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Environnement : comment changer nos comportements ?
Comment expliquer nos comportements ? Ceux-ci sont avant tout des réponses à ce que nous percevons comme des besoins. Parmi ceux-ci, les besoins vitaux - comme se nourrir, être en sécurité, se reproduire - font l'objet des comportements prioritaires. Et lorsqu'ils sont satisfaits, les individus, humains comme animaux, peuvent être amenés à faire des choix d'action qui vont satisfaire des besoins non vitaux.
De quelle catégorie relève la protection de l’environnement ? Force est de constater qu’elle n'est pas perçue comme un besoin vital. Et pour cause : les effets de la dégradation environnementale semblent, en général – même s’il y a des exceptions notables -, très éloignés dans le temps ou dans l'espace, en tous cas trop lointains pour être vus comme une menace directe. Cela tient au fait qu’en termes de survie à court terme, la préservation de l’intégrité physique de l’individu passe avant l'orientation de ses ressources (mentales, d'action, ou financières) vers la sécurité environnementale.
Priorité aux besoins immédiats
Les attentats et la crainte qu’ils génèrent fournissent une illustration malheureusement tragique de ce phénomène. Ce qui, bien entendu, est normal : il ne servirait à rien d'avoir une qualité de l'air optimale si nous sommes tombés sous les bombes. Ceci explique également que pour que les nations et les individus prennent en compte la sécurité environnementale, il faut d'abord que leurs besoins matériels vitaux immédiats soient satisfaits. Ainsi, la lutte contre le chômage - qui affecte le bien-être actuel de la population - passe avant la prévention des dégâts environnementaux qui affecteront principalement les générations futures.
Ceci dit, même dans les pays ou durant les périodes où la sécurité physique ou matérielle semblent largement assurées, les priorités environnementales ne semblent pas acquises pour tous. Ce raté cognitif a plusieurs explications. Les comportements élaborés, les décisions à court ou long terme, se mettent en place par apprentissage et se développent depuis l'enfance, d'abord par imitation puis parce que leur réalisation apporte une certaine gratification, c'est à dire une satisfaction. Si cette satisfaction est trop abstraite, ou éloignée dans le temps, le comportement a moins de chance de se répéter ou de devenir durable.
Sur le plan neurobiologique, lorsqu'un comportement est immédiatement et de façon répétitive et régulière suivi d'une gratification (une "récompense") ou qu'il permet d'éviter un effet négatif (une "punition"), des neurotransmetteurs chimiques sont libérés dans certaines structures cérébrales qui vont renforcer (ou inhiber) ce comportement. Ce mécanisme conduit à l'apprentissage du lien qui existe entre nos actions et leurs conséquences. Le neurotransmetteur le plus important dans ce processus est la dopamine : elle est libérée dans des structures cérébrales qui vont nous permettre de gérer nos motivations (ce qui nous pousse à agir), ainsi que nos émotions. En outre, ces structures communiquent avec une aire cérébrale qui permet la mise en mémoire du contexte dans lequel ce comportement a eu lieu. Un comportement suivi d'une gratification importante, ou qui aura permis d'éviter un effet négatif qu'on aura préalablement expérimenté, aura donc toutes les chances de se reproduire et d'être bien mémorisé.
Rendre routiniers les comportements pro-environnement
Ensuite, la plupart des comportements fréquents ont une tendance naturelle à s'automatiser et devenir routiniers : ce faisant, ils ne sollicitent plus le cortex préfrontal, qui participe au raisonnement, à la prise de décision, et au maintien de l'attention. Autrement dit, de tels comportements ne font plus appel au raisonnement. Ce qui ne veut pas dire qu'il est impossible de les modifier, mais changer de routines est d'autant plus difficile qu'elles n'ont pas de contreparties négatives. Il est même tout à fait possible de remplacer des comportements anciens et automatisés par des nouveaux. Mais pour cela, il est nécessaire d'acquérir de nouvelles informations et connaissances et de créer de nouveaux schémas d'actions.
Dans ce cadre, comment changer certains de nos comportements pour faire face aux menaces environnementales ? Plusieurs actions sont susceptibles d'influencer notre construction mentale, agissant chacune à des échelles de temps différentes. Tout d’abord, il est important de s’adresser à tout le monde. Le fait que les préoccupations environnementales aient longtemps été associées à une organisation politique a pu contribuer à restreindre leur portée, alors que ces préoccupations devraient transcender toute idéologie. Un peu comme si le port de la ceinture de sécurité n'avait été défendu que par un parti politique ; il aurait dès lors été plus difficile de promouvoir les effets bénéfiques de ce comportement qui, en une génération, est devenu une routine.
Ensuite, sans verser dans le catastrophisme, cette information doit être présentée de manière concrète et réaliste. Car ce qu'on n'expérimente pas soi-même n'a pas de conséquences durables sur le plan comportemental, notamment si aucune émotion ressentie par l'individu lui-même n'y est associée. Il serait donc judicieux de rappeler, en fonction des personnes à qui l’on s’adresse, l’imminence et la proximité de ces dangers pour leur sécurité, que ce soit sur les plans alimentaire, respiratoire, sanitaire… Cela pourrait permettre de ne pas reléguer la menace à un second ou troisième plan mais de la remonter au niveau des besoins vitaux.
Il est également important que l’école transmette aux enfants les bonnes pratiques qui permettront de rendre routiniers les comportements bénéfiques à l’environnement. Ce qui, par ricochet, permettra à ces comportements de se diffuser dans la sphère familiale puis dans la société. Cette approche a déjà fait ses preuves pour les économies d'eau ou le recyclage des emballages, désormais adoptés par la majorité des enfants et des familles. Enfin, pour « déconstruire » rapidement des comportements automatisés délétères, la "punition" semble la plus efficace. La priorité sera ici de les réprimer par des interdictions et des contraintes couplées, par exemple, à des amendes financières. Toutefois, si l'on souhaite infléchir durablement le comportement des individus, il est nécessaire de les impliquer dans l’élaboration des contraintes. Et, parallèlement aux punitions sanctionnant les mauvais comportements, il faut renforcer les « bons choix » pour que les émotions qui en découlent soient immédiates et positives.
Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.
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IRASD le 25 Décembre 2015 à 17h55