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Les maths dopent l'économie française

Les maths dopent l'économie française

27.05.2015, par
Les mathématiques ne servent pas qu’à faire des comptes, sélectionner les meilleurs élèves et obtenir des médailles ! Une nouvelle étude révèle l’impact socio-économique majeur de cette science dont la valeur ajoutée s’élève à 15 % du PIB français.

Merveille de l’intellect humain pour certains, cauchemar scolaire pour beaucoup d’autres, les mathématiques constituent incontestablement un outil puissant et souvent incontournable de la recherche scientifique et technique actuelle. À ce titre, on peut s’attendre à ce qu’elles jouent un rôle important dans nos économies modernes dont la croissance est en grande partie basée sur la connaissance et l’innovation technique. Mais, si l’excellence de la recherche mathématique française peut aisément se mesurer à l’aune du nombre de ses publications et de ses médailles Fields, quel est au juste l’impact des mathématiques sur l’économie française ?

Le caractère
intrinsèquement
transdisciplinaire
des mathématiques
se manifeste sur le marché du travail.

C’est pour répondre à cette question que l’Agence pour les mathématiques en interaction avec l’entreprise et la société (Amies), en partenariat avec la Fondation Sciences mathématiques de Paris (FSMP) et la Fondation Mathématique Jacques Hadamard (FMJH), et en association avec les Labex de mathématiques, publient aujourd’hui une étude sur l’impact socio-économique des mathématiques en France. Réalisée entre janvier et mai 2015 par le cabinet de conseil en stratégie CMI, cette étude révèle l’impact croissant des mathématiques sur l’emploi et la compétitivité de l’économie française ainsi qu’une prise de conscience progressive, quoique encore insuffisante, de cet impact par les entreprises.

Le prestige mondial des mathématiques françaises

Du strict point de vue académique, les 4 000 enseignants-chercheurs en mathématiques répartis dans une soixantaine de laboratoires apportent à la France un prestige et une reconnaissance scientifique mondiale qui va bien au-delà de ce que leurs seuls effectifs pourraient laisser penser. Ainsi, le poids des mathématiques dans l’ensemble des publications françaises est de 7 %, quand les autres disciplines relevant des sciences dures pèsent entre 10 et 14 % de la production française. Pour autant, avec 8,5 % des publications les plus citées en 2012, les mathématiques françaises se classent au 3e rang mondial, derrière les États-Unis et la Chine. La France atteint même la 2e place mondiale si l’on prend en compte les médailles et distinctions décernées aux mathématiciens français. Ainsi, depuis 1936, 13 Français ont décroché la médaille Fields, contre 14 États-Uniens, 9 Russes et 3 Britanniques ; sans compter les 6 prix Wolf de mathématiques, les 4 prix Henri Poincaré et les 2 prix Abel qui ont également distingué la recherche française.

Artur Avila et Cédric Villani se sont vus décerner la médaille Fields respectivement en 2014 et 2010
Artur Avila et Cédric Villani se sont vus décerner la médaille Fields respectivement en 2014 et 2010

Par ailleurs, des liens étroits ont toujours lié progrès mathématiques et progrès dans les autres sciences : les lois de la physique newtonienne ont été fondées sur le calcul différentiel inventé par… Newton et Leibniz. Maintenant plus que jamais, mathématiques et mathématiciens interagissent fortement avec d’autres domaines comme l’informatique, la physique, la mécanique, l’automatique, la chimie, les sciences du vivant, les sciences sociales, etc. Fournissant aux chercheurs un langage universel, un cadre théorique cohérent, ainsi que des outils basés sur le calcul, les statistiques et les probabilités, les mathématiques ont été jugées primordiales pour le développement de 44 % des technologies clés identifiées dans la quatrième édition de l’étude de prospective Technologies clés 2015, publiée en 2011 par le ministère de l’Industrie. Tant et si bien qu’aujourd’hui, un mathématicien du CNRS sur cinq effectue ses travaux en collaboration avec des chercheurs d’une autre discipline.

Le revers institutionnel de cette transversalité est que les mathématiques sont rarement représentées en tant que telles dans les appels à projet ou les programmes incitatifs. C’est la plupart du temps du fait de leur interaction avec d’autres disciplines (biologie, santé, énergie, ingénierie, sciences et technologies de l’information et de la communication) qu’elles trouvent des opportunités de financement. On verra d’ailleurs que ce problème de visibilité académique a des répercussions dans les relations avec les entreprises.

Une discipline qui irrigue toutes les autres

Le caractère intrinsèquement transdisciplinaire et « diffusant » des mathématiques se manifeste aussi au niveau de la formation universitaire et sur le marché du travail. Ainsi, si les effectifs étudiants en master et en doctorat purement mathématiques sont stables et pèsent relativement peu (6 600 inscrits en master, 2 000 en formation doctorale), environ un quart des effectifs étudiants inscrits en BTS, DUT, licence professionnelle, école d’ingénieurs, master ou doctorat ont été formés en 2013 que ce soit EN mathématiques ou PAR les mathématiques. Et si on dénombre 99 000 personnes possédant un master ou un doctorat de mathématiques dans la population active française, un peu plus de 2 millions d’actifs ont bénéficié d’une formation mathématique significative (plus de 4 heures par semaine en moyenne) lors de leurs études supérieures.

La France compte 2,4 millions
d’emplois
dépendant des
maths, soit 9 %
de l’emploi total.

Au niveau national, la France compte 2,4 millions d’emplois dépendant plus ou moins directement des mathématiques, soit 9 % de l’emploi total. Un niveau en constante progression depuis 2009. Sur la période 2009-2012, le nombre de postes sur lesquels les mathématiques ont un impact direct a augmenté plus vite (+ 0,9 % de taux de croissance annuel moyen) que le nombre de postes total (+ 0,5 % par an). Par ailleurs, la valeur ajoutée apportée par les mathématiques en France représente 285 milliards d’euros sur 1 878 milliards d’euros, soit 15 % du PIB total.

Un impact qui dépasse largement la recherche et l’enseignement

Les quatre secteurs recourrant aux mathématiques les plus contributeurs en emploi sont, par ordre d’importance, l’enseignement, la recherche et développement, les activités d’architecture, d’ingénierie et d’analyse technique, les travaux de construction et de fabrication spécialisés. C'est dans ces secteurs que se concentrent les professions d’enseignants-chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens spécialisés en mathématiques. Ils génèrent 79,8 milliards de valeur ajoutée, soit près de 4,3 % du PIB français. Quant aux 20 secteurs les plus contributeurs en termes d’emploi impacté par les mathématiques, ils représentent 50 % des postes en France. Leur croissance a été de 2,6 % par an entre 2009 et 2012 contre 2,3 % pour l’ensemble des secteurs.

Les grilles informatiques (en anglais grid computing) et le calcul haute-performance sont des technologies clés directement liées aux progrès mathématiques.
Les grilles informatiques (en anglais grid computing) et le calcul haute-performance sont des technologies clés directement liées aux progrès mathématiques.

On voit dès lors que l’implication des mathématiciens dans les travaux de recherche apporte une très forte valeur ajoutée, et qu’elle est parfois indispensable à la levée des verrous technologiques. Outre leur contribution essentielle à la résolution des défis sociétaux liés aux changements climatiques, à la santé ou à l’énergie, les mathématiques génèrent des gains de productivité importants dans certains secteurs d’activité et ouvrent souvent la voie au développement de nouveaux marchés. Leur rôle dans l’entreprise est donc amené à se renforcer pour répondre aux besoins croissants d’outils pour maîtriser des systèmes de plus en plus complexes et gérer des volumes toujours plus importants de données hétérogènes. Au cours des dix prochaines années, la société Veolia prévoit ainsi de faire passer de 8 à 20 % la proportion de « mathématiciens » dans ses effectifs ingénieurs.

Mieux valoriser les compétences mathématiques en entreprise

Reste que, si on constate que les titulaires d’un master en mathématiques travaillent le plus souvent dans le secteur privé, à peine un quart des docteurs en mathématiques sont recrutés par des entreprises (17 % en recherche et 8 % dans un autre domaine). Cela pose la question de l’attractivité des carrières privées pour les docteurs en mathématiques, et plus généralement celle des débouchés des docteurs dans le secteur privé. De fait, la grande majorité des entreprises ne disposant pas encore de processus institutionnalisé pour recourir aux compétences et outils mathématiques, le recrutement ciblé de personnels pour leur expertise mathématique constitue aujourd’hui encore une exception. On estime par ailleurs qu’environ un dixième des chercheurs en mathématiques entretient des relations régulières avec les entreprises. Et, alors qu’on évalue à 4 % des ressources des opérateurs publics de recherche la part des contrats de recherche passés avec des partenaires privés, la plupart des laboratoires de mathématiques sont en deçà de ce taux.

La combinaison de méthodes de calcul intensif, d’analyse statistique des signaux complexes et des techniques d’imagerie du vivant, toutes issues de la recherche en mathématiques, a permis la production de cette image par le Centre de recherche en acquisition et traitement de l’image pour la santé (Creatis).
La combinaison de méthodes de calcul intensif, d’analyse statistique des signaux complexes et des techniques d’imagerie du vivant, toutes issues de la recherche en mathématiques, a permis la production de cette image par le Centre de recherche en acquisition et traitement de l’image pour la santé (Creatis).

Pourtant, l’essor de la demande en compétences clairement identifiées comme relevant des mathématiques, telles que l’analyse de données massives, et l’adaptation de nombreux secteurs d’activité à la révolution numérique pourrait faire évoluer les mentalités. L’étude souligne par conséquent la nécessité de renforcer les liens entre l’enseignement supérieur et les entreprises; ce qui passe notamment par une amélioration de la lisibilité du dispositif d’enseignement et de recherche et par le déploiement des démarches de valorisation et de suivi des compétences, tant de la part des entreprises que de la part de la communauté académique. Les instances académiques françaises ont déjà commencé à relever ce défi en identifiant et mobilisant cinq grands champs de compétences mathématiques jugés cruciaux pour de nombreux secteurs d’activité, comme l’énergie, la santé ou encore l’industrie et les télécommunications : le traitement du signal et l’analyse d’images, le data mining, la modélisation/simulation/optimisation, le calcul haute performance et la cryptographie.

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