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Alain Brillet et Thibault Damour, médailles d’or 2017 du CNRS
Temps de lecture : 6 minutesLa plus haute distinction scientifique française, la médaille d’or du CNRS, est attribuée cette année à deux physiciens, Alain Brillet et Thibault Damour, pour leur apport majeur à la détection et l’analyse des ondes gravitationnelles. Cette récompense, décernée par le collège de direction du CNRS, leur sera remise le 14 décembre 2017 au cours d’une cérémonie au Collège de France. Ils succéderont à la mathématicienne Claire Voisin, lauréate de la médaille d‘or 2016.
Le CNRS salue ainsi les apports théoriques et instrumentaux majeurs qui ont permis, le 14 septembre 2015, la toute première détection directe d’ondes gravitationnelles par les interféromètres jumeaux LIGO, situés aux États-Unis. Un siècle après qu’Einstein a prédit leur existence, il aura fallu plusieurs mois d’analyses par les scientifiques de la collaboration LIGO et leurs collègues de la collaboration Virgo (constituée autour du détecteur européen du même nom) pour confirmer et annoncer, le 11 février 2016, la captation d’ondes gravitationnelles émises à la suite d’une coalescence de deux trous noirs.
Né le 30 mars 1947 à Saint-Germain-en-Laye et entré au CNRS en 1970, Alain Brillet s’est intéressé très tôt aux lasers stabilisés, un sujet alors inédit en France. Attiré par l’intérêt de la détection d’ondes gravitationnelles et par l’ampleur du défi scientifique et instrumental, il a développé des solutions innovantes dans le domaine des lasers et de l’optique qui ont permis la conception de l’interféromètre Virgo. Entre 1989 et 2003, il assure la direction puis la codirection du consortium autour de ce grand instrument, aujourd’hui installé à Cascina, près de Pise (Italie). À partir de 2008, il s’investit dans le design optique et la conception du système laser d’Advanced Virgo, le détecteur de seconde génération. Il est actuellement directeur de recherche émérite au CNRS, affecté au laboratoire Artemis1 Ses travaux ont été récompensés en 2016 par le prix Ampère de l’Académie des sciences et par le Special Breakthrough Prize in Fundamental Physics. Il partage ce dernier prix avec l’ensemble des membres de la collaboration LIGO-Virgo, et avec sept autres chercheurs, dont Thibault Damour, second lauréat de la médaille d’or 2017.
Théoricien de renommée mondiale pour ses travaux novateurs sur les trous noirs, les pulsars, les ondes gravitationnelles et la cosmologie quantique, Thibault Damour est né le 7 février 1951 à Lyon. Agrégé de sciences physiques en 1974, il entre au CNRS en 1977, au sein du Département d’astrophysique relativiste et de cosmologie de l’Observatoire de Paris. Depuis 1989, il est professeur permanent à l’Institut des hautes études scientifiques, à Bures-sur-Yvette. Ce physicien a contribué à la fois à la détection indirecte d’ondes gravitationnelles, dans les années 1980, et plus récemment à leur détection directe. La première preuve de l’existence d’ondes gravitationnelles a été apportée grâce à l’étude de PSR 1913+16, un système binaire composé d’un pulsar en orbite autour d’un compagnon étoile à neutrons : les travaux de Thibault Damour ont montré qu’en relativité générale, la force gravitationnelle agissant sur le pulsar se propageait, par ondes, à la vitesse de la lumière depuis son compagnon, et que cette propagation causait une diminution lente de la période orbitale. Thibault Damour a aussi contribué à la détection directe d’ondes gravitationnelles par le consortium LIGO-Virgo en décrivant le mouvement de deux trous noirs qui se rapprochent et en développant une nouvelle approche théorique permettant de décrire la coalescence de deux trous noirs et l’émission d’ondes gravitationnelles qui l’accompagne.
La première détection d'Advanced Virgo annoncée à Turin
Ce mercredi 27 septembre 2017 restera assurément comme une journée importante dans le domaine des ondes gravitationnelles : la première détection conjointe LIGO-Virgo a en effet été annoncée dans la soirée. Les scientifiques ont observé, pour la première fois avec trois détecteurs, des ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de deux trous noirs. Si ce phénomène avait déjà été observé par les détecteurs Ligo en 2015 et 2017, il s’agit de la première détection de l’instrument Advanced Virgo, qui confirme ainsi son bon fonctionnement. Ce résultat, à paraitre dans la revue Physical Review Letters, ouvre la voie à une localisation bien plus précise des sources d'ondes gravitationnelles. Il a été présenté hier soir en marge du « G7 Sciences », la réunion des ministres en charge de la science au sein du G7.
Un autre atout du détecteur Virgo est son orientation, différente de celle des deux instruments LIGO. Ceci rend possible de nouveaux tests de la théorie de la relativité générale, élaborée par Albert Einstein, qui décrit la force de gravitation. En effet, cette théorie prédit que lors du passage d’une onde gravitationnelle, l’espace s'étire dans une direction tout en se contractant dans une autre, au lieu, par exemple, de se déformer dans une seule direction ou dans toutes les directions à la fois comme le prédisent des théories alternatives. L'analyse des signaux observés indique que c'est effectivement le cas. C'est un prélude à de futurs tests plus poussés de la relativité générale. En attendant de nouvelles observations à l'automne 2018, les premières données de ce réseau de trois détecteurs sont toujours en cours d’analyse et devraient donner lieu prochainement à d’autres annonces.
- 1. CNRS/Université Nice Sophia Antipolis/Observatoire de la Côte d’Azur.
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Auteur
Véronique Étienne est attachée de presse au CNRS. Elle a auparavant travaillé en tant que journaliste scientifique pour des titres comme Science et Vie, Ciel et Espace et Le Monde des sciences, et a également été enseignante en sciences de la vie et de la Terre.