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Quel successeur pour le LHC ?

Dossier
Paru le 10.12.2020
Ces recherches qui ont (aussi) marqué 2020

Quel successeur pour le LHC ?

30.06.2020, par
Situé à la frontière franco-suisse, le LHC (Large Hadron Collider), avec son tunnel de 27 kilomètres, devrait fonctionner jusqu'en 2040.
Le LHC, le plus grand accélérateur de particules au monde, va-t-il être remplacé par un accélérateur encore plus grand ? Le Cern vient de rendre publique sa stratégie scientifique pour les décennies à venir, et donne de premiers éléments de réponse. Où il est question d’usines à bosons et de très hautes énergies.

C’est là qu’a été observé le boson de Higgs pour la toute première fois, en 2012. Plus grand accélérateur de particules au monde, avec son anneau de 27 kilomètres situé sous la frontière franco-suisse, le LHC mis en service en 2009 doit déjà penser à sa future retraite… à l’horizon 2040. C’est qu’en matière de grands instruments scientifiques, l’anticipation est la clé ! Quelle machine lui succédera ? Pour quelles visées scientifiques ? C’est la question cruciale à laquelle le conseil du Cern, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire, vient de donner une première réponse, avec sa « Stratégie européenne pour la physique des particules ».

Priorité aux Higgs et aux nouvelles particules

Deux années de concertation ont été nécessaires pour aboutir à ce document qui fixe deux grandes priorités pour le futur, comme l’explique Ursula Bassler, la présidente du conseil du Cern1, l’organe de gouvernance de cette organisation internationale qui réunit pas moins de vingt-trois États-membres. « Après la découverte du boson de HiggsFermerCette particule dont l'existence a été postulée dès 1964, et qui a pu être observée pour la première fois au LHC en 2012, est censée conférer leur masse à toutes les autres particules., les scientifiques doivent désormais en étudier les caractéristiques les plus intimes. Pour cela, nous avons besoin de construire une “usine” à bosons de Higgs, un instrument qui permettra de produire des Higgs en grande quantité. Il faut savoir qu’au LHC, la probabilité de créer un Higgs est en effet d’une sur 1 milliard de collisions, c’est insuffisant pour amasser suffisamment de données... »
 
Deuxième axe prioritaire : la stratégie insiste également sur la nécessité de poursuivre l’exploration dans les hautes énergies, afin de découvrir – les scientifiques l’espèrent – de nouvelles particules plus lourdes, impossibles à observer dans les conditions actuelles. « Le modèle standard de la physique des particules, qui repose actuellement sur douze particules, comporte en effet des approximations et laisse de grandes questions sans réponses : de quoi est composée la matière noire, ou encore, pourquoi y a-t-il plus de matière que d’antimatière dans l’Univers, alors qu’elles étaient vraisemblablement à parts égales lors du big bang ? », explique Ursula Bassler.
 

Avec son anneau souterrain de 100 kilomètres, le FCC accueillerait dans un premier temps un accélérateur dédié aux collisions électrons-positrons, les plus à même de produire des Higgs en grande quantité, et se focaliserait ensuite sur les collisions de protons dans les hautes énergies.

Idéalement, ces deux axes de recherche – Higgs et nouvelles particules – pourraient se combiner au sein d’un seul et même instrument qui prendrait le relais du LHC à partir des années 2040. Son nom de travail ? Le FCC, pour Future Circular Collider. Cet anneau souterrain de 100 kilomètres de circonférence, plus de trois fois la taille du LHC donc !, pourrait dans un premier temps accueillir un accélérateur dédié aux collisions électrons-positrons, les plus à même de produire des Higgs en grande quantité, et se focaliserait dans un deuxième temps – à partir des années 2050-2055 – sur les collisions de protons dans les hautes énergies. « On parle ici de paquets de particules accélérés jusqu’à 100 téraélectronvolts (Tev) – contre 13 Tev “seulement” pour le LHC actuel », précise Ursula Bassler.

Le FCC, ou Future Circular Collider, serait construit à proximité de l'actuel LHC, à la frontière franco-suisse.
Le FCC, ou Future Circular Collider, serait construit à proximité de l'actuel LHC, à la frontière franco-suisse.

Décider de la construction d’un tel instrument demande cependant des études de faisabilité poussées. « Pour le moment, on ne sait pas encore si construire un tunnel de 100 kilomètres est possible en termes de génie civil, ni de coût. Même chose pour les milliers d’aimants qui seront nécessaires au futur collisionneur : ceux que l’on sait fabriquer aujourd’hui peuvent produire des champs magnétiques jusqu’à 11 teslas (ils sont de 8 teslas dans l’actuel LHC, Ndlr), alors qu’il faudra dépasser les 16 teslas pour le futur accélérateur de protons, précise Ursula Bassler. La construction d’un très grand instrument scientifique est toujours un pari sur l’avenir. » Le chiffre de 20 à 25 milliards d’euros est évoqué pour l’enveloppe totale de construction de l’instrument, mais demande lui aussi à être précisé. Une seule certitude : le FCC, s’il se fait, sera sur le même site que le LHC, à cheval entre la France et la Suisse.

Des alternatives au FCC

Bien que le scénario du FCC soit aujourd’hui favorisé, des alternatives sont également à l’étude. « Si le tunnel de 100 km n’est pas réalisable tout de suite, pour des raisons techniques ou budgétaires, on pourrait décider de construire d’abord une simple usine à Higgs », indique Ursula Bassler. Ce projet est déjà à l’étude au Cern : c’est le projet Clic, pour « Compact linear collider ». « On parle ici d’un tunnel linéaire de 11 km dans sa phase initiale qui permettrait des accélérations entre 250 et 380 Gigaélectronvolts (Gev). On n’a pas besoin de hautes énergies pour faire des collisions d’électrons-positrons productrices de Higgs », complète Laurent Vacavant, directeur scientifique adjoint de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules.

 

Si le tunnel de 100 km n’est pas réalisable, pour des raisons techniques ou budgétaires, on pourrait décider de construire d’abord une simple usine à Higgs.

Une inconnue subsiste, néanmoins, car le Japon parle depuis plusieurs années déjà de construire sa propre usine à Higgs. « Ce projet nommé ILC (pour International linear collider), c’est un peu l’arlésienne, commente Laurent Vacavant. Mais s’il se fait, Clic deviendrait de facto caduc, et les scientifiques européens participeraient alors à la fabrication des détecteurs de l’instrument japonais. » Quant aux autres technologies d’accélération également évoquées – collisionneur à muons, ou accélérateur à plasma laser – « bien que très intéressantes, elles ne seront probablement pas encore mûres et ne pourront être envisagées que pour la génération suivante de collisionneurs », précise le scientifique.

Vue d'artiste de Clic, l'« usine » à Higgs projetée par le CERN.
Vue d'artiste de Clic, l'« usine » à Higgs projetée par le CERN.

Un LHC plus « lumineux » dès 2027

Mais alors, quand le choix définitif du prochain accélérateur sera-t-il arrêté ? « Vraisemblablement dans la prochaine stratégie, qui sera publiée d’ici 5 à 6 ans », indique Ursula Bassler. En attendant, le travail ne manque pas au Cern : car outre les études de faisabilité des différents projets évoqués, le LHC lui-même doit subir un profond remaniement, une « jouvence » qui se terminera en 2027 et le transformera en HL-LHC, pour High-Luminosity-Large Hadron Collider. « L’objectif est d’accroître de manière significative le nombre de collisions et, on l’espère, le nombre de collisions intéressantes, comme celles aboutissant à la création d’un Higgs », explique Ursula Bassler. Pour ce faire, le faisceau va être concentré (il sera plus « lumineux ») : le nombre de paquets de protons qui entrent en collision ne changera pas – il sera toujours de 40 millions par seconde –, mais le nombre de protons par paquet sera plus important, ce qui devrait permettre de multiplier par dix le nombre d’interactions entre particules par rapport à aujourd’hui. De quoi offrir une deuxième jeunesse au LHC, et des données à profusion à la communauté de la physique des particules. ♦

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Notes
  • 1. Ursula Bassler est également chargée de mission à l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules

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