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L’appel de la forêt

L’appel de la forêt

15.07.2024, par
© Juan Carlos Munoz / naturepl.fr / EB Photo
Forêt de type méditerranéen dominée par le chêne vert.
Les forêts mondiales couvrent un tiers des terres émergées. Bien qu’elles nous rendent de précieux services, elles n’ont jamais été autant sous pression. Au point de nous mettre parfois face à nos contradictions, entre forêts sanctuarisées et forêts (sur)exploitées, comme vous le découvrirez dans ce premier volet de notre série d’été consacrée à la forêt.

(Cet article est extrait du dossier « La forêt, un trésor à préserver », paru initialement dans le n° 16 de la revue Carnets de science, disponible en librairie et Relay.)

Nos forêts pourraient-elles disparaître ? Par leur violence, mais aussi leur précocité, les mégafeux de l’année 2023 ont jeté une lumière crue sur la fragilité des régions boisées de notre planète. Au Canada, la province de l’Alberta située à l’ouest du pays s’est embrasée dès le début du printemps. 3 500 kilomètres carrés (km2) sont partis en fumée en moins d’une semaine et 30 000 personnes ont dû être évacuées. Même chose en Russie, où 6 000 km2 de forêts boréales se sont consumés dans l’Oural et en Sibérie dès le mois de mai… Tout le pourtour méditerranéen a été touché, Espagne, Grèce… Et les incendies ont sévi dans le département français des Pyrénées orientales dès le mois d’avril, un record.

« Il faut être très prudent s’agissant des incendies, souligne Laurent Simon, professeur émérite de géographie à l’université Panthéon-Sorbonne et membre du Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces1 (Ladyss). Au niveau mondial, les feux de forêts n’ont pas tellement gagné en surface ces trente dernières années, avec 3 à 4 millions de kilomètres carrés brûlés chaque année selon les données satellitaires du programme Copernicus. En revanche, la nature des incendies a, elle, totalement changé. Avant, il y avait beaucoup de petits feux. Désormais, on se retrouve face à de très grands incendies extrêmement dévastateurs. »
 

© BC Wildfire Service / AFP
Mégafeu en Colombie britannique (Canada).
© BC Wildfire Service / AFP
Mégafeu en Colombie britannique (Canada).

À l’origine de ces mégafeux, apparus il y a environ une quinzaine d’années : le réchauffement climatique et les sécheresses qui sévissent en forêt. Mais ce n’est pas le seul facteur en jeu. « En Californie, par exemple, ou encore en Australie, ces incendies naissent bien souvent à l’interface entre zones urbanisées et forêts. Car plus on rapproche les habitations des forêts, plus on augmente les risques. En Russie, à la sécheresse de 2023 s’ajoute le fait que l’on a supprimé la moitié des gardes forestiers... Les feux ont largement le temps de se propager avant d’être repérés », rappelle Laurent Simon.

C’est quoi une forêt ?

Ces incendies nous apprennent en tout cas une chose : les forêts sont des objets complexes, qui tolèrent mal les simplifications. Le simple fait de les définir est d’ailleurs une gageure. C’est quoi, une forêt ? Peut-on qualifier de forêt une savane au couvert arboré très discontinu ? L’autoproclamée « micro-forêt urbaine » plantée au bout de ma rue est-elle vraiment une forêt ? « Aujourd’hui, c’est la définition de la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui prévaut au niveau international, indique Laurent Simon. Selon cette définition, une forêt suppose que le couvert d’arbres représente au minimum 10 % du sol, sur une surface minimale d’un demi-hectare, et que les arbres y mesurent au moins 5 mètres de haut à l’âge adulte.
 

Les forêts tropicales et leurs centaines de feuillus et d’essences à feuillage persistant représentent un peu moins d’un tiers de la surface, mais sont de loin la plus grande biomasse forestière et la plus complexe d’un point de vue écologique.

Une définition assez large, fruit d’un compromis international, qui a notamment servi dans les discussions sur les crédits carbone et la contribution de chaque pays en matière de lutte contre les gaz à effet de serre (la forêt est un puits de carbone naturel très efficace). Mais qui ne satisfait pas tous les scientifiques, à commencer par les écologues qui argueront qu’une forêt ne se définit pas par son seul couvert arboré, mais aussi par son écosystème complexe. « Un bosquet d’un demi-hectare a une biodiversité bien moindre qu’une vaste forêt, et ne constitue pas un écosystème pleinement fonctionnel », souligne Philippe Grandcolas, directeur-adjoint scientifique de CNRS écologie & environnement.

Au-delà des arguties, les forêts telles que définies par la FAO couvrent aujourd’hui 30 % des terres émergées, soit 44 millions de kilomètres carrés. Quatre grands ensembles s’y distinguent. Tout au nord, les forêts boréales, vastes étendues de conifères que l’on retrouve de la Russie au Canada et à la Scandinavie, forment un peu plus d’un tiers de la surface forestière mondiale. Les forêts tropicales et leurs centaines de feuillus et d’essences à feuillage persistant, situées de part et d’autre de l’équateur, représentent un peu moins d’un tiers de la surface mais sont de loin la plus grande biomasse forestière et la plus complexe d’un point de vue écologique. Viennent ensuite les forêts tempérées d’Europe et des États-Unis principalement, mélanges de feuillus et de conifères. Et enfin les forêts de type méditerranéen et leur végétation dite « sclérophylle » (à feuilles dures) que l’on retrouve sur le pourtour de la Méditerranée, donc, mais aussi au sud de la Californie, en Afrique du Sud dans la région du Cap ou encore au Chili autour de Valparaíso.
 

Les quatre principaux types de forêt. Les forêts boréales de Russie et du Canada, et les forêts tropicales d’Amazonie, du bassin du Congo et d’Indonésie constituent les plus vastes espaces boisés de la planète.
Les quatre principaux types de forêt. Les forêts boréales de Russie et du Canada, et les forêts tropicales d’Amazonie, du bassin du Congo et d’Indonésie constituent les plus vastes espaces boisés de la planète.

Ces quatre types de forêts ne se distinguent pas uniquement par leur physionomie générale. Leurs modes de fonctionnement aussi diffèrent totalement. « Les forêts boréales comme les forêts tempérées sont contrôlées par le froid : en période hivernale (beaucoup plus longue pour les premières !), les arbres se mettent au repos et arrêtent la photosynthèse. C’est le contraire dans les forêts méditerranéennes qui sont, elles, contrôlées par la chaleur et surtout, le stress hydrique : au plus fort des sécheresses estivales, les arbres arrêtent de respirer pour ne pas perdre leur eau et diminuent très nettement leur activité végétale », explique Laurent Simon. La forêt tropicale humide fonctionne, elle, toute l’année, sans rythme saisonnier marqué, et est toujours verte.

Des abattages massifs pointés du doigt

Naturellement complexes, nos forêts font pourtant l’objet d’une simplification extrême et se retrouvent souvent réduites à des « champs d’arbres » : des alignements d’individus de la même espèce et du même âge. En cause, certaines pratiques de la sylviculture, qui privilégient la simplicité de l’exploitation avec des résineux à croissance rapide (qui brûlent plus facilement) et des arbres tous plantés (et donc tous récoltés) au même moment, lors de « coupes à blanc » ou « coupes rases » (abattage sur de très grandes surfaces de la totalité des arbres d’une exploitation forestière) qui laissent le sol totalement nu.
 

Naturellement complexes, nos forêts font pourtant l’objet d’une simplification extrême et se retrouvent souvent réduites à des « champs d’arbres » : des alignements d’individus de la même espèce et du même âge.

Problème : « À l’heure du réchauffement climatique, ces forêts standardisées forment des écosystèmes pauvres et donc peu résilients, indique Guillaume Decocq, botaniste au laboratoire Écologie et dynamique des systèmes anthropisés2 (Edysan). Elles résistent mal aux sécheresses, comme aux tempêtes ou aux incendies. Affaiblies, elles sont davantage victimes des attaques de pathogènes et parasites. » Simplifiées à l’extrême, fragmentées du fait de la déforestation et des nombreuses infrastructures qui y sont déployées – routes, autoroutes, voies ferrées, etc. –, victimes des mégafeux et des tempêtes à répétition, nos forêts souffrent. Elles nous sont pourtant indispensables du fait des nombreux services qu’elles nous rendent.

© Stéphane Duclet / PhotoPQR / La Provence / MaxPPP
Manifestation en novembre 2023 contre la coupe rase de 17 hectares de forêt sur la montagne de Lure (Alpes de Haute-Provence), où une centrale photovoltaïque doit sortir de terre.
© Stéphane Duclet / PhotoPQR / La Provence / MaxPPP
Manifestation en novembre 2023 contre la coupe rase de 17 hectares de forêt sur la montagne de Lure (Alpes de Haute-Provence), où une centrale photovoltaïque doit sortir de terre.

Deuxième puits de carbone naturel après l’océan, les forêts contribuent à l’équilibre climatique de la planète et abritent 80 % de la biodiversité terrestre. Elles fournissent du bois matériau pour la construction et du bois énergie pour le chauffage et la cuisine de millions d’humains et pourraient bientôt servir à produire les biocarburants des avions du futur. Elles sont devenues des espaces de loisirs très prisés alors que la moitié de l’humanité habite désormais en ville…

Des attentes contradictoires

« Nous avons des attentes par rapport aux espaces forestiers qui sont devenues considérables et semblent bien souvent contradictoires, souligne Laurent Simon. On veut qu’ils soient des aires de nature protégée où une biodiversité riche s’épanouit, et dans le même temps on veut utiliser de plus en plus de matériaux biosourcés dans la transition énergétique. On veut pouvoir y faire du VTT, de la randonnée… » Sans surprise, les conflits d’usage s’y multiplient. « Dans l’Hexagone, où les deux tiers des forêts sont des propriétés privées, on voit apparaître de plus en plus de conflits entre les propriétaires forestiers, les exploitants et le grand public, notamment autour des coupes rases que ce dernier tolère de moins en moins bien », raconte Guillaume Decocq.
 

En France, où les deux tiers des forêts sont privés, on voit de plus en plus de conflits entre les propriétaires forestiers, les exploitants et le grand public, notamment autour des coupes rases que ce dernier tolère de moins en moins.

À qui appartient vraiment la forêt ? Une vraie question, selon le botaniste qui évoque les toutes dernières évolutions de la législation française sur le sujet. « Désormais, quiconque pénètre dans une forêt privée, même non clôturée, est passible d’amende. Au début de l’année 2024, dans les Vosges, le nouveau propriétaire d’une forêt traversée de plusieurs sentiers de randonnée a ainsi fait savoir qu’il interdisait tout accès à sa forêt… »

© Michel Rauch / Biosphoto
Pratique du VTT dans le parc naturel régional des Vosges du Nord.
© Michel Rauch / Biosphoto
Pratique du VTT dans le parc naturel régional des Vosges du Nord.

Nos précieuses forêts constituent-elles un bien commun de l’humanité, et par-delà, du vivant tout entier ? Comment concilier tous nos besoins ? « De nouvelles pratiques de sylviculture, plus respectueuses de l’écosystème forestier, commencent à se développer », indique Laurent Simon, qui en reste persuadé : la forêt peut exister avec l’humain. « Cela fait des millénaires que la forêt est anthropisée, argumente le géographe. La forêt européenne du Moyen Âge était tout sauf un espace sauvage. Même la forêt amazonienne d’aujourd’hui, qu’on pense à tort sauvage, vierge, est le résultat de l’action de l’homme depuis des millénaires. »

Histoire de la forêt, forêt et climat, biodiversité, pratiques de la sylviculture…  sont quelques-uns des thèmes de notre série d'été consacrée à la forêt, à retrouver tous les lundis sur lejournal.cnrs.fr.   ♦
 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Université Panthéon-Sorbonne/Université Paris Cité/Université Paris Nanterre/Université Vincennes-Saint-Denis.
  • 2. Unité CNRS/Université Picardie Jules Verne.

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