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Solar Orbiter décolle pour le Soleil
Flamboyant au centre de notre système solaire depuis près de 4,5 milliards d’année, le Soleil dissimule bien des secrets dans sa couronne, cette enveloppe de gaz fortement ionisés qui l’entoure, visible lors des éclipses solaires sous la forme d’un anneau lumineux. Dirigée par l’Agence spatiale européenne (ESA), Solar Orbiter1 veut lever le voile sur ses mystères.
« Conçue pour étudier le Soleil de près, à une résolution jamais égalée, cette mission devrait permettre d’élucider plusieurs grandes énigmes sur l’activité de notre étoile et son influence sur son environnement proche, que l’observation à distance n’a toujours pas permis de résoudre », se réjouit Milan Maksimovic, directeur de recherche au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique2 (Lesia) de Meudon. Impliqué dans l’aventure, le chercheur sera aux premières loges pour assister en direct au décollage de la sonde depuis la base de Cap Canaveral en Floride, aux États-Unis3.
Comprendre le Soleil et ses « colères »
Grâce à Solar Orbiter, les astrophysiciens espèrent notamment mieux comprendre pourquoi la couronne solaire est si chaude : « elle dépasse le million de degrés… quand la surface solaire (photosphère) – pourtant plus proche du noyau où surviennent les réactions nucléaires productrices de chaleur –, est à “seulement” 5 500 °C » précise Milan Maksimovic. La mission devrait aussi permettre de mieux appréhender les processus – « non encore entièrement élucidés » – à l’origine du champ magnétique solaire et de ses variations ; ainsi que ceux responsables de la naissance et de l’accélération du vent solaire, ce flux d’ions et d’électrons expulsés dans l’espace à parfois 800 kilomètres par seconde (km/s).
En savoir plus ici est crucial, non seulement pour la recherche fondamentale, mais aussi pour mieux anticiper les « colères » du Soleil : les éruptions (ou tempêtes) solaires. Liés à une reconfiguration brutale et soudaine du champ magnétique de notre étoile, et pouvant monter à plusieurs centaines de milliers de kilomètres au-dessus de la surface solaire, ces jets de particules ionisées très énergétiques sont responsables des aurores boréales visibles au niveau des pôles terrestres. Mais ils peuvent aussi perturber le fonctionnement des satellites et des réseaux électriques, et potentiellement irradier les astronautes.
S'approcher... sans se brûler
Construite par Airbus Defence and Space à Stevenage (Royaume-Uni), Solar Orbiter sera mise en orbite par une fusée Atlas de la Nasa – laquelle participe à la mission en échange d’un accès à l’ensemble des données recueillies. La sonde s’approchera ensuite de notre étoile en se servant de la gravité de la Terre et de Vénus. « Au plus près du Soleil, elle sera à “seulement” 42 millions de kilomètres de sa surface ; à titre de comparaison, la Terre est à 150 millions de kilomètres, soit trois fois plus loin », chiffre Milan Maksimovic.
Pour ne pas être consumé par le rayonnement solaire – près de 13 fois plus intense ici qu’au niveau de l’orbite terrestre –, la sonde dispose d’un bouclier thermique hyper-résistant de 3,1 sur 2,4 mètres. « Constitué de plusieurs couches de matériau isolant, du titane (Ndlr : un métal qui ne fond pas avant 1 668 °C), ce système pourra supporter jusqu’à 655 °C. Tout en maintenant le corps du satellite – derrière lui – à une température plus raisonnable de 80 °C. » Ainsi protégée, Solar Orbiter pourra recueillir des données sur l'atmosphère du Soleil, son champ magnétique et les particules de vent solaire, avant que ceux-ci soient dénaturés par leur voyage jusqu’à la Terre. La sonde effectuera également les toutes premières observations à haute résolution des régions polaires de l’étoile, importantes pour mieux comprendre l'origine du vent solaire et l'évolution des champs magnétiques solaires internes.
Mesurer, photographier, analyser
Pour réaliser ces missions, le satellite de la taille d’une camionnette et d’une masse de 1 800 kg, emportera à son bord dix instruments de mesure. « Quatre étudieront les propriétés des particules constituant le vent solaire in situ, à savoir au niveau de la sonde même. Les six autres, dits de télédétection, mesureront et feront des images des émissions solaires dans différentes longueurs d’onde (visible, UV et X) ainsi que des cartes de champs magnétiques », détaille Milan Maksimovic.
L’association de ces deux types d’instruments fait de Solar Orbiter la première sonde solaire capable de photographier le Soleil de près. C’est là son atout majeur par rapport à sa cousine américaine Parker Solar Probe. Laquelle, lancée en août 2018 pour une mission similaire, frôlera le Soleil d’encore plus près (en 2024, elle se trouvera à seulement 6,5 millions de km de notre étoile), mais ne pourra pas en faire d’images. « Grâce à ses télescopes, Solar Orbiter collectera des données complémentaires de celles de Parker Solar Probe. Lors de campagnes de mesures simultanées, la première pourra fournir des renseignements sur l'environnement spatial dans lequel la seconde fera ses analyses. Ceci devrait permettre d’aboutir à des résultats qui ne pourraient pas être obtenus via seulement l’une ou l’autre de ces sondes », souligne Milan Maksimovic.
Mobiliser la recherche française
Sur les dix instruments transportés par Solar Orbiter, neuf ont été construits en Europe (le dixième étant fourni par la Nasa). De manière générale, la mission a fortement mobilisé la communauté scientifique française, avec l’intervention, au total, de neuf équipes issues du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), du Centre national d’études spatiales (Cnes) et du CNRS.
Au niveau du CNRS, pas moins de cinq grands laboratoires ont fourni des instruments et/ou les superviseront : le Lesia, l'Institut d'astrophysique spatiale4 à Orsay, le Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace5 à Orléans, le Laboratoire de physique de plasmas6 en région parisienne, et l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie7 de Toulouse.
« J’ai hâte de voir ce que Solar Orbiter révèlera ! J’espère que de mon vivant, elle permettra de résoudre les énigmes à l’origine de son développement », confie Milan Maksimovic. La sonde arrivera à destination dans deux ans. Sa mission durera ensuite entre cinq et neuf ans. ♦
A lire sur le site du journal :
Un ticket pour le Soleil
Météo solaire, tempêtes et black-out
- 1. http://sci.esa.int/solar-orbiter
- 2. (2) Unité CNRS/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot/Sorbonne Université.
- 3. (3) Le décollage sera diffusé en direct, le 10 février : https://www.esa.int/esawebtv
- 4. Unité CNRS/Université Paris-Saclay.
- 5. CNRS/Université d'Orléans/Cnes.
- 6. Unité CNRS/École polytechnique/Sorbonne Université.
- 7. (7) Unité CNRS/Université de Toulouse III Paul-Sabatier/Cnes.
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Auteur
Journaliste scientifique freelance depuis dix ans, Kheira Bettayeb est spécialiste des domaines suivants : médecine, biologie, neurosciences, zoologie, astronomie, physique et nouvelles technologies. Elle travaille notamment pour la presse magazine nationale.
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