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Juno prête à effeuiller Jupiter
Depuis le 4 juillet 2016, après un voyage de presque cinq ans, la sonde Juno est en orbite autour de Jupiter. L’un des objectifs principaux de la mission, prévue pour durer dix-huit mois, est de mieux comprendre de quoi se compose l’intérieur, jusqu’ici inaccessible à l’observation, de la plus grosse planète du système solaire. Juno va notamment cartographier les champs gravitationnels et magnétiques de la géante gazeuse afin de déterminer sa structure interne. Les instruments de l’orbiteur vont également mesurer l’émission radiométrique de l’atmosphère profonde de la planète, ceci afin de connaître sa composition, sa structure thermique et son environnement ionisé.
34 révolutions prévues pour la mission
Les informations recueillies par Juno vont ainsi non seulement permettre aux chercheurs de mieux connaître Jupiter, mais aussi, et surtout, de disposer de nouveaux indices sur les conditions qui régnaient dans le système solaire primitif, lorsque la planète géante était en formation. De fait, en dépit des données accumulées lors des précédentes missions joviennes, la structure et la genèse de Jupiter demeurent assez mal connues. « Aujourd’hui, on ne sait pas si Jupiter possède ou non un noyau central, remarque Tristan Guillot, médaille de bronze du CNRS, directeur de recherche au Laboratoire J.-L. Lagrange1 et à l’Observatoire de la Côte d’Azur, et co-investigateur de la mission, Juno va mieux contraindre nos hypothèses sur la structure et la dynamique internes de Jupiter grâce à des mesures 100 fois plus précises que celles dont nous disposions jusqu’ici. »
À la différence de la mission Galileo, qui était dédiée au système jovien dans son ensemble, Juno et ses neuf instruments s’intéresseront quasi exclusivement à la structure interne de Jupiter et sa magnétosphère. À partir de juillet 2016, la sonde commencera à orbiter autour de la planète. Ses deux premières révolutions dureront environ 54 jours, puis à partir d’octobre le vaisseau s’insérera sur une orbite frôlant successivement les deux pôles, mettant alors quatorze jours à effectuer une révolution complète. Jupiter tournant sur elle-même en un peu moins de dix heures, Juno passera au-dessus de régions différentes à chaque orbite, couvrant la totalité de la planète lorsqu’elle aura réalisé les 34 révolutions prévues pour la mission.
Une structure interne encore mystérieuse
« Plus que les instruments embarqués, c’est le choix de cette orbite polaire qui rend la mission exceptionnelle, insiste Philippe Zarka, directeur de recherche au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique2 et co-investigateur sur Juno. Non seulement parce qu’elle balayera toute la surface de la planète, mais aussi parce qu’elle permettra, entre chaque survol des pôles, de passer sous les ceintures de radiation qui s’étendent de part et d’autre de l’équateur, le long des lignes du champ magnétique jovien. » On notera que c’est d’ailleurs la dégradation des instruments électroniques soumis à ces radiations intenses qui, malgré leur blindage, restreint à un an la durée de vie de la mission. « Jamais un vaisseau ne se sera approché aussi près de Jupiter : à peine 10 000 kilomètres au-dessus des pôles, 5 000 kilomètres au-dessus de l’équateur, poursuit le chercheur, si on réduisait la planète à la taille d’un ballon de basket, la sonde s’en approcherait à moins d’un centimètre ! »
vaisseau ne se sera
approché aussi
près de Jupiter :
à peine
5 000 kilomètres au-dessus de l’équateur.
Ne disposant jusqu’ici que d’informations très parcellaires sur l’intérieur de la 5e planète, les chercheurs en étaient réduits à spéculer sur ce qui se trouve en dessous des couches les plus superficielles de l’atmosphère. Ils supposent ainsi que, lorsqu’on s’enfonce dans la planète, la pression et la température augmentant, le milieu, initialement gazeux et composé essentiellement d’hydrogène moléculaire et d’hélium, devient liquide. Lorsque la pression dépasse un million de fois la pression atmosphérique terrestre, les molécules sont cassées et l’hydrogène devient métallique.
« On pense que c’est dans cet hydrogène métallique liquide, qui occupe 80 % du rayon et qui conduit l’électricité, que des courants électriques génèrent le puissant champ magnétique jovien », précise Tristan Guillot qui, au sein de la mission Juno, est chargé du calcul de modèles de structure interne de Jupiter fondés sur les mesures du champ gravitationnel. Enfin demeure la question du noyau, dont on ne connaît ni la composition, ni l’état solide ou liquide, mais dont on estime qu’il ne doit pas dépasser 15 masses terrestres.
Déterminer la quantité d’eau présente
« Les clichés et mesures déjà à notre disposition montrent que la haute atmosphère a une circulation très complexe, avec des mouvements de masse d’air différents selon la latitude – et qui donnent ces fameuses bandes colorées qui confèrent à Jupiter son apparence si particulière, explique Tristan Guillot. Mais on ne sait pas si cette structure de vents zonaux provient de l’intérieur de la planète ou bien s’il s’agit de phénomènes superficiels. » En cartographiant très précisément les variations des champs gravitationnel et magnétique joviens, Juno permettra d’en savoir plus sur la répartition des masses à l’intérieur de la planète.
permettre
de réduire
l’incertitude
sur la quantité
totale d’éléments
lourds.
Quant à sa composition, si on sait que Jupiter équivaut à 318 masses terrestres, et qu’elle contient environ 90 % d’hydrogène et d’hélium, auxquels s’ajoutent 10 % d’éléments « lourds » (oxygène, carbone, etc.), on n’a toujours pas pu établir avec précision les proportions de ces derniers ni quelle quantité d’eau la planète renferme. « Selon les hypothèses, la masse totale d’éléments lourds dans Jupiter varie de 10 à 40 masses terrestres, explique Tristan Guillot. Le radiomètre à micro-ondes embarqué par Juno, capable de mesurer la présence d’eau jusque dans les couches profondes de l’atmosphère, va nous permettre de réduire l’incertitude actuelle sur la quantité totale d’eau et donc d’éléments lourds contenus dans Jupiter. Cette valeur est un paramètre crucial des modèles de formation du système solaire. »
En effet, ces modèles postulent que le noyau primitif de la géante gazeuse s’est d’abord constitué par l’assemblage de blocs de glace d’eau présents en abondance dans la nébuleuse primitive qui entourait le jeune soleil. On suppose que ce noyau a crû rapidement jusqu’à atteindre 10 masses terrestres, générant dès lors une gravité suffisante pour permettre l’accrétion de l’hydrogène et l’hélium environnant.
Plus de vingt ans après les débuts de la mission Galileo, la communauté des astronomes et des planétologues espère que Juno va leur apporter la moisson de données qu’ils attendent pour affiner leurs modèles sur la structure de Jupiter en particulier et sur la genèse du système solaire en général.
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Commentaires
oui...fabuleux,mais pour vous
Anton Cracco le 28 Juin 2016 à 19h34Connectez-vous, rejoignez la communauté
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