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Jupiter lève le voile

Dossier
Paru le 10.12.2020
Ces recherches qui ont (aussi) marqué 2020

Jupiter lève le voile

14.04.2020, par
Un anticyclone (en blanc) dans la haute atmosphère de Jupiter.
Un anticyclone (en blanc) dans la haute atmosphère de Jupiter.
La sonde Juno orbite depuis près de quatre ans autour de Jupiter, dévoilant la dynamique et la structure interne de la géante gazeuse. Premier bilan d’une mission qui, prévue pour dix-huit mois, pourrait être prolongée jusqu’en 2026.

En orbite autour de Jupiter depuis bientôt quatre ans, Juno est d’ores et déjà un grand succès sur les plans technique et scientifique. Les chercheurs commencent tout juste à interpréter la moisson de données récoltées au cours de sa mission. Quand en 2011, la Nasa lance Juno en vue d’étudier la structure interne, la formation et la dynamique de l’atmosphère et de la magnétosphère de la géante gazeuse, elle estime que la sonde ne pourra résister au mieux que dix-huit mois aux dangereuses ceintures de radiations de la planète. L’engin spatial doit, en effet, réaliser une série de révolutions qui va le faire passer tous les 14 jours entre l’astre géant et ses ceintures de radiation chargées de particules accélérées mortifères pour l’électronique de bord.

Une mission sauvée in extremis

Mais le 4 juillet 2016, lors de l’insertion en orbite autour de Jupiter, un dysfonctionnement du moteur principal a été détecté, laissant craindre que l’allumage suivant – destiné à raccourcir l’orbite à 14 jours – soit fatal. Un minimum de 35 survols de Jupiter étant nécessaire à Juno pour atteindre ses objectifs scientifiques, la Nasa est contrainte de repousser la date de fin des opérations de 2017 à 2021, triplant la durée de la mission.

Visualisation des lignes de champ magnétique de Jupiter.
Visualisation des lignes de champ magnétique de Jupiter.

« En effet, la nouvelle orbite a, heureusement, exactement les mêmes qualités que la première, explique Philippe Zarka, directeur de recherche au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique1 (Lesia), et co-investigateur de la mission Juno. Elle passe au-dessus des pôles et de l’équateur aux mêmes altitudes de 10 000 et de 5 000 kilomètres environ. Et elle survole, elle aussi, une longitude différente à chaque passage, donnant à la sonde la possibilité de balayer la totalité de la surface de la planète en profitant de la rotation de cette dernière sur elle-même. Elle a en plus l’avantage, étant plus allongée, de traverser la magnétopause, cette zone frontière mal connue au-delà de laquelle le champ magnétique de Jupiter cesse de dévier le vent solaire ».

Cerner le cœur de la géante

Alors qu’elle entame sa 26e orbite (sur les 35 prévues), Juno peut se targuer de belles réussites. La mission avait notamment pour objectif de cartographier le champ gravitationnel jovien avec une précision cent fois supérieure à celles réalisées jusqu’ici. Grâce à cette carte, les scientifiques ont pu mieux cerner la nature du cœur de Jupiter. Ce dernier ne serait pas constitué d’une graine métallique solide comme le supposaient certaines théories, mais d’un noyau diffus d’une masse dix fois supérieure à celle de la Terre et composé d’éléments chimiques plus lourds que l’hélium. Ce qui, selon les chercheurs, privilégie l’hypothèse qu’une collision avec un objet de la taille d’Uranus serait survenue au moment de la formation de Jupiter.

L’atmosphère de Jupiter dévoilée

Juno a aussi livré de précieuses informations sur l’atmosphère de ce monde 318 fois plus massif que la Terre. Il a ainsi mesuré que les fameuses bandes colorées caractéristiques de sa surface ont une épaisseur de l’ordre de 3 000 kilomètres, tandis que la Grande Tache rouge elle est plus superficielle : 300 kilomètres à peine d’épaisseur. Les mesures réalisées lors des précédentes missions joviennes montrent que ce titanesque anticyclone de 15 000 kilomètres de long et de 12 000 de large, semble avoir fortement rapetissé au cours de ces trente dernières années. Juno pourrait nous en apprendre plus sur ce déclin qui, s’il se poursuit, implique une disparition complète de cette tache emblématique d’ici à 35 ans…

Vortex octogonal d'une largeur de 2000 km observé par Juno au pôle Nord de Jupiter.
Vortex octogonal d'une largeur de 2000 km observé par Juno au pôle Nord de Jupiter.

À l’exception des brefs survols effectués en 1974 par la sonde Pioneer 11 de la Nasa et en 1992 par la sonde Ulysses de la Nasa et l’Agence spatiale européenne (ESA), la sonde a été la première à scruter Jupiter d’aussi près hors de son plan équatorial. Elle a ainsi fourni des clichés inédits des pôles où les astronomes ont eu la surprise d’observer des ensembles de cyclones régulièrement répartis autour d’un vortex central : huit au Nord, formant un octogone et cinq au Sud, disposés aux sommets d’un pentagone.

À la recherche de l’eau jovienne

Autre grand mystère de Jupiter : celui de son eau manquante. Les mesures réalisées en 1995 par la sonde atmosphérique de la mission Galileo juste avant sa désintégration avaient détecté très peu d’eau. Les observations de Juno semblent en revanche indiquer que les brumes d’ammoniac qui recouvrent la planète masquent par endroits des nuages d’eau circulant à des attitudes plus basses. « Sans être pour l’instant parvenu à résoudre cette contradiction, Juno a relevé une grande disparité des teneurs de certains gaz comme l’ammoniac à l’échelle de la planète, ainsi qu’une abondance d’éclairs d’orages près des pôles, explique Philippe Zarka. Cela accrédite la thèse selon laquelle Galileo était tombée dans une région équatoriale particulièrement aride mais qu’ailleurs de l’eau est bel et bien présente. »

Vue d'artiste de l'activité orageuse de l'hémisphère nord de Jupiter, établie à partir des données recueillies par l'instrument JunoCam.
Vue d'artiste de l'activité orageuse de l'hémisphère nord de Jupiter, établie à partir des données recueillies par l'instrument JunoCam.

 Enfin, l’engin spatial de la Nasa a mesuré avec une telle précision le champ magnétique jovien qu’il a été possible d’établir, en comparant ces données avec celles récoltées en 1973 et en 1974 par les missions Pioneer 10 et 11, que ce champ connaît des variations séculaires, tout comme celui de la Terre. Ces informations ont ainsi permis à l’équipe du Lesia de modéliser les propriétés des émissions radio de Jupiter.
 
L’aventure de Juno est encore loin d’être terminée. En effet, son nouveau plan de vol lui faisant traverser les ceintures de radiations moins fréquemment, et ces dernières étant moins agressives que prévu, les doses totales de radiations subies par la sonde sont plus faibles, lui permettant de survivre plus longtemps. C’est pourquoi, les chercheurs comptent demander à la Nasa de prolonger son fonctionnement de cinq ans, pour un total de 77 orbites décrites. Avec trois objectifs : récolter un supplément de données, étudier l’environnement de Jupiter au moment d’un regain d’activité du Soleil et réaliser des survols multiples des lunes joviennes, Ganymède, Europe et Io. ♦

Notes
  • 1. Unité CNRS/Observatoire de Paris-PSL/Sorbonne Université/Université de Paris.

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