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Le principe d’équivalence à l’épreuve

Le principe d’équivalence à l’épreuve

19.11.2015, par
Mis à jour le 25.04.2016
Microscope
Vue d'artiste de Microscope, le micro-satellite du CNES.
Le 25 avril, le satellite Microscope a été mis en orbite. Sa mission : tester une nouvelle fois le principe d’équivalence. Pilier de la théorie de la relativité générale, celui-ci postule que tous les objets tombent de la même façon dans le vide. Microscope sera-t-il le premier à le mettre en défaut ?

Été 1971, sur la Lune. L’astronaute américain David Scott lâche en même temps une plume et un marteau : ils atteignent le sol lunaire en même temps.Un hommage à la mythique expérience de Galilée… qui n’a probablement jamais eu lieu ! Retour au XVIIe siècle, en Italie. Du haut de la tour de Pise, le savant italien aurait lâché en même temps une boule de plomb et une boule de bois : toutes deux auraient touché le sol au même moment. Galilée en aurait déduit que dans le vide, tous les corps tombent avec la même accélération, quelle que soit leur masse ou leur compo­sition. Un résultat pour le moins contre-intuitif…

Cette universalité de la chute libre postule en fait l’équivalence entre deux types de masses : la masse grave, qui détermine la sensibilité d’un corps à l’attraction de la gravité, et la masse inerte, qui détermine le degré de résistance d’un corps à une modification de son mouvement. Ainsi, le rapport entre ces deux masses serait toujours le même. Voilà pourquoi tous les corps soumis à un même champ gravitationnel chutent à la même vitesse dans le vide.

Des implications gigantesques

Développée par Isaac Newton dans le cadre de sa théorie de la gravitation en 1686, cette observation sera ensuite érigée en principe par Albert Einstein. En 1915, il en fait même le fondement de sa théorie de la relativité générale qui va révolutionner la physique. Les implications de ce principe d’équivalence sont en effet gigantesques. Tout d’abord, il accrédite l’idée qu’une accélération peut mimer un champ de gravitation. Pour l’illustrer, Einstein utilisera l’image d’une grande boîte ou d’une chambre sans fenêtre placée dans l’espace, en dehors de tout champ de gravitation, et subissant une accélération égale à celle de la pesanteur. Son occupant se retrouve alors collé au plancher de la chambre. En l’absence de repère visuel extérieur, il est alors incapable de dire s’il se trouve dans le champ de gravité de la Terre, ou s’il est soumis à une accélération. Et s’il laisse tomber des objets, il les verra suivre exactement la même trajectoire que s’il était dans sa chambre sur Terre.

Principe d'équivalence
Illustration de James Edwin McConnell (1903-1995) figurant la démonstration du principe d’équivalence par Galilée depuis le haut de la tour de Pise en 1591.
Principe d'équivalence
Illustration de James Edwin McConnell (1903-1995) figurant la démonstration du principe d’équivalence par Galilée depuis le haut de la tour de Pise en 1591.

« Du principe d’équivalence découlera la théorie de la relativité générale selon laquelle la gravitation n’est plus une force qui s’exerce depuis un objet vers un autre, mais une déformation de la structure même de l’espace-temps ! », complète Thibault Damour, physicien théoricien, membre de l’Académie des sciences et professeur à l’Institut des hautes études scientifiques.

Un principe largement validé

Au fil des siècles, nombre d’expériences ont vérifié ce principe d’équivalence. Galilée l’aurait en fait d’abord déduit en chronométrant des boules chutant le long de plans inclinés… Mais, dès 1687, Newton le vérifie en observant que des pendules de même longueur dotés de boules en matériaux différents se balancent bien au même rythme, avec une précision de trois chiffres après la virgule. En 1889, à l’aide de pendules plus sophistiqués (pendules de torsion), le physicien hongrois Loránd Eötvös le confirme cette fois à huit chiffres après la virgule. « En 2008, en raffinant le principe du pendule de torsion avec du béryllium et du titane, le groupe de physiciens américains Eöt-Wash est parvenu à une précision de 13 chiffres après la virgule, le record actuel ! », indique Gilles Métris, astronome au ­laboratoire Géoazur1.

Alors à quoi bon poursuivre les vérifications ? Parce que, si la théorie de la relativité générale est parfaite pour décrire l’interaction gravitationnelle, elle ne l’est pas pour les trois autres interactions régissant la physique des particules gouvernées par la mécanique quantique et unifiées dans le fameux « modèle standard ». Or les théories actuellement développées pour tenter d’unifier ces quatre interactions – telle la théorie des cordes – prévoient toutes la violation du principe d’équivalence à un moment donné.
 

Application du principe d’équivalence
Application du principe d’équivalence : les vols paraboliques simulent l’apesanteur quelques secondes.
Application du principe d’équivalence
Application du principe d’équivalence : les vols paraboliques simulent l’apesanteur quelques secondes.

Des projets très ambitieux

Voilà pourquoi de nouveaux projets sont en cours. Et cette fois directement dans l’espace, grâce à des satellites en chute libre permanente loin des perturbations terrestres. Parmi eux, le microsatellite Microscope2 du Cnes qui a été mis en orbite à 700 kilomètres en avril 2016. « Notre objectif est de vérifier le principe d’équivalence sur deux matériaux différents – du titane et du platine – avec une précision de 15 chiffres après la virgule ! », lance Gilles Métris, co-investigateur principal de la mission.

Notre objectif
est de vérifier
le principe
d’équivalence
avec une précision
de 15 chiffres
après la virgule.

Dans la pratique, l’expérience va en fait contraindre les deux ­masses à suivre exactement la même ­trajectoire, grâce à un double accéléromètre électrostatique. « Ainsi, si des accélérations différentes s’avéraient nécessaires, c’est que le principe d’équivalence serait violé », indique Gilles Métris. D’un poids total avoisinant les 300 kilogrammes, le microsatellite sera équipé de micropropulseurs à gaz froid capables de compenser les plus infimes pertur­bations de trajectoire qui risqueraient de fausser les résultats.

« Si Microscope observe une violation du principe d’équivalence, cela renforcerait la théorie des cordes selon laquelle l’Univers possède des dimensions d’espace supplémentaires, s’enthousiasme Thibault Damour. Cela implique en effet l’existence d’autres champs que celui de la gravitation, capables de faire varier les constantes de la physique dans le temps et l’espace, constantes qu’on ne sait absolument pas expliquer aujourd’hui. »

Mais, même si Microscope confirmait une nouvelle fois le principe d’équivalence, les physiciens n’ont pas dit leur dernier mot. En effet, d’autres projets spatiaux encore plus ambitieux sont dans les cartons. En attente d’une décision de l’Agence spatiale européenne pour 2018, la mission Stequest3 propose de vérifier le principe d’équivalence carrément au ­niveau atomique, en mettant en chute libre dans l’espace des atomes de nature différente. Aux États-Unis, un projet de mission spatiale nommé Step4 était aussi envisagé, visant, grâce à trois paires de matériaux différents à température cryo­génique, une précision de 18 chiffres après la virgule ! De quoi mettre un point final à cette formidable épopée scientifique engagée il y a plus de 400 ans.

À voir :  

 
Einstein et la relativité générale. Une histoire singulière, film réalisé par Quentin Lazzarotto et produit en partenariat avec l’Institut Henri-Poincaré (IHP), 52 min.
Ce film a été diffusé le 19 novembre, à 22 h 30, sur RMC Découverte.
Le DVD est également mis à disposition gratuitement par l’IHP.

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Unsa/UPMC/IRD.
  • 2. Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du principe d’équivalence.
  • 3. Space-Time Explorer and Quantum Equivalence Principle Space Test.
  • 4. Satellite Test of the Equivalence Principle.
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Auteur

Jean-Philippe Braly

Journaliste scientifique, Jean-Philippe Braly est spécialisés dans les thématiques santé/sciences du vivant, environnement/écologie/nature et nouvelles technologies. Il collabore notamment avec CNRS Le journal, le magazine La Recherche, les agences de presse Canopy et Look at Sciences. Producteur de documentaires pour l’émission de France Culture « Sur les Docks », il anime...

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