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Le méthane en augmentation dans l'atmosphère

Dossier
Paru le 30.11.2023
Climat : le défi du siècle

Le méthane en augmentation dans l'atmosphère

12.12.2016, par
À eux seuls, les troupeaux représentent 30 % des émissions de méthane d’origine anthropique (émissions liées à la digestion des ruminants, mais aussi à la fermentation des fumiers).
Pour la première fois, un bilan complet des émissions de méthane est publié par le Global Carbon Project. Les concentrations atmosphériques de ce puissant gaz à effet de serre affichent une forte accélération depuis 2014. Les explications de Marielle Saunois, enseignante-chercheuse en physique-chimie de l’atmosphère au LSCE, qui a participé à cette étude.

La publication d’un bilan spécifiquement consacré aux émissions de méthane est une première. Qu’est-ce qui a justifié ce choix ?
Marielle Saunois1 : Tous les ans, la communauté scientifique publie le « bilan CO2 » de l’année écoulée. Cela n’existait pas pour le méthane (CH4) jusqu’à présent. Or, si le CO2 est responsable à lui seul de 80 % du réchauffement climatique observé, le méthane reste un puissant gaz à effet de serre – 28 fois plus puissant que le CO2 pour des quantités équivalentes sur un horizon de cent ans. Les résultats publiés aujourd’hui ont donc toutes les raisons de nous inquiéter : d’après les réseaux internationaux qui le mesurent en continu dans toutes les régions du globe, les concentrations de méthane dans l’atmosphère ont augmenté en 2015 pour atteindre 1 835 ppb (parties par milliard) en 2015 – soit une hausse de 10 ppb par rapport à 2014.

Si le CO2 est responsable à lui seul de 80 % du réchauffement climatique observé, le méthane reste un puissant gaz à effet de serre.

Cette augmentation est-elle une surprise ?
M. S. : Les concentrations en méthane dans l’atmosphère sont deux fois et demie plus fortes que ce qu’elles étaient avant le début de la révolution industrielle. Après une stabilisation au début des années 2000, elles sont reparties à la hausse depuis 2007, avec une nette accélération en 2014, confirmée en 2015. Ces chiffres divergent de tous les scénarios de projection du GIEC2, à l’exception du plus pessimiste (correspondant à une augmentation de la température de 4 °C en 2100). Or, pour le moment, si l’on connaît assez bien les principales sources d’émissions du méthane, on explique très mal cette brusque augmentation.

Toutes les zones humides dégagent du méthane, qu'elles soient naturelles comme les mares ou les mangroves, ou liées à l'homme, comme les rizières inondées.
Toutes les zones humides dégagent du méthane, qu'elles soient naturelles comme les mares ou les mangroves, ou liées à l'homme, comme les rizières inondées.

Quelles sont les sources d’émissions de méthane dans l’atmosphère ?
M. S. : Elles sont variées et nettement plus nombreuses que les sources de CO2. Il faut distinguer les sources d’origine naturelle, qui contribuent pour 40 % environ aux émissions de méthane, et les sources d’origine anthropique, directement liées aux activités humaines donc, et responsables à 60 % de ces émissions. Parmi les sources naturelles, on citera les zones humides : les marais, les mangroves, mais aussi les mares de dégel du permafrost arctique libèrent du méthane synthétisé par des bactéries anaérobies (qui vivent dans des milieux privés d’oxygène) – ce qu’on appelle la méthanogenèse. Il existe aussi des sources géologiques – des phénomènes de dégazage naturel qui libèrent le méthane fossile piégé dans le sous-sol.

Et pour les sources d’origine anthropique ?
M. S. : L’agriculture et le traitement des déchets représentent environ 60 % des émissions liées aux activités humaines – dans les deux cas, il s’agit de méthane issu de la méthanogenèse. Les troupeaux à eux seuls (émissions liées à la digestion des ruminants, mais aussi à la fermentation des fumiers) représentent 30 % des émissions d’origine anthropique et la culture du riz, basée sur l’inondation des parcelles, 10 %. L’exploitation et le transport des énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole) participent également à la libération du méthane fossile présent dans le sous-sol. Quand on exploite un puits de pétrole par exemple, il se dégage toujours du gaz en même temps que l’huile qu’on va pomper.

Traiter les eaux usées, c'est bien. Mais du méthane se dégage de ces stations d'épuration à ciel ouvert... La solution ? Le récupérer et l'injecter dans les réseaux de gaz ou de chauffage.
Traiter les eaux usées, c'est bien. Mais du méthane se dégage de ces stations d'épuration à ciel ouvert... La solution ? Le récupérer et l'injecter dans les réseaux de gaz ou de chauffage.

Si je résume, la concentration en méthane augmente dans l’atmosphère à cause des vaches et des énergies fossiles…
M. S. : On n’a pas encore réussi à identifier clairement une cause plutôt qu’une autre. Si l’on veut que les concentrations baissent, il va falloir agir sur tous les secteurs à la fois. Il existe ainsi des compléments alimentaires qui limitent les flatulences des bovins ; certaines expériences montrent également que la culture du riz ne demande pas forcément autant d’irrigation. Quant au traitement des déchets, il existe désormais des unités qui récupèrent le méthane issu de la fermentation pour l’injecter directement dans les réseaux de chauffage par exemple… Le méthane fait appel à des disciplines scientifiques larges, qu’il va falloir mobiliser pour mieux appréhender tous les processus d’émissions. Le jeu en vaut la chandelle : contrairement au CO2 qui reste présent dans l’atmosphère une centaine d’années, le méthane a une durée de vie dans l’atmosphère de « seulement » dix ans. Cela veut dire que les actions qu’on mène dès aujourd’hui pour faire baisser les émissions porteront rapidement leurs fruits.

Lire le bilan du Global Carbon Project.

Notes
  • 1. Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CNRS/Univ. Versailles Saint-Quentin/CEA).
  • 2. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
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Auteur

Laure Cailloce

Journaliste scientifique, Laure Cailloce est rédactrice en chef adjointe de CNRS Le journal. et de la revue Carnets de science.

Commentaires

2 commentaires

Bonjour, Dans une conférence, j'ai entendu dire qu'en fin de vie le méthane se "transforme", entre autres, en CO2. Pouvez-vous me confirmer cette information et donnez quelques explications notamment sur l'ordre de grandeur ? une molécule de méthane=une molécule de CO2 ? Si c'est juste, cela relativiserait la durée de vie plus faible du méthane par rapport au CO2 dans l'atmosphère. En quelque sorte, nous aurions 2 gaz à effet de serre pour le prix d'un...

Voici la réponse de Mareille Saunois : " Oui le méthane, à l’issue d’une suite de réactions photochimiques dans l’atmosphère, se transforme en CO2, à raison d’une molécule de méthane pour une molécule de CO2. Quand on dit que le méthane a un potentiel de réchauffement 28 fois plus fort que le CO2, cela n’inclut pas l’effet du CO2 issu de l’oxydation du méthane. Effectivement, une fois le méthane détruit, il reste le réchauffement lié au CO2 produit .. et aussi celui de la vapeur d’eau et de l’ozone (tous deux gaz à effet de serre). Cependant, le méthane est en concentration plus faible dans l'atmosphère (1,8 parties par million contre 400 ppm de CO2), donc il produit une « petite » quantité de CO2 par rapport à ce qui est déjà présent dans l’atmosphère. "
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