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Le graphène superstar (épisode 4)
Matériau miracle, molécule révolutionnaire. Les superlatifs pleuvent sur le graphène, ce feuillet de carbone aussi fin qu’un atome. Meilleur conducteur que le cuivre, deux cents fois plus résistant que l’acier mais six fois plus léger, flexible, imperméable : sur le papier, le graphène est premier dans toutes les catégories. Il pourrait, par exemple, contribuer à la construction d’avions plus légers et donc moins gourmands en énergie. Mais le graphène n’est souvent pas la solution à lui tout seul. C’est un ingrédient parmi d’autres pour les matériaux du futur.
Doper les composites face à la foudre
Lorsqu’on mélange deux matériaux, on obtient un composite. Certains d’entre eux, faits de fibres de carbone liées grâce à une résine, présentent l’avantage d’être à la fois légers et résistants. Ils ont connu un formidable essor ces dix dernières années dans l’aéronautique, où ils se substituent en partie aux métaux, notamment l’aluminium, dans le fuselage des avions pour réduire leur masse et donc réduire la consommation de carburant et les coûts. L’avion A350 d’Airbus est ainsi constitué à 50 % de ce type composite. Le problème, c’est la foudre. Un avion de ligne est touché une fois par an en moyenne par un impact qui correspond à un courant d’intensité 100 000 fois plus importante que le courant domestique. Un fuselage en aluminium, bon conducteur d’électricité, permet d’évacuer ce courant. Mais la fibre de carbone utilisée aujourd’hui est 1 000 fois moins conductrice que l’aluminium ! Quant à la résine, ses propriétés sont plus médiocres encore. « Les constructeurs sont obligés de rajouter une protection métallique sur le composite pour évacuer la foudre. C’est ce qui a poussé l’industriel Airbus à intégrer l’effort de recherche européen sur le graphène », explique Annick Loiseau du Laboratoire d’étude des microstructures, une unité mixte CNRS-Onera.
Une recette difficile à mettre au point
En mélangeant le graphène à la résine des composites, les scientifiques espèrent doper leur conductivité. Mais il ne suffit pas d’ajouter une pincée de graphène pour obtenir la bonne recette. Il faut trouver la bonne architecture et le bon dosage. « Pour cela, la démarche est encore empirique », souligne Brigitte Attal-Trétout, de l’Onera. Des simulations seront donc nécessaires. Les chercheurs de l’Onera possèdent déjà un banc de test de résistance à la foudre avec un générateur de 40 kilovolts capable de produire des arcs électriques semblables aux éclairs. Ils examinent à l’heure actuelle des composites classiques et démarrerons bientôt des expériences avec des matériaux dopés au graphène. « Nous espérons avoir des résultats d’ici trois ou quatre ans, commente Philippe Lalande, expert foudre dans ce centre de recherche. Cependant, il faudra attendre au moins quinze ans avant de voir des avions avec du graphène. »
D’autres cristaux, bidimensionnels comme le graphène, intéressent beaucoup scientifiques et industriels. Le nitrure de bore, qui présente la même structure hexagonale mais qui est isolant, ou le disulfure de molybdène, qui est un semiconducteur prometteur. Les combinaisons désormais possibles avec tous ces ingrédients ouvrent un nouveau monde.
Sur le même sujet : « Le graphène superstar (épisode 1) », « Le graphène superstar (épisode 2) » et « Le graphène superstar (épisode 3) »
À suivre :
Seconde édition du forum du CNRS à Grenoble.
Conférence « Des matériaux vraiment révolutionnaires », samedi 11 octobre 2014, de 11 h 20 à 12 h 50.
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Auteur
Sylvain Guilbaud, né en 1986, est journaliste scientifique. Ingénieur de formation, il est diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille et anime le blog http://madosedescience.wordpress.com.
À lire / À voir
Retrouvez des experts du CNRS à la table ronde intitulée « Le graphène, la nouvelle génération de matériaux innovants », au forum Futurapolis,
du 15 au 17 mai, à Toulouse.
Commentaires
bonjour,
franck le 30 Avril 2014 à 16h06Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS