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Cent ans après, la bataille de Verdun revisitée

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COMMENTAIRE
300 000 morts français et allemands confondus. La bataille de Verdun symbolise la folie meurtrière de la première guerre mondiale, la grande guerre. Or, en 100 ans, le mythe de Verdun a profondément évolué, tant du côté français qu’allemand. Aujourd’hui, deux historiens se retrouvent pour une lecture franco-allemande de cette célèbre bataille, qui a commencé sous la neige en février 1916, par une grande offensive allemande.
 
INTERVIEW Antoine PROST historien
Les Français ont eu très très peur. Et ils ont pris une décision à la fois politique et militaire ; c’est une décision prise par les militaires mais avec la caution des politiques, notamment de Briand, le président du conseil, qui est de défendre Verdun sur la rive droite.
Pour les militaires, il aurait été plus confortable de défendre Verdun sur la rive gauche. parce qu’il n’y avait pas la Meuse à traverser. La Meuse est un obstacle monstrueux ; vous avez une vingtaine de divisions sur le front de Verdun ; une division c’est entre dix et quinze mille hommes ; il faut les faire traverser la Meuse. Donc vous voyez, l’effort d’organisation qu’il a fallu faire pour défendre sur la rive droite. Mais on a décidé de défendre sur la rive droite. Et de ce fait, on a donné à Verdun un statut symbolique très fort alors que si on avait défendu sur la rive gauche, on abandonnait la moitié de la ville aux Allemands.
 
INTERVIEW Gerd KRUMEICH historien
Verdun a une particularité par rapport aux autres batailles, parce que c’est un combat vraiment rapproché sous le feu d’artillerie lointaine.
 
Le pilonnage est tel que les tranchées sont totalement bouleversées et on les reconstruit vaguement pendant la nuit - les tranchées c’est des passages de trous d’obus à trous d’obus. On enchaîne les trous d’obus. Donc ils sont à portée de main, ils se battent au fusil, ils se battent à la grenade, ils se battent éventuellement à l’arme blanche, et en même temps vous avez des gaz, le fusil mitrailleurs, qui est très important et le fusil lance-grenade.
 
Lance-mine, lance flamme, et les avions. Les avions qui combattent maintenant. Ils n’avaient pas combattu avant.
 
 
COMMENTAIRE
Après huit mois de combats acharnés, la ligne de front n’a quasiment pas bougé. Avant même la fin de la guerre, le mythe de Verdun est créé. Les autorités et la société civile s’organisent pour commémorer la bataille et construire des monuments pour sacraliser les lieux.
Côté allemand, c’est l’inverse. Pour oublier la défaite, la nouvelle république de Weimar choisit de ne pas glorifier les valeureux soldats.
 
INTERVIEW
Ce n’est pas simplement le deuil refusé, mais l’honneur refusé. La république de Weimar qui inscrit bêtement dans sa constitution que la République ne distribue pas d’ordre de mérite à aucun. Et pourquoi sont-ils morts ? Pourquoi sont-ils blessés ? Pourquoi sont-ils revenus fous ?
A la fin des années 20, c’est un questionnement, c’est un débordement de récits et aussi le réveil du souvenir de Verdun. Et puis, les nazis ont construit tout un mythe autour de l’événement de Verdun et ils se sont basés, bien sûr, sur un récit nationaliste ; et ils ont interdit l’autre récit, des souffrances, et voilà qu’est érigé le soldat au regard d’airain, au casque d’acier, qui ressemble étrangement à l’homme SS.
 
Après la seconde guerre mondiale, les commémorations à Verdun sont exclusivement françaises. Ce n’est qu’en 1984 que François Mitterand invite son homologue allemand Helmut Kohl à participer à la cérémonie.
 
INTERVIEW
Verdun n’est plus devenu le haut lieu de la Nation d’une certaine manière, mais l’emblème de l’absurdité de la guerre et de la mort de masse. Donc le climat mémoriel a changé, et la réconciliation devient en quelque sorte une évidence.
 
COMMENTAIRE
La bataille de Verdun est commémorée pour la première fois par Pétain et Poincaré en 1920. Cent ans après, la cérémonie est l’occasion de la réouverture du mémorial de Verdun qui raconte désormais cette histoire sanglante, d’un point de vue français et allemand. 

Cent ans après, la bataille de Verdun revisitée

17.02.2016

Mis à jour le
30.05.2016

En 1916, 300 000 Français et Allemands ont péri dans la bataille de Verdun. En cent ans, le regard posé sur cette bataille devenue aujourd’hui le symbole de l’horreur et de l’absurdité de la guerre, a profondément changé, comme nous l’expliquent les historiens Antoine Prost et Gerd Krumeich.

À propos de cette vidéo
Titre original :
Verdun, un mythe franco-allemand
Année de production :
2016
Durée :
5 min 04
Réalisateur :
Marie Mora Chevais
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
Antoine Prost
Centre d’histoire sociale du XXe siècle
Université Paris 1 - CNRS
 
 
Gerd Krumeich
Université de Dusseldorf 
Journaliste(s) :