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Ahhh les bienfaits de la vie en société !!…
C’est indéniable : vivre en groupe procure de nombreux avantages
Qu’il s’agisse de lutter contre les parasites, bâtir des édifices, rechercher sa nourriture, ou encore échapper aux prédateurs…
Mais la vie en communauté, est-elle toujours bénéfique aux membres d’un groupe ?
Peut-être que cet écureuil terrestre canadien devrait aussi s’inquiéter de ses propres congénères ?
Chez le spermophile du Columbia - ainsi nommé car particulièrement friand de graines - chacun tente de tirer son épingle du jeu pendant la courte saison de reproduction. Les femelles ne sont fertiles qu’un seul jour dans l’année, un climat social propice à de nombreuses altercations.
Une équipe de recherche internationale tente de comprendre la complexité des relations sociales chez ce petit mammifère des rocheuses canadiennes. L’espèce est étudiée depuis plus de 27 ans sur cette prairie du parc provincial de Sheep River en Alberta.
Vincent Viblanc – Biologiste
« Ce qui est assez exceptionnel avec le suivi à long terme sur les spermophiles c’est que l’on a vraiment une connaissance très fine de la vie de chaque individu depuis sa naissance à sa mort et donc on est capable de voir comment il progresse socialement tout au long de sa vie. »
Grâce au suivi à long terme de spermophiles bagués, Vincent et ses collègues disposent d’une mine d’informations sur l’histoire de chaque individu : Âge, nombre de jeunes élevés chaque année, mais aussi liens de parentés.
Au fil du temps, les chercheurs ont découvert que certains spermophiles se reproduisent moins bien que d’autres. Ils supposent que les différences observées pourraient être entre autre liées à la qualité de leur environnement social et du stress qui en découle.
Suivi sur le terrain
Pour tester cette hypothèse, l'équipe de Vincent doit, tout d'abord, bien comprendre l'organisation sociale du groupe, parmis les 70 membres que compte la communauté de rongeurs.
Vincent Viblanc (Interview terrain)
“Nous sommes 3 observateurs répartis sur 3 plateformes d’observation différentes qui couvrent la zone d’étude. Dès que l’on voit une interaction sociale entre 2 individus qu’elle soit de nature agressive ou amicale on va pouvoir la relever »
L’identification à distance des individus est permise grâce à un symbole unique peint sur le dos de l’animal. Tout au long de la saison, les scientifiques enregistrent les données comportementales et leurs localisations sur la prairie. L’ensemble de ces informations va permettre de cartographier l’organisation sociale de toute la colonie.
Vincent Viblanc (interview terrain)
« Le but de ce relevé comportemental c’est de pouvoir le corréler à des mesures physiologique que l’on va effectuer chez les individus. »
Le niveau de stress, quant à lui, est mesuré chez chaque écureuil grâce à des prélèvements biologiques.
La technique de capture des spermophiles repose sur un appât irrésistible… le beurre de cacahuètes.
La gourmandise de cet individu le conduit comme chaque année dans les mains de Vincent pour une courte manipulation. Des prélèvements de sang et de fèces permettront d’évaluer les taux d’hormones de stress contenu dans ses tissus biologiques
(sang=dosage hormone cortisol, feces=dosage des produits de dégradations des hormones de stress, glucocorticoïdes).
Les scientifiques prélèvent également de l’ADN à partir d’un frotti buccal.
Les cellules collectées seront analysées
pour estimer le vieillissement cellulaire potentiellement induit par le contexte social.
Résultats :
Strasbourg Laboratoire IPHC
Quelques mois plus tard, les données collectées au Canada sont à présent en cours d’analyses à l’Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien de Strasbourg, l’IPHC.
Réseau social
Les informations comportementales peuvent maintenant être représentées sous la forme d’une toile sociale qui offre déjà plusieurs angles de lectures :
Sebastian Sosa - Ethologue :
Donc là, on a l’ensemble des individus de la colonie qui sont représentés, en rouge les mâles, et en bleu les femelles. Et maintenant ce que l’on voit c’est l’ensemble des interactions agressives entre les individus qui se mettent en place cours de la saison.
Cette représentation permet de comparer les individus au sein du réseau social en visualisant le nombre d’agresseurs… et d’agressés.
Le lien entre le positionnement social de chaque écureuil et son niveau de stress va à présent pouvoir être révélé par diverses analyses de laboratoire à partir des échantillons biologiques.
Physiologie - niveaux de stress
Mathilde Lejeune – Biochimiste :
« je suis en train de mesurer les défenses antioxydantes de nos échantillons. Pour cela j’utilise une plaque, où je vais pouvoir déposer mes échantillons dans chaque puits. Et ensuite je vais ajouter un réactif qui va produire une réaction chimique, un substrat coloré et en fonction de la couleur que je vais obtenir cela va traduire le taux de défenses anti-oxydantes.
L’analyse de ces échantillons au spectrophotomètre révèle, par la mesure de l’absorbance lumineuse, le niveau de stress pour chaque individu.
Les chercheurs ont montré que les spermophiles (écureuil ?) sans entourage familial subissent plus d’agressions que les autres et endurent un niveau de stress plus élevé. De plus, ces individus élèvent des portées de tailles plus réduites.
A l’inverse, les spermophiles entourés de proches parents bénéficient d’un climat social moins agressif, leur donnant la possibilité de se consacrer davantage à leurs petits et donc de favoriser de plus grandes portées...
Mais tout n’est pas si simple! les chercheurs montrent également qu’au delà d’un certain nombre d’individus au sein d’une cellule familiale, les niveaux de stress peuvent augmenter à nouveau. Ces résultats suggèrent que des relations de dominance entre apparentés peuvent générer du stress et contrebalancer l’effet bénéfique de l’entourage familial.
Mais les questionnements de Vincent ne se limitent pas à étudier les effets du stress social chez les spermophiles adultes.
Vincent Viblanc :
« Ce qui va nous intéresser, ça va être d’essayer de comprendre comment le stress peut être transmis à la génération suivante et donc comment l’environnement social ressenti par les parents va influencer de manière positive ou négative le développement de leurs jeunes. »
Conclusion
Ces recherches qui mêlent démographie, comportement animal et physiologie, sont encore loin d’avoir livré tous leurs secrets. Mais il est déjà clair que les spermophiles du Canada ne sont pas les seuls affectés par leur entourage. Ces études pourraient permettre de mieux comprendre les effets du stress social chez d’autres espèces animales voire d’éclairer certaines réalités sur nos sociétés humaines.
Ce que nous apprend le stress des écureuils
Agressions, stress, isolement… vivre en communauté peut avoir des conséquences sur la santé. Ce reportage, diffusé avec LeMonde.fr, suit l’étude d’une colonie d’écureuils terrestres par une équipe de recherche internationale au Canada. Objectif : comprendre la dynamique sociale au sein de ce groupe de rongeurs et ses influences sur la santé des individus. Avec d’éventuelles extrapolations vers les sociétés humaines…
Sebastian Sosa
Mathilde Lejeune
Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC)
CNRS / Université de Strasbourg