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Énergie : les promesses de l'hydrogène

Énergie : les promesses de l'hydrogène

08.12.2017, par
Quels sont les atouts de l’hydrogène pour devenir un acteur phare du futur mix énergétique ? Quels sont les obstacles à lever ? Grand spécialiste de l’hydrogène et récent lauréat de la prestigieuse médaille Blondel, Daniel Hissel fait le point à l'occasion d'un Congrès international sur les véhicules électriques qui se tient à Belfort du 11 au 14 décembre.

L’énergie, son utilisation et son accessibilité constituent l’un des enjeux majeurs pour le futur de notre civilisation. La population mondiale augmente et malgré des efforts pour restreindre nos besoins énergétiques, ceux-ci ne vont certainement pas tendre à baisser dans un avenir proche. En outre, si on y regarde de près, beaucoup de nouveaux développements technologiques sont associés à l’énergie, ainsi que, malheureusement bon nombre de conflits, ou de tensions géopolitiques.

Dans ce contexte, et en prenant un peu de recul, quel est le portrait-robot d’une bonne solution pour la fourniture énergétique du futur ? Tout d’abord, celle-ci doit être abondante et durable, s’appuyant sur des ressources renouvelables à l’échelle d’une vie humaine. Elle doit être propre, respectueuse de l’environnement et ne doit pas générer de gaz à effet de serre. En outre, elle doit être accessible à tous, en tout point de la planète. Et enfin pouvoir être déclinée dans un grand nombre de contextes applicatifs. Peut-on considérer l’hydrogène comme une bonne solution ? Examinons un peu sa candidature à l’aune de ces différents critères.

L’hydrogène peut être produit à partir de l'électrolyse de l’eau.
L’hydrogène peut être produit à partir de l'électrolyse de l’eau.

En préambule, rappelons que l’hydrogène est l’élément le plus abondant dans l’univers : 75% en masse et 92% en nombre d’atomes. Un bon point pour lui… même s’il faut préciser dans la foulée que sur Terre, il n’est que rarement présent naturellement sous forme de dihydrogène. Il faut donc le produire (on parle de « vecteur énergétique »), ce qui nous amène au second critère, celui de la durabilité.

Nous sommes nombreux à penser que la production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables est LA solution.

Est-il possible de produire de l’hydrogène à partir de ressources renouvelables ? Oui, et c’est même extrêmement facile de le faire à partir d’électrolyse de l’eau. Mais c’est là que les choses peuvent se compliquer au niveau environnemental : le procédé peut être propre à la condition que l’électricité nécessaire à sa production soit d’origine renouvelable (éolien, photovoltaïque, etc.). On peut d’ailleurs imaginer utiliser l’hydrogène-énergie comme moyen pour lisser la production électrique intermittente, d’origine renouvelable. Mais le procédé peut aussi avoir un impact négatif sur l’environnement si cette production est basée sur des ressources fossiles… ce qui est le cas aujourd’hui. Si la volonté politique et sociale existe, la transition sera facile. Nous sommes nombreux à penser que la production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables est LA solution.

Sur ce point, les détracteurs évoquent souvent le rendement de cette filière de production d’hydrogène qui serait mauvais… Bien entendu, le rendement de l’électrolyse se situe aux voisinages de 70%, ce qui peut sembler faible, par rapport à des sources énergétiques fossiles qui sont immédiatement disponibles. Mais ceci est à nuancer par l’excellent rendement électrique des systèmes piles à hydrogène : ce dernier peut dépasser les 50% ce qui est beaucoup en comparaison du rendement des machines thermiques. Et surtout, si nous nous plaçons d’un point de vue financier, la source primaire (vent, soleil, etc.) est gratuite… Bref, la question du rendement ne saurait constituer un argument sérieux contre le candidat hydrogène. Passons au critère suivant, l’accessibilité en tout point de la planète.
 

Inaugurée en 2009 à Prenzlau (Allemagne), cette centrale hybride produit de l'électricité, de la chaleur et de l'hydrogène à partir de sources d'énergie renouvelables.
Inaugurée en 2009 à Prenzlau (Allemagne), cette centrale hybride produit de l'électricité, de la chaleur et de l'hydrogène à partir de sources d'énergie renouvelables.

Du groupe électrogène aux applications spatiales

Là encore la réponse est positive d’un point de vue technique. Le soleil et le vent sont des ressources très bien distribuées sur la planète. Il est même possible de produire son propre hydrogène chez soi, avec quelques panneaux photovoltaïques placés sur le toit ou la façade de sa maison ou de son immeuble. Les coûts des électrolyseurs et des piles à hydrogène doit cependant encore être diminué, pour le rendre accessible financièrement au plus grand nombre. Ceci passe par une amélioration de l’efficacité énergétique de ces dispositifs, de leur durabilité et par une augmentation des volumes produits… bref, par la structuration industrielle de la filière.

Les applications potentielles de l’hydrogène-énergie sont-elles suffisamment larges et diversifiées ? La réponse est oui, mille fois oui ! En effet, comme déjà évoqué, l’hydrogène est un vecteur énergétique, qui plus est « dual » à l’électricité : il est particulièrement aisé de passer de l’hydrogène à l’électricité grâce à une pile à hydrogène, et d’électricité à hydrogène grâce à un électrolyseur d’eau, tout ceci sans émission d’aucun polluant. Il constitue donc une solution de stockage d’électricité, sur du long terme et peut-être utilisé dans toutes les applications actuelle ou potentielle de l’électricité. Groupes électrogènes stationnaires, propres et silencieux1, petites alimentations électriques nomades pour le tourisme,  dispositifs de production d’électricité, d’eau chaude sanitaire et de froid pour des bâtiments, stockage à long terme de l’électricité sur des réseaux ou micro-réseaux électriques…

Une station parisienne de bornes de recharge pour des voitures électriques. Cette voiture, qui fait partie du projet VULE (Vehicules Utilitaires Legers Electriques), est dotée d'un prolongateur d'autonomie à hydrogène.
Une station parisienne de bornes de recharge pour des voitures électriques. Cette voiture, qui fait partie du projet VULE (Vehicules Utilitaires Legers Electriques), est dotée d'un prolongateur d'autonomie à hydrogène.

Attardons-nous sur l’une de ces applications, et pas la moindre : l’alimentation de véhicules électriques (voitures, camions, bus, trains). Le « plus » de l’hydrogène par rapport aux véhicules électriques à batterie réside d’une part dans l’augmentation drastique de l’autonomie : un véhicule familial peut parcourir environ 100 km avec 1 seul kilogramme d’hydrogène. Et d’autre part dans la réduction tout aussi drastique des temps de recharge puisqu’il est possible de faire le plein en quelques minutes seulement. Nul doute que l’hydrogène–énergie tiendra une place de choix dans les échanges qui auront lieu à Belfort du 11 au 14 décembre 2017, lors de la conférence internationale IEEE VPPC’2017 que je préside et qui va réunir des centaines d’experts de la mobilité électrique. Notons que l’hydrogène peut alimenter tout ou partie de bien d’autres sortes de véhicule : chariots élévateurs fonctionnant 24h/24 dans les entrepôts, drones de livraison et de surveillance, engins agricoles, engins de manutention dans les ports, etc. Et n’oublions pas les applications spatiales, qui sont à l’origine de premiers travaux de développement et d’ingénierie autour de cette technologie…

Des recherches foisonnantes

Pour concrétiser le formidable potentiel de l’hydrogène, de nombreuses recherches ont lieu dans les laboratoires, comme par exemple les travaux menés dans le cadre du GDR HySPàC. Pour ma part, avec un œil d’ingénieur de formation,  j’ai adopté depuis près de 20 ans une approche « top-down » afin d’accélérer les développements de cette technologie. Il s’agit d’identifier, en lien avec les acteurs industriels du secteur -ou susceptibles de le devenir-, les verrous technologiques à relever et à les traduire en défis scientifiques. Cette approche est très complémentaire à celle, plus « bottom-up », du matériau à l’objet, développée au sein des laboratoires de chimie ou d’électrochimie du CNRS. En travaillant le sujet par les « deux bouts » simultanément, nous gagnons en efficacité et nous accélérons les développements.

Dans ce dispositif, des substrats cellulosiques sont dégradés pour produire du biogaz composé d'hydrogène et de dioxyde de carbone, ainsi que des acides gras volatiles. L'hydrogène peut être valorisé dans des piles à combustibles.
Dans ce dispositif, des substrats cellulosiques sont dégradés pour produire du biogaz composé d'hydrogène et de dioxyde de carbone, ainsi que des acides gras volatiles. L'hydrogène peut être valorisé dans des piles à combustibles.

Mes principales activités de recherche se concentrent sur l’augmentation de l’efficience énergétique et de la durabilité des systèmes hydrogène-énergie. En travaillant à la fois sur l’identification de l’état de santé de la pile à hydrogène, sur le temps restant de bon fonctionnement (eu égard à un cycle d’usage donné ou estimé), sur l’optimisation du pilotage du système grâce à ces informations, il nous a été possible de faire progresser significativement la maturité technologique de l’hydrogène-énergie, d’accompagner les industriels du secteur au niveau international, et de lancer également nos propres start-ups. Ces recherches se mènent avec les équipes évoluant au sein de la fédération de recherche CNRS FCLAB et constitue un travail collectif interdisciplinaire. Une dimension indispensable, peut-être plus  ici qu’ailleurs compte-tenu de la nature de notre objet d’étude qui requiert des compétences en génie électrique, mécanique, thermique, électrochimie ou matériaux  mais aussi en économie et dans les autres sciences humaines et sociales. C’est ce travail collectif qui permettra assurément à l’hydrogène de jouer le rôle qu’il mérite dans le paysage énergétique de demain.

 
Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.

Notes

Commentaires

8 commentaires

Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent. Si c'est si facile, on s'étonne que hydrogène–énergie tienne encore une place si grande dans le journal du CNRS et si petite dans le mix énergétique. Les ressources solaires éoliennes mais aussi fossiles, celles d'uranium ou de cuivre sont toujours gratuites. C'est leur extraction, leur collecte et leur transport qui coûtent de l'énergie humaine et donc de l'argent. L'hydrogène peut-il vraiment promettre la fin du travail ?

C'est très intéressant, mais le sujet du coût carbone de la fabrication puis, en fin de vie, du recyclage des panneaux solaires, des éoliennes et de tous les outils de production d'électricité renouvelable n'est jamais évoqué, pas plus que celui lié aux piles à hydrogène. Qui veut répondre ?

Bonjour, Je ne suis pas un spécialiste de la question, ce que je vais raconter reste à vérifier, mais il y a certains points évoqués ici qui m'ont laissé dubitatif. Premièrement, on parle de produire de l'hydrogène, durablement, par électrolyse de l'eau. Procédé qui a malheureusement un coût de revient bien trop élevé pour l'instant. Les recherches en cours proposent une électrolyse moins onéreuse à haute température (700°C). Je suis assez pessimiste sur le rendement à la fois énergétique et économique d'une telle installation qui n'utiliserait pas d'énergies fossiles. Avez vous des ordres de grandeur de prix / d'empreinte carbone / de quantité d'énergie produite convainquant à ce sujet ? Sur ce même point, l'article insiste sur les énergies renouvelables électriques pour réaliser l'électrolyse. Il ne faut pas oublier le nucléaire qui est un moyen de production électrique décarboné ET pilotable. On pourra évoquer les barrages, mais, jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons plus assez de montagnes en France pour de nouvelles installations. Je reste là aussi assez pessimiste sur le PV et l'éolien, dont la production serait très insuffisante à moins d'y investir des centaines de milliards. La question du lissage de la production électrique est intéressante, mais là encore, sans calcul d'ordre de grandeur, ma première impression me laisse penser qu'on risque de perdre beaucoup d'énergie dans l'histoire. Si on rajoute un intermédiaire (l'hydrogène), on rajoute un coefficient de rendement qui demandera in fine une production plus importante que celle initialement demandée. Aujourd'hui, en France, nos centrales électriques sont pilotables et capables de faire du suivi de charge. Avec notre mix électrique actuel, aucune nécessité de lisser la production en rajoutant l'hydrogène. Si on veut faire du PV et de l'éolien, alors peut-être qu'il faudra, oui, mais à quel prix ? (beaucoup beaucoup trop à mon avis par rapport à se qu'on y gagne, à supposer qu'on y gagne). Concernant le rendement, en effet c'est (surtout) la thermodynamique qui oblige les machines thermiques à avoir un rendement affreusement faible (35% pour une voiture). Mais alors pourquoi on continue à utiliser l'essence ? Je pense que c'est parce que il est un réservoir d'énergie incroyablement concentré (haute densité énergétique) et commode à manipuler. Compte tenu de cela, utiliser des carburants fossiles reste très intéressant. Est-ce que l'hydrogène possède ces propriétés ? Ce n'est pas une question rhétorique, je n'ai vraiment pas la réponse. Mais j'ai ma petite idée, je pense que non. Si tel était le cas, les industriels automobiles auraient déjà foncé vers l'hydrogène, à mon avis. Donc oui, la question du rendement SEULE ne suffit pas à constituer un argument sérieux contre le candidat hydrogène. Il faut aussi parler densité énergétique et commodité d'utilisation. L'argument de la source primaire (vent, soleil, etc.) gratuite est trompeur. Le pétrole est tout autant gratuit que le vent. C'est bel et bien le fait de convertir ces énergies en exergie qui coûte dans les deux cas. Et d'ailleurs même si ce n'était pas le cas, il faudrait aussi prendre en compte le taux de retour énergétique. Si rien ne m'a échappé, cet argument n'est malheureusement donc pas pertinent. Pour la production d'hydrogène chez soi grâce au PV, je ne connaissais pas, je doute néanmoins sur la quantité d'énergie produite, mais je serai ravi d'en connaître les ordres de grandeur. J'ai l'impression que l'article mise sur le PV et l'éolien, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi. En France, ces énergies ne permettent pas de réduire l'empreinte carbone liée à la production électrique majoritairement nucléaire et donc déjà décarbonée (et même elles l'augmentent à cause des importations de Chine, car électricité carbonée). À noter que le coût de l'électrolyse est considérablement lié au coût de production de l'électricité, là aussi, le nucléaire marque un point par rapport au PV et à l'éolien (en prenant en compte l'ordre de grandeur des prix du démantèlement du nucléaire, de l'intermittence PV éolien nécessitant stockage, de la (forte ?) variabilité du prix de revient de l'électricité du PV éolien lié aux subventions (actuelles, mais qui poursuivront ?) et à l'équipement importé majoritairement de Chine → tout ça à vérifier, je ne suis pas expert). Là où je rejoins l'article, c'est sur la qualité de la restitution de l'énergie (hydrogène vers mécanique) où il n'y a pas ou moins de nuisances : je pense au bruit et aux particules fines en milieu urbain. Par contre, je suis plus sceptique pour la restitution hydrogène vers électricité. Il faudrait utiliser de l'électricité pour faire de l'hydrogène pour faire de l'électricité ? Certes, ça règlerait le souci du stockage qu'on se serait créé avec un mix électrique PV et éolien. Je reste dubitatif. Encore une fois, ajouter un intermédiaire est-il vraiment pertinent (même pour du stockage) ? (là par contre c'est rhétorique). Pour des équipements nomades peut-être oui, mais j'imagine que ça reste des cas isolés, je ne sais pas, si vous avez des exemples, je prends. Je ne connais pas vraiment le domaine de l'hydrogène, mais ma première approche du domaine avec cet article m'a laissé dubitatif. Datant de 2017, j'imagine que les technologies ont dû évoluer, si vous avez de nouveaux éléments je suis preneur. Et notamment, j'insiste, si vous avez des calculs d'ordre de grandeur qui peuvent m'éclairer sur la question de l'hydrogène je suis intéressé, Bonne journée
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