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Les cellules pDC : un nouvel eldorado pour la médecine
Il y a encore quinze ans, l’existence même des cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC) était complètement ignorée des biologistes. Désormais, ces entités invisibles à l’œil nu mobilisent pas moins d’une dizaine d’équipes du CNRS œuvrant aussi bien à l’hôpital Necker qu’à l’Institut Pasteur ou à l’université Paris-Descartes. Les enjeux pour la médecine de demain sont énormes.
Les pDC, précieuses sentinelles de l’immunité
Véritables sentinelles de l’immunité, les pDC interviennent en première ligne lors d’une infection. Elles patrouillent un peu partout dans notre corps via le sang. Et, dès qu’elles détectent un virus ou une bactérie (via des molécules spéciales à leur surface : les récepteurs Toll-Like), elles déversent dans le sang de très grandes quantités d’une molécule antivirale très puissante : l’interféron (IFN). Vital, l’IFN contribue à inhiber la prolifération des microbes dans les cellules.
Selon le Suisse Rolf Zinkernagel, Prix Nobel de médecine en 1996, sans IFN, nous mourrions de la grippe en 48 heures ! Or les pDC produisent jusqu’à 1 000 fois plus d’IFN que les autres cellules libérant aussi cette substance (macrophages, monocytes…). De plus, elles possèdent une autre arme redoutable à leur surface : la molécule tueuse Trail. Laquelle induit la mort des cellules tumorales ou infectées, mais aussi celle des cellules saines dans le cas de maladies auto-immunes ou du sida.
Des cellules très rares découvertes par hasard
Vues au microscope, les précieuses pDC ressemblent à des cellules plus connues : les globules blancs plasmocytes, d’où le terme plasmacytoïdes. En effet, lorsqu’elles ne sont pas activées, elles sont rondes et grosses (de 8 à 10 micromètres de diamètre), comme ces cellules. Les pDC sont très rares, représentant moins de 0,5 % des globules blancs totaux du sang, ce qui les rend difficiles à détecter et à étudier. Pour les découvrir, il a fallu attendre la fin des années 1990, lorsque l’équipe américaine de Frederick Siegal a enfin mis le doigt dessus lors de travaux menés sur les amygdales.
Depuis, la recherche sur ces cellules a littéralement explosé. Et ce dans différents domaines : virologie, cancérologie, immunologie, etc. « La découverte des pDC a révolutionné la connaissance et la recherche sur l’immunité, s’enthousiasme Jean-Philippe Herbeuval, du Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques1. On compte aujourd’hui plus de 10 000 publications sur le sujet, ce qui est énorme pour un seul sous-type de cellules découvert récemment. »
Un enjeu crucial dans la lutte contre plusieurs maladies graves
À mesure que les travaux se sont accumulés, il est apparu que les pDC intervenaient non seulement dans les infections classiques contre les virus et les bactéries, mais aussi dans le sida, le cancer et les maladies auto-immunes (sclérose en plaques, lupus…). « Dans certaines maladies (cancer, dengue, hépatite C), les pDC ont un effet bénéfique ; dans d’autres (sclérose en plaques, sida), elles sont délétères », résume Jean-Philippe Herbeuval.
Dans le cas du virus du sida, le VIH, les pDC semblent avoir une activité à double tranchant selon le stade de l’infection. Lors de la phase de primo-infection (entre trois et six semaines après la contamination), elles ont un effet positif en limitant la prolifération du VIH. En revanche, lors de la phase chronique de la maladie, elles auraient, d’après Jean-Philippe Herbeuval, « un rôle plus complexe, probablement délétère » : en activant de façon chronique notre immunité, elles induiraient la mort de cellules clés de l’immunité, les CD4+, ce qui déboucherait sur l’apparition de symptômes du sida.
Désormais, l’un des buts majeurs de la recherche est de mettre au point des médicaments capables de moduler l’activité des précieuses pDC. « Si l’on arrive à leur faire produire plus d’IFN, cela ouvrira de nouvelles perspectives pour traiter les cancers », illustre Jean-Philippe Herbeuval. Un énorme défi pour les dix prochaines années.
- 1. Unité CNRS/Univ. Paris-Descartes.
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Auteur
Journaliste scientifique freelance depuis dix ans, Kheira Bettayeb est spécialiste des domaines suivants : médecine, biologie, neurosciences, zoologie, astronomie, physique et nouvelles technologies. Elle travaille notamment pour la presse magazine nationale.
Commentaires
Bonjour,
Mélanie Diaz le 28 Mars 2018 à 15h08Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS