Criminocorpus : la plateforme en ligne sur l’histoire de la justice en France

« Au sein de la société, les questions de justice suscitent souvent des confrontations caricaturales et, quand les chercheurs sont sollicités par les médias, c’est généralement dans l’urgence, rapporte Marc Renneville, directeur du Centre pour les humanités numériques et l’histoire de la justice2  (Clamor) et directeur de recherche au Centre Alexandre-Koyré3. Nous en avons conclu qu’il manquait un espace public dédié à l’histoire de la justice. » Un vide comblé par Criminocorpus. Conceptualisé en 2003, le projet a été mis en ligne en 2005. La plateforme s’est d’emblée adressée aux scientifiques et aux professionnels de la justice, comme les magistrats ou le personnel de l’administration pénitentiaire, tout en restant ouverte au public.

L'équipe Criminocorpus.
L'équipe Criminocorpus.

Criminocorpus rassemble en un lieu unique des articles, des instruments de recherche, dont une bibliographie de près de 69 000 références, et des corpus de documents d’époque, comme la première revue française de criminologie : Archives de l’Anthropologie criminelle, 1886-1914. Les cinq membres du Clamor élaborent également du contenu inédit pour le grand public, sous la forme d’expositions en ligne et de parcours thématiques sur des sujets tels que l'abolition de la peine de mort ou le bagne. La plateforme accueille de nombreuses autres initiatives, comme le service « Hugo » qui recense les lieux de jugement et d’exécution des peines de l’histoire de France. Criminocorpus dispose d’une chaîne YouTube qui totalise plus de 600 000 vues. ♦

David Louapre : 1,3 million d’abonnés à la science

« Je suis animé par la volonté de transmettre à la société ce que j’ai eu la chance d’apprendre pendant mes études et mes recherches », affirme David Louapre. Il faut dire que sa chaîne YouTube, Science Étonnante, dépasse 1,3 million d’abonnés et totalise plus de 110 millions de vidéos vues. Docteur en physique théorique formé à l’École normale supérieure de Lyon, David Louapre vulgarise différents concepts scientifiques au rythme d’une vidéo par mois. Il couvre toutes les disciplines, avec tout de même un accent sur la physique et les mathématiques.

David Louapre.
David Louapre.

Démarrée en 2010 sous la forme d’un blog, Science Étonnante est devenue une chaîne YouTube en 2015. Elle s’adresse aux adultes et aux adolescents, et David Louapre compte à présent parmi les vidéastes scientifiques francophones les plus populaires. Il a de plus publié plusieurs ouvrages, dont Mais qui a attrapé le bison de Higgs ?, lauréat du prix du livre scientifique de la communauté d’agglomération Paris-Saclay. David Louapre est également chevalier de l’ordre national du Mérite et a reçu le prix Paul Doistau-Émile Blutet de l’information scientifique de l’Académie des sciences. Malgré toutes ces activités, le physicien n’a jamais cessé de travailler à côté. Il a ainsi été engagé en 2018, après près de quinze années dans la recherche privée chez Saint-Gobain, par Ubisoft en tant que directeur scientifique. Il y traduit les simulations et les modèles scientifiques, traitant par exemple de la physique et de la chimie de la matière, en concepts utilisables dans le développement de jeux vidéo. ♦

Notes
  • 1. Unité CNRS/Université de Poitiers.
  • 2. Unité CNRS/Ministère de la Justice.
  • 3. Unité CNRS/EHESS/MNHN.
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

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