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Pascale Launois, pro de la cristallo
« J’avais envie d’une physique qui se pratique à échelle humaine. » C’est pour cette raison que Pascale Launois s’est tournée, dans les années 1980, vers la physique des solides et la cristallographieFermerScience qui étudie l’organisation des atomes dans la matière pour en comprendre et en utiliser les propriétés.. Et qu’on la retrouve aujourd’hui très engagée dans l’Année internationale qui vient de démarrer, consacrée à cette dernière discipline. À 52 ans, directrice de recherche au CNRS, elle codirige une équipe d’une trentaine de personnes au Laboratoire de physique des solides (LPS)1, à Orsay.
De la physique des particules à celle des solides
« Après un DEA de physique théorique centré sur la physique des particules, j’ai réalisé que les expériences engagent tellement de monde qu’il me serait difficile d’en avoir une vision globale, confie-t-elle. Je me suis donc tournée vers la physique des solides. Nos expériences se font avec quelques personnes, et nous pouvons, sans être théoriciens, interpréter nos résultats de manière approfondie. » Pascale Launois achève sa thèse en 1987 au Laboratoire Léon-Brillouin (LLB)2, à Saclay, qu’elle intègre comme chercheuse au CNRS quelques mois plus tard. Ses premiers travaux et sa thèse seront récompensés par la médaille de bronze du CNRS en 1991. C’est lors d’un stage postdoctoral au LPS, où elle est maintenant installée depuis 1993, qu’elle commence à s’intéresser à la cristallographie et aux quasi-cristaux, une nouvelle organisation de la matière condensée, dans laquelle les atomes sont ordonnés mais, à la différence des cristaux, de manière non périodique.
« À vrai dire, je ne suis pas cristallographe au sens strict : je n’ai jamais suivi de cours de cristallographie ni déterminé une structure cristalline. Mais je me suis intéressée aux outils de la cristallographie pour étudier la structure de la matière, ordonnée ou désordonnée, et les relations entre structure, organisation et propriétés physiques », explique-t-elle, avant d’ajouter avec enthousiasme : « Au laboratoire, nous avons le plus grand parc de diffractomètres à rayons X de France. »
Après les quasi-cristaux, la chercheuse s’est tournée vers les fullerènes, des assemblages de carbone qui ressemblent à des ballons de football. Puis, depuis une douzaine d’années, vers les nanotubes de carbone, des tuyaux ultrafins aux propriétés multiples. « Depuis trois ans, j’étudie l’eau confinée dans ces nanotubes, indique-t-elle. Elle peut y glisser sans frottement, ce qui pourrait avoir des applications pour la désalinisation de l’eau. »
Avec son équipe de recherche, elle travaille également sur les imogolites, des nanotubes à base de germanium (ou de silicium) et d’aluminium qui, contrairement aux nanotubes de carbone, existent dans la nature, dans les sols volcaniques. « Ils sont dotés de propriétés antistatiques – qui avaient été très étudiées par Kodak pour les pellicules photo –, peuvent piéger des métaux lourds dans les sols, et pourraient stocker de l’eau, précise Pascale Launois. Avec l’équipe de Stéphane Rols, de l’Institut Laue-Langevin, à Grenoble, nous étudions, entre autres, la structure de l’eau confinée dans ces nanotubes, la manière dont elle y pénètre et leur dynamique. »
La passion de la transmission
Animée par la passion de transmettre, la chercheuse consacre beaucoup d’énergie à l’organisation, côté français, de l’Année internationale de la cristallographie. Elle en gère le site Web, avec l’aide d’un collègue du CNRS, Marc Blanchard, de l’IMPMC3, à Paris, et s’est même mise à « tweeter » pour l’occasion : « Nous voulons montrer aux étudiants et au grand public la richesse et la diversité de notre science et comme elle est vivante. »
montrer au grand
public la richesse
et la diversité
de notre science
et comme elle
est vivante.
En ce moment, elle prépare par ailleurs, « un peu par féminisme » plaisante-t-elle, une conférence de vulgarisation sur Rosalind Franklin, « cette chercheuse britannique qui a grandement contribué à la découverte de la structure de l’ADN ». Également très impliquée avec ses étudiants, « Pascale Launois défend son équipe et sait toujours se rendre disponible, raconte Erwan Paineau, devenu chargé de recherche au LPS après trois années de postdoctorat, dont deux passées à ses côtés. Parfois, on aurait envie de lui dire de prendre plus de temps pour elle. »
La chercheuse ne cède pourtant pas sur ses passions : karaté, randonnées, voyages lointains et lectures. Ainsi, il y a trois ans, elle est partie en Finlande avec son mari et l’une de ses deux filles : « Nous avons campé une nuit par – 40 °C, j’en ai gardé un souvenir extraordinaire. J’ai toujours eu une véritable fascination pour le Grand Nord. » Une attirance que l’on retrouve dans son goût pour les polars de l’Islandais Arnaldur Indridason, qui font partie de ses livres de chevet.
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Auteur
Denis Delbecq, né en 1963, est journaliste indépendant. Ancien chercheur et enseignant, il a été rédacteur en chef adjoint à Libération. Il collabore, entre autres, à La Recherche, Tout comprendre, Science et Vie, Le Monde et Le Temps (Suisse). Il est également créateur de logiciels et photographe.
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