Sections

Ce que le Soleil nous cache encore

Ce que le Soleil nous cache encore

24.04.2014, par
Illustration du microsatellite Picard.
Début avril, le satellite Picard a officiellement achevé sa mission, après avoir récolté plus de 1,5 million d’images du Soleil. Les connaissances avancent mais il nous reste beaucoup à découvrir de notre étoile mystérieuse.

En apparence, le Soleil est une étoile banale comme il en existe plus d’une centaine de milliards dans notre galaxie. Sa proximité, « seulement » 150 millions de kilomètres nous séparent, rend son éclat familier, lui qui berce nos vies au rythme des journées et des saisons. Pourtant, sous son air tranquille, cette boule de gaz un million de fois plus grosse que la Terre cache un tempérament tumultueux et imprévisible. Variabilités, éruptions et éjections de matière sont autant de phénomènes qui affectent jusqu’au climat de la Terre et de mystères que tentent de percer les scientifiques à l’aide de moyens de plus en plus sophistiqués.

Parmi ces derniers figure la mission Picard, qui est arrivée à son terme vendredi 4 avril. Lancé en juin 2010 à 730 kilomètres d’altitude au-dessus de la Terre, ce satellite de 150 kilogrammes est le fruit d’une collaboration entre le CNRS, le Cnes, l’Institut royal météorologique (Belgique) et l’Observatoire de Davos (Suisse). Parmi ses objectifs : comprendre l’influence du Soleil sur le climat terrestre.

Image du Soleil prise par le télescope Sodism installé à bord de Picard.
Image du Soleil prise par le télescope Sodism installé à bord de Picard.

Un diamètre de 1 392 312 kilomètres !

À la fin du XVIIe siècle, le Soleil était particulièrement calme et un mini-âge glaciaire sévissait en Europe. L’astronome français Jean Picard (1620-1682) a effectué alors les premières mesures du diamètre solaire. Plus de 300 ans plus tard, il a donné son nom à la mission dont un des instruments, le télescope Sodism, a fourni une valeur précise du diamètre du Soleil, soit 1 392 312 kilomètres.

Le télescope a également caractérisé l’aplatissement du Soleil aux pôles, où le rayon est inférieur de 6 kilomètres à celui de l’équateur. Mais ce que Sodism a surtout mis en évidence, c’est que ces paramètres ne paraissent pas liés à l’intensité de l’activité solaire. La question était en suspens... « S’il y a une relation, elle est très faible et reste difficile à détecter », remarque Mustapha Meftah, responsable de la charge utileFermerDans l’industrie spatiale, la charge utile d’un satellite désigne la partie constituée par les instruments destinés à remplir les objectifs de la mission pour laquelle le satellite a été conçu. de la mission Picard au laboratoire Atmosphères, milieux, observations spatiales1.

Le microsatellite Picard avant son lancement.
Le microsatellite Picard avant son lancement.

Deux autres instruments, Premos et Sovap, également embarqués sur le satellite, ont par ailleurs quantifié un autre facteur important pour le climat terrestre : l’énergie qui nous arrive du Soleil. Elle s’élève à 1 362 watts par m² et varie de 0,1 % au cours du cycle solaire qui dure onze ans. C’est trop peu pour expliquer de grands bouleversements climatiques, mais les variations de l’éclairement solaire sont cent fois plus importantes lorsqu’on ne considère que les rayons ultraviolets ! Or ce rayonnement est important, car il interagit avec l’ozone dans la haute atmosphère terrestre et conduit à une augmentation des températures dans la stratosphère.

Des taches sombres énigmatiques

Des études sont donc en cours, notamment avec l’Institut Pierre-Simon-Laplace, pour utiliser les données de Picard dans des modèles climatiques. Le but : déterminer si ces rayonnements ultraviolets seraient susceptibles d’amplifier l’impact du Soleil sur notre climat. « Il est clair que la hausse récente des températures est due au rejet de gaz à effet de serre, pas au Soleil. En revanche, on pourrait peut-être expliquer comment le mini-âge glaciaire du XVIIe siècle a pu se produire », précise Alain Hauchecorne, le responsable scientifique de la mission Picard.

Cette image du Soleil datée du 8 janvier 2002 montre une éjection de masse coronale. Plus d'un milliard de tonnes de matière est alors éjectée dans l'espace à une vitesse de plusieurs millions de kilomètres par heure.
Cette image du Soleil datée du 8 janvier 2002 montre une éjection de masse coronale. Plus d'un milliard de tonnes de matière est alors éjectée dans l'espace à une vitesse de plusieurs millions de kilomètres par heure.

Bien des aspects du Soleil restent énigmatiques. Et en particulier son comportement cyclique. Au début d’un cycle, alors que le Soleil est calme, des taches sombres dont la taille peut dépasser celle de la Terre apparaissent aux latitudes élevées, puis vers l’équateur. Leur cortège se fait de plus en plus nombreux jusqu’à un maximum, onze ans plus tard, avant qu’elles ne tirent leur révérence. « On ne comprend pas vraiment tous les secrets des cycles solaires, qui ne réduisent pas au seul cycle principal de onze ans, ainsi que les variations de son maximum d’activité », admet Philippe Louarn, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie2. Dans les taches solaires, le champ magnétique est tellement intense qu’il empêche les mouvements du plasma et la remontée de chaleur : la zone est plus froide, donc elle apparaît plus sombre. Les taches sont des points d’ancrage du champ magnétique qui s’élève dans l’atmosphère solaire avant de replonger dans une tache voisine. Il emporte avec lui plasma et particules chargées qui sculptent de colossales arches lumineuses.

Ces taches deviennent également le lieu de formidables éruptions solaires, des flashs lumineux intenses, parfois accompagnés d’une expulsion d’une quantité gigantesque de matière, jusqu’à 10 000 millions de tonnes, à plusieurs centaines de kilomètres par seconde. On les appelle des éjections de masse coronale. « Il se produit, lors de ces phénomènes éruptifs, un énorme transfert d’énergie entre le champ magnétique et la matière chargée en l’espace de quelques instants. Si certains de ces processus sont identifiés, les raisons de leur efficacité restent mystérieuses », confie Philippe Louarn.

Les imprévisibles colères du Soleil

Actuellement, l’activité du Soleil est censée être à son maximum, mais elle est pourtant particulièrement faible. Là encore, les raisons en sont mystérieuses. Cependant, le calme n’est que relatif. Une seule de ces éruptions peut considérablement affecter la Terre en déclenchant des orages géomagnétiques, comme la tempête de 1989, qui a causé un black-out de plus de neuf heures au Québec. Or une éruption du même acabit, voire davantage, a manqué la Terre de peu en juillet 2012.

Protégée par un champ magnétique, notre planète n'en reste pas moins sensible aux colères de son étoile.
Protégée par un champ magnétique, notre planète n'en reste pas moins sensible aux colères de son étoile.

Prédire les colères du Soleil n’est pas encore envisageable, tant il reste à comprendre de son fonctionnement. « La modélisation progresse, mais elle est très difficile, car, entre le cœur et la surface de notre étoile, les paramètres comme la température ou la densité passent d’un extrême à un autre », indique Philippe Louarn. Les scientifiques disposent néanmoins de plus en plus de données grâce aux nombreuses missions spatiales, comme Picard ou Stereo et SDO de la Nasa, mais aussi grâce aux télescopes terrestres comme Themis aux Canaries. Et les futures sondes Solar Orbiter (ESA, 2017) et Solar Probe (Nasa, 2018), deux missions dans lesquelles plusieurs laboratoires du CNRS sont impliqués, s’approcheront à seulement quelques millions de kilomètres de la surface de l’astre du jour pour tenter de lui dérober quelques secrets.

Notes
  • 1. Unité CNRS/UVSQ/UPMC.
  • 2. Unité CNRS/UPS.
Aller plus loin

Auteur

Sylvain Guilbaud

Sylvain Guilbaud, né en 1986, est journaliste scientifique. Ingénieur de formation, il est diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille et anime le blog http://madosedescience.wordpress.com.

Commentaires

0 commentaire
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS