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Le méthane en augmentation dans l'atmosphère
La publication d’un bilan spécifiquement consacré aux émissions de méthane est une première. Qu’est-ce qui a justifié ce choix ?
Marielle Saunois1 : Tous les ans, la communauté scientifique publie le « bilan CO2 » de l’année écoulée. Cela n’existait pas pour le méthane (CH4) jusqu’à présent. Or, si le CO2 est responsable à lui seul de 80 % du réchauffement climatique observé, le méthane reste un puissant gaz à effet de serre – 28 fois plus puissant que le CO2 pour des quantités équivalentes sur un horizon de cent ans. Les résultats publiés aujourd’hui ont donc toutes les raisons de nous inquiéter : d’après les réseaux internationaux qui le mesurent en continu dans toutes les régions du globe, les concentrations de méthane dans l’atmosphère ont augmenté en 2015 pour atteindre 1 835 ppb (parties par milliard) en 2015 – soit une hausse de 10 ppb par rapport à 2014.
Cette augmentation est-elle une surprise ?
M. S. : Les concentrations en méthane dans l’atmosphère sont deux fois et demie plus fortes que ce qu’elles étaient avant le début de la révolution industrielle. Après une stabilisation au début des années 2000, elles sont reparties à la hausse depuis 2007, avec une nette accélération en 2014, confirmée en 2015. Ces chiffres divergent de tous les scénarios de projection du GIEC2, à l’exception du plus pessimiste (correspondant à une augmentation de la température de 4 °C en 2100). Or, pour le moment, si l’on connaît assez bien les principales sources d’émissions du méthane, on explique très mal cette brusque augmentation.
Quelles sont les sources d’émissions de méthane dans l’atmosphère ?
M. S. : Elles sont variées et nettement plus nombreuses que les sources de CO2. Il faut distinguer les sources d’origine naturelle, qui contribuent pour 40 % environ aux émissions de méthane, et les sources d’origine anthropique, directement liées aux activités humaines donc, et responsables à 60 % de ces émissions. Parmi les sources naturelles, on citera les zones humides : les marais, les mangroves, mais aussi les mares de dégel du permafrost arctique libèrent du méthane synthétisé par des bactéries anaérobies (qui vivent dans des milieux privés d’oxygène) – ce qu’on appelle la méthanogenèse. Il existe aussi des sources géologiques – des phénomènes de dégazage naturel qui libèrent le méthane fossile piégé dans le sous-sol.
Et pour les sources d’origine anthropique ?
M. S. : L’agriculture et le traitement des déchets représentent environ 60 % des émissions liées aux activités humaines – dans les deux cas, il s’agit de méthane issu de la méthanogenèse. Les troupeaux à eux seuls (émissions liées à la digestion des ruminants, mais aussi à la fermentation des fumiers) représentent 30 % des émissions d’origine anthropique et la culture du riz, basée sur l’inondation des parcelles, 10 %. L’exploitation et le transport des énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole) participent également à la libération du méthane fossile présent dans le sous-sol. Quand on exploite un puits de pétrole par exemple, il se dégage toujours du gaz en même temps que l’huile qu’on va pomper.
Si je résume, la concentration en méthane augmente dans l’atmosphère à cause des vaches et des énergies fossiles…
M. S. : On n’a pas encore réussi à identifier clairement une cause plutôt qu’une autre. Si l’on veut que les concentrations baissent, il va falloir agir sur tous les secteurs à la fois. Il existe ainsi des compléments alimentaires qui limitent les flatulences des bovins ; certaines expériences montrent également que la culture du riz ne demande pas forcément autant d’irrigation. Quant au traitement des déchets, il existe désormais des unités qui récupèrent le méthane issu de la fermentation pour l’injecter directement dans les réseaux de chauffage par exemple… Le méthane fait appel à des disciplines scientifiques larges, qu’il va falloir mobiliser pour mieux appréhender tous les processus d’émissions. Le jeu en vaut la chandelle : contrairement au CO2 qui reste présent dans l’atmosphère une centaine d’années, le méthane a une durée de vie dans l’atmosphère de « seulement » dix ans. Cela veut dire que les actions qu’on mène dès aujourd’hui pour faire baisser les émissions porteront rapidement leurs fruits.
Lire le bilan du Global Carbon Project.
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Auteur
Journaliste scientifique, Laure Cailloce est rédactrice en chef adjointe de CNRS Le journal. et de la revue Carnets de science.
Commentaires
Bonjour,
Fab'Blab le 13 Décembre 2016 à 11h18Voici la réponse de Mareille
Laure Cailloce le 13 Décembre 2016 à 15h02Connectez-vous, rejoignez la communauté
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