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Fabiola Gianotti nous ouvre les portes du Cern
« Christophe Colomb a pris des risques en voulant trouver l’Inde. Puis il s’est retrouvé en Amérique. L’exploration de l’espace a aussi comporté des risques. C’est ainsi qu’on avance, qu’on fait des progrès. Si on sait déjà ce que l’on va trouver, ce n’est pas la peine d’investir, on connaît déjà la réponse. Ce que l’on fait s’appelle de la recherche parce qu’il s’agit d’explorer l’inconnu. » Fabiola Gianotti ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de défendre la recherche fondamentale.
Cette physicienne de 56 ans dirige depuis 2016 l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Le Cern, plus grand centre de recherche en physique des particules du monde, annonçait le 4 juillet 2012 la découverte tant attendue du boson de Higgs. La particule permet d’expliquer pourquoi certaines particules ont une masse et d’autres n’en ont pas. Cette prouesse humaine et technique couronne le travail de milliers de scientifiques du monde entier. C’est au Cern que se trouve le LHC (Large Hadron Collider), le plus puissant accélérateur de particules en fonctionnement aujourd’hui, qui prend la forme d’un anneau circulaire de 27 kilomètres de circonférence. Il a été construit à cheval entre la France et la Suisse, près de Genève. Tout est démesure dans cette institution de recherche, qui mobilise plus de 3 000 employés à plein temps. À cela, il faut ajouter 13 000 scientifiques de 110 nationalités différentes qui pilotent les instruments installés sur l’accélérateur et travaillent sur les données recueillies.
Italienne, vivant en Suisse et parlant un français impeccable, Fabiola Gianotti incarne le melting-pot qui fait la richesse de ce laboratoire si particulier. Se promener sur le site parmi un foisonnement d’accents, de visages et de cultures rappelle à quel point la science est l’aventure de tous les humains. « L’amour de la connaissance, c’est quelque chose qui va au-delà des intérêts de pays, d’individus, de régions, souligne la physicienne. C’est une colle très forte. C’est comme pour l’art. Vous mettez ensemble des artistes venus du monde entier, ils parleront le même langage d’où qu’ils viennent. Ils travailleront facilement ensemble sans demander à voir les passeports des uns et des autres. Au Cern c’est pareil. » Lorsqu’elle ose une comparaison entre art et science, la directrice du Cern sait de quoi elle parle. Avant d’opter pour des études débouchant sur la physique expérimentale, elle se destinait à une carrière dans une discipline plus artistique. Ses centres d’intérêt gravitaient autour de la littérature, la philosophie, le piano… : « J’avais choisi un type de lycée où l’on étudie surtout des disciplines humanistes, se remémore-t-elle. Il y avait beaucoup d’histoire, de philosophie, d’histoire de l’art, de grec, de latin, et très peu de mathématiques ou de physique. En même temps, j’étudiais le piano au conservatoire – j’ai toujours aimé la musique. »
Pourquoi alors avoir opté pour la physique ? « J’aimais la philosophie. Mais à un moment, j’ai eu l’intuition que la physique me permettrait de contribuer à résoudre certaines questions. Elle me permettrait d’être plus proche des réponses. » Un de ses rares cours de science au lycée confirme son intérêt pour la discipline. Ce jour-là, son professeur présente l’effet photoélectrique : réaction au cœur de nos panneaux solaires, l’effet photoélectrique se manifeste lorsqu’un électron est émis par un matériau soumis à l’action de la lumière. En 1905, Albert Einstein propose une explication du phénomène en introduisant le concept de « particule de lumière » ou « photon », dont l’énergie est quantifiée selon des valeurs bien précises. Il ajoute ainsi une pierre fondatrice à la toute jeune physique quantique et sera, pour ces travaux, récompensé par un prix Nobel. « Je trouvais la réponse d’Einstein tellement élégante, se souvient Fabiola Gianotti. Je me disais qu’une explication aussi simple, aussi évidente, devait forcément être juste. Comme l’art, la science est pour moi l’expression la plus poussée de l’intelligence, de la curiosité, de la créativité humaine. »
La machine qui crée de la matière
Pour sonder les plus petits éléments de l’Univers, il faut construire de très grandes machines. Et c’est au Cern que l’on peut visiter les plus imposantes. Le long des 27 kilomètres du LHC, plus de 9 500 aimants supraconducteurs, refroidis à des températures plus basses que l’espace intersidéral, guident des protons qui sont accélérés à des vitesses proches de celle de la lumière. Les besoins en électricité du LHC sont tels que le Cern consomme 1,3 térawatt-heure de courant par an, soit autant que la moitié du canton de Genève. « Nous tirons l’essentiel de notre électricité de la France, et notamment d’un barrage de la région », rassure Laurette Ponce, ingénieure qui appartient à l’équipe responsable du LHC. Elle nous accueille depuis son poste au centre de contrôle du Cern, qui regroupe toutes les commandes des accélérateurs. Avant d’être injectés dans le LHC, les protons sont accélérés par une succession de machines de précédentes générations. Foisonnement d’écrans et de consoles, la grande salle de contrôle est occupée 24 heures sur 24 par celles et ceux qui pilotent ces accélérateurs. Sur un rebord du mur, une collection de bouteilles de champagne témoigne de la longue liste de succès qui ont ponctué l’histoire du lieu. Sous les bouteilles, une image collée au mur montre une scène menaçante du film Pulp Fiction : Samuel Jackson, pistolet à la main, rappelle aux visiteurs (surtout aux journalistes) qu’il ne faut pas employer l’expression « particule de Dieu » pour évoquer le boson de Higgs. Une pulsation lente et grave se fait entendre près du mur. Il s’agit d’un bruit électrique qui bat au rythme de l’accélérateur SPS, le Super Proton Synchroton. « C’est le cœur du SPS. Quand on l’entend, on sait que notre bébé va bien », sourit Laurette Ponce. Le SPS, créé en 1976, alimente le LHC avec deux faisceaux de protons qui circulent dans des sens opposés. Le LHC assure ensuite la dernière phase d’accélération et focalise les faisceaux au sein des détecteurs qui observeront les collisions de protons ou d’autres noyaux d’atomes. La précision nécessaire est telle que provoquer ces collisions est souvent décrit comme le fait de lancer deux aiguilles d’un bout à l’autre de l’Atlantique en espérant qu’elles se percutent au milieu de l’océan.
Le LHC accélère des protons à des énergies tellement élevées que lorsqu’elles entrent en collision, elles peuvent créer d’autres particules bien plus massives que les protons d’origine au repos. Le phénomène suit la désormais célèbre formule E = mc2 qui décrit l’équivalence qui existe entre masse et énergie. De la masse peut se transformer en énergie (comme au cœur des étoiles) et de l’énergie peut se transformer en masse (c’est ce qui s’est passé peu après le Big Bang). C’est un peu comme si l’on faisait collisionner deux vélos à très grande vitesse (les protons) dans un tunnel. Au point d’impact, une moto va se matérialiser (le boson de Higgs, par exemple) puis exploser en de nombreuses pièces détachées (des électrons, des muons, des photons…). Le comptage des boulons et pièces détachées et la mesure précise de leurs énergies permettra de déduire quel modèle de moto (quelle particule) a été matérialisé dans le cœur du détecteur.
Le détecteur, c’est l’autre pièce maîtresse de l’immense dispositif. Sur l’anneau du LHC, il n’y en a pas moins de sept, qui observent les collisions avec des technologies différentes. Le plus grand des détecteurs, c’est Atlas.
Pour y accéder, il faut emprunter des rues qui portent les noms de Feynman, Einstein, Schrödinger ou Perrin. Le détecteur se cache à 100 mètres sous la chaussée. Fabiola Gianotti connaît très bien cette machine, une des plus complexes du monde. Elle fut la porte-parole de l’expérience Atlas pendant longtemps. « Malgré des années de travail sur le détecteur, je reste toujours impressionnée par ses dimensions et sa complexité. En taille, c’est la moitié de Notre-Dame de Paris. Quand vous rentrez dans Notre-Dame, même si vous y allez tous les jours, ça vous coupe le souffle. »
L’immensité du mastodonte a effectivement de quoi susciter l’émerveillement. Avec ses 46 mètres de long et ses 25 mètres de diamètre, le détecteur cylindrique est haut comme un bâtiment de cinq étages et pèse 7 000 tonnes, autant que la tour Eiffel ! Cet incroyable enchevêtrement de câbles, d’électronique, de capteurs et d’électroaimants supraconducteurs joue le rôle d’un appareil photo muni de six couches de capteurs différents. L’appareil prend une photo 3D des collisions de particules avec une résolution de 100 millions de pixels.
Un travail de titan
Le développement, puis le pilotage de ce chef-d’œuvre technologique ont mobilisé Fabiola Gianotti durant plus de vingt ans : « J’ai travaillé au développement des prototypes et à la construction du détecteur, notamment la partie appelée calorimètre électromagnétique, sur le software et la simulation du détecteur, et sur l’analyse des données. J’ai également travaillé sur des questions plus stratégiques telles que : comment optimiser le détecteur pour arriver à découvrir le boson de Higgs ? » Les grands détecteurs sont si coûteux et complexes qu’ils s’organisent également en vastes collaborations internationales, rassemblant des équipes des pays membres du Cern et même du monde entier. Depuis ses débuts en tant que thésarde au Cern à la fin des années 1980, jusqu’au poste de directrice de l’organisation en passant par ses travaux de recherche sur le détecteur et sa fonction de porte-parole, Fabiola Gianotti a navigué avec aisance au sein de ces vastes collaborations scientifiques. « Le fait que nous soyons parvenus tous ensemble à construire des instruments d’une complexité extrême et qu’à la fin, ça fonctionne, je dis chapeau à l’humanité ! » s’enthousiasme-t-elle.
Comme des poupées russes
Au moment où nous pénétrons dans le bâtiment, le détecteur est en fonctionnement et observe des collisions de protons. Il est donc impossible de visiter la caverne et le géant métallique qu’elle abrite. Mais à la surface, un espace ouvert sur la salle de contrôle permet de voir le pilotage de l’instrument en direct. Sur le mur de l’entrée, un texte lyrique décrit Atlas, « un squelette cylindrique géant, un cœur de pixels, des entrailles en calorimètres, une peau de chambre à muons, baignant dans un immense champ magnétique. Un encastrement de sous-systèmes, comme des poupées russes, dont l’avènement a nécessité des trésors d’inventivité, de compétences et d’innovations. » Sur l’un des écrans géants de la salle de contrôle, les poupées russes sont bien visibles. L’image détaille les nombreux éléments imbriqués de l’instrument. « Vous voyez là que chaque partie est verte », nous montre Isabelle Wingerter-Seez. La physicienne, médaillée d’argent du CNRS, travaille au sein de la collaboration Atlas depuis vingt-cinq ans. « Dès qu’il y a un problème – un système qui perd le courant par exemple –, l’élément va devenir rouge et les gens pourront réagir aussitôt. »
En tant que porte-parole adjointe d’Atlas, la scientifique jouit d’une vision globale sur cette collaboration de plus de 3 000 personnes réparties sur tous les continents du globe à part l’Antarctique. « Le soleil ne se couche jamais sur la collaboration Atlas », peut-on lire sur l’une des brochures du Cern. Les technologies de détection s’organisent en systèmes et sous-systèmes. L’organisation humaine qui s’est construite pour développer Atlas suit un schéma semblable. Équipes, sous-équipes, groupes de travail… le tout fonctionne sans hiérarchie particulière. « Il n’y a pas de relation de pouvoir, explique ainsi Isabelle Wingerter-Seez. On fonctionne beaucoup par discussion, par concertation. À la fin, on accepte que quelqu’un prenne la décision et puis on l’applique. Il peut y avoir des tensions. Parfois on n’est pas d’accord, mais globalement ça marche. » Le ou la porte-parole de l’instrument porte la voix de la collaboration et coordonne les efforts des groupes de travail.
Le physicien Bruno Mansoulié, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), travaille également aux côtés d’Isabelle Wingerter-Seez et Fabiola Gianotti depuis les débuts d’Atlas. Il défend cette méthode si particulière mais désormais bien huilée et qui a fait ses preuves : « C’est une sociologie assez intéressante parce qu’il n’y a pas beaucoup d’entreprises où la hiérarchie est librement consentie. Ici, les groupes de travail s’agrègent spontanément en fonction des affinités et des compétences. Tout le monde s’entend sur une constitution, puis il y a des élections pour déterminer qui sera porte-parole. »
Bruno Mansoulié a notamment fait équipe avec Fabiola Gianotti sur le développement des calorimètres, ou capteurs d’énergie. Il se souvient de sa première impression sur cette jeune collaboratrice : « On a vite vu que c’est quelqu’un qui va à l’essentiel. Elle décante les problèmes et les hiérarchise rapidement. C’est particulièrement utile dans ce genre de situation parce qu’on se confronte à mille questions qu’il faut traiter dans le bon ordre. C’est quelqu’un qui peut maîtriser la physique du Higgs en gamma-gamma et comprendre très vite que si on met 12 millimètres d’aluminium dans le cryostat, ça va avoir un impact particulier. »
Disposer d’accélérateurs et de détecteurs aussi puissants ne serait d’aucune utilité sans une robuste infrastructure informatique. Car compter et identifier les sous-produits des collisions n’est pas une mince affaire ! « Nous avons trois piliers au Cern, rappelle Fabiola Gianotti. Il y a, évidemment, l’accélérateur et les détecteurs, mais aussi les ordinateurs. » Des moyens considérables de calcul et de stockage informatiques ont en effet dû être développés afin de traiter la profusion de données produites par le LHC et ses détecteurs. « Le LHC était un projet vraiment difficile et ambitieux, tellement au-delà de ce que l’on avait déjà fait en matière d’aimants supraconducteurs, d’électronique, d’instruments, de détecteurs et d’ordinateurs qu’on a dû pousser les technologies dans toutes les directions. »
La recherche, moteur du monde moderne
Ces efforts issus de la recherche fondamentale nourrissent bien souvent des progrès qui débordent sur le reste de la société. Plusieurs technologies développées au Cern ont eu des impacts déterminants sur notre civilisation. En 1989, l’Anglais Tim Berners-Lee souhaite faciliter les échanges entre chercheurs du monde entier et invente le Web et son langage HTML. Cette invention a ensuite été mise à la disposition de tous sous une licence gratuite du Cern.
Autre exemple : le big data. Les chercheurs et ingénieurs ont dû imaginer les technologies capables de gérer les quantités prodigieuses de données produites par les détecteurs. Giuseppe Lo Presti est ingénieur en informatique. Italien, d’une quarantaine d’années, il travaille sur la question primordiale du stockage des données du Cern : « En ce qui concerne le monde scientifique, nous sommes encore probablement les plus gros producteurs de données. » Depuis la salle des visiteurs du data center central, on aperçoit les centaines de serveurs qui tournent 24 heures sur 24. Ils digèrent et stockent l’information produite par les collisions au sein d’Atlas, du CMS (Compact Muon Solenoid) et de tous les autres détecteurs du Cern.
Les serveurs du Cern fonctionnent toujours sur le fil des avancées technologiques en matière de stockage. « Chaque collision proton-proton produit un peu plus de 1 mégabyte de données brutes, explique Giuseppe Lo Presti. Or, lorsque deux paquets de protons se croisent dans les détecteurs, on enregistre trente à quarante collisions. Ce croisement se produit 40 millions de fois par seconde et génère approximativement un pétabyte de données brutes par seconde. » Remplir mille disques durs de 1 térabyte chaque seconde n’est pas envisageable, même pour une structure comme le Cern. Il faut trouver des astuces pour réduire la quantité de données à gérer. « En fait, nous faisons le tri des données en temps réel, sur des cartes électroniques dédiées. La plupart du temps, il n’y a pas de collisions intéressantes car la probabilité d’avoir des choses hors du commun en physique est très faible. Donc ça ne sert à rien de sauvegarder ces événements. Au final, environ deux mille événements par seconde nous arrivent par expérience. On traite donc environ 2 gigabytes de données par seconde et par instrument. Et les expériences fonctionnent jour et nuit pendant des mois. »
Historiquement, les ingénieurs du Cern ont toujours créé les outils informatiques nécessaires à la gestion de grandes quantités de données. Mais de plus en plus, Giuseppe Lo Presti et son équipe travaillent avec des industriels qui ont désormais pris les devants sur ce type de recherche appliquée. Ce partenariat fécond ne remet pas en cause la recherche fondamentale comme source de progrès, insiste Fabiola Gianotti, au contraire il augmente l’impact de la science sur la société : « La lumière que l’on allume à la maison ne provient pas de l’évolution de la bougie. Ce n’est pas en construisant des bougies plus belles, plus colorées, que l’on arrive à nos ampoules actuelles. C’est une rupture technologique qui a demandé un saut dans les concepts, dans les connaissances. Très souvent, ces sauts viennent de la physique fondamentale. » La mécanique quantique, si abstraite lors de sa naissance au début du siècle dernier, fonctionne au cœur de l’électronique qui fait tourner notre civilisation. Sans la relativité générale d’Einstein, pas de GPS. « La recherche fondamentale donne la liberté aux chercheurs de rêver, de mettre leur créativité et curiosité en route, de voyager, d’avoir les idées les plus folles et les plus risquées. La plupart de ces idées seront fausses. Mais une seule d’entre elles peut changer le destin de l’humanité », souligne la scientifique enthousiaste.
Une partition de Bach
Cette fonction « utilitaire » de la science reste pourtant secondaire aux yeux de Fabiola Gianotti, pour qui la compréhension de la nature reste une fin en soi : « Aujourd’hui, dans les formations scientifiques, on met trop souvent l’accent sur les aspects plus technologiques. Les ordinateurs, les instruments, etc. C’est évidemment une bonne chose et c’est un savoir indispensable. Mais cette vision de la science se fait parfois au détriment de son côté plus philosophique. » Pourquoi est-ce qu’il y a quelque chose et non pas rien ? Qu’est-ce que la conscience ? Qu’est-ce que le temps ? De nombreuses questions réservées autrefois aux philosophes ont effectivement basculé dans le règne scientifique. « À notre échelle macroscopique, la nature est très complexe. On voit des choses plus ou moins ordonnées, plus ou moins chaotiques. Mais lorsque vous allez aux principes fondamentaux des particules élémentaires, vous percevez de la simplicité, de l’harmonie et beaucoup de beauté. » La physicienne-pianiste poursuit les analogies entre art et science : « Prenez une partition de Bach, qui est un grand classique. Ce sont quasiment des mathématiques. Il suit rigoureusement les règles d’harmonie qui découlent de règles physiques. Il construit ensuite son art autour de ces règles. Il existe également, dans la nature, une harmonie, une symétrie. Mais elle n’est pas parfaite. Nous existons parce que, dans l’histoire de l’Univers, certains phénomènes ont brisé l’harmonie. On parle de rupture de la symétrie. C’est le cas de l’asymétrie entre matière et antimatière par exemple, et le boson de Higgs lui aussi est le résultat d’une brisure de symétrie. Pour moi, le lien entre l’art, la beauté, l’esthétique et la science est très fort. »
En quittant le bâtiment central et administratif du Cern, on peut apercevoir, de l’autre côté de la rue, un ruban d’acier recouvert d’inscriptions qui surgit de la pelouse. Il forme un entrelacement de 7 mètres de haut et 10 mètres de long. Son extrémité, suspendue dans l’air avec une étonnante légèreté, semble sur le point de s’animer. L’œuvre, intitulée Pérégrinations à l’infini, de l’artiste Gayle Hermick, est un hommage au parcours scientifique mené par l’humanité. De l’écriture cunéiforme des Mésopotamiens au formalisme mathématique se cachant derrière la découverte du boson de Higgs, le ruban raconte la succession de découvertes qui ont traversé les âges. Il est une ode à cette incroyable aventure nourrie par le désir de comprendre le monde qui a tissé un lien profond entre les humains. ♦
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