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Abstention : la politique n’explique pas tout

Abstention : la politique n’explique pas tout

26.03.2014, par
Un isoloir lors des élections municipales
Sanction, avertissement ou ras-le bol ? Quand certains se perdent en conjecture sur l’interprétation politique à donner au taux d’abstention record du 23 mars, des chercheurs viennent de montrer qu’au niveau local, l’abstention est d’abord déterminée par la taille de la commune.

Selon le ministère de l’Intérieur, le taux national d’abstention au premier tour des élections municipales 2014 a été de 36,45 %. Un nouveau record pour ce type d’élection, et une nouvelle occasion pour les politologues de se demander si cette abstention constitue « une défaillance citoyenne ou une expression démocratique ». Dès lors, afin de cerner les contours et détours de l’opinion abstentionniste, les commentateurs politiques sont tentés de comparer les taux de participation ville par ville. Sans remettre en cause l’intérêt de cette approche, des chercheurs du CNRS préviennent que cette comparaison n’a de sens que si l’on tient compte de la population des villes et des villages concernés.

Un civisme indexé sur la démographie ?

L’équipe de scientifiques du Laboratoire de physique théorique et modélisation (LPTM)1, et  soutenue par l’Institut des systèmes complexes de Paris-Île de France, a d’abord recueilli les données de 24 scrutins municipaux ayant eu lieu entre 1987 et 2011 dans dix pays différents, dont la France, l’Espagne, la Pologne et Israël. En comparant le nombre d’abstentionnistes au nombre d’électeurs inscrits dans la commune ou le secteur considéré, les chercheurs ont constaté que, quel que soit le pays ou la région, le taux d’abstention local suit une loi mathématique dépendant de la taille de la commune et du niveau de participation national.

Ainsi, on constate que plus la commune compte d’habitants, plus le niveau de participation y est faible. Ce comportement électoral est vérifié dans 21 scrutins locaux sur 24, pour des taux d’abstention globaux allant de 12 à 88 %. Ce taux ne semble donc dépendre ni de spécificités socio-culturelles nationales ou régionales ni de motivations politiques conjoncturelles. En revanche, l'équipe du LPTM observe2 que la loi mathématique qu’ils ont  mise en évidence ne tient plus lorsqu’ils réalisent le même type d’analyses sur des données issues de scrutins nationaux, tels que des élections législatives, présidentielles ou européennes.

Un nouvel éclairage sur l’abstention aux élections

Ces résultats montrent  que des affirmations comme « La participation à Marseille est toujours inférieure à la moyenne nationale » ne veulent pas dire grand-chose. En effet, pour comparer et interpréter les taux d’abstention à une élection locale, il est indispensable de rapporter ce taux à la démographie des villes considérées. On ne peut pas comparer directement Aix-en-Provence, qui compte un peu moins de 100 000 électeurs inscrits, et Marseille, qui en compte plus de 400 000. L’Institut des systèmes complexes de Paris-Île de France vient de mettre en ligne un outil qui permet justement de comparer le niveau d’abstention observé au niveau d’abstention théorique prédit par le modèle. Sur cette page, les internautes ont également la possibilité de participer à une expérience de crowdsourcingFermerProcédé consistant à recueillir du contenu, des données ou du savoir-faire en faisant appel à une large population, généralement d’internautes. dans laquelle ils sont invités à prédire le niveau d’abstention dans leur commune.

En outre, bien qu'empirique, le modèle du comportement électoral révelé par les chercheurs semble particulièrement robuste,  il sera donc intéressant de vérifier si les municipales actuelles confirment la loi observée jusque ici. En effet, une déviation pourrait être l'indice d'une modification du comportement électoral.

Enfin, les auteurs soulignent que leurs résultats « amènent un éclairage nouveau à la discussion sur le nombre de communes en France ». En effet, la France compte près de 36 000 communes, un nombre unique en Europe, dont on envisage une future diminution. Or le modèle établi dans l’étude indique qu’une telle réduction pourrait avoir pour effet un nouvel accroissement de l’abstention aux élections municipales.

Notes
  • 1. Unité CNRS/Univ. de Cergy-Pontoise.
  • 2. « Universal size effects for populations in group-outcome decision-making problems », C. Borghesi, L. Hernández, R. Louf et F. Caparros, Phys. Rev. E, décembre 2013, 88, 062813.

Commentaires

14 commentaires

Pourquoi une telle punition face à la délocalisation (qui aujourd'hui ne sert plus à rien, il n'y à plus rien à délocaliser ou presque) car en fait le terme "délocalisation" n'est pas approprié à ce qu'il est réellement. En fait ça à été et c'est le démantèlement des poumon de production de la France. Image bien choisie, car aujourd'hui, nous étouffons!

Bon, il y a un lien statistique entre la taille de la commune et l'abstention. Et alors ? Corrélation n'est pas raison. Du reste, il faudrait déjà examiner à quoi correspond la notion de commune ou de village. Ce sont des subdivisions administratives qui dépendent donc d'un choix politique. Les élections locales sont-elles identiques au frontières des "villes" ? etc. De toute manière, ce lien n'explique rien ? Quel est le mécanisme sous-jacent, pour autant qu'il existe et que l'on pas seulement affaire à une corrélation fallacieuse. Que les physiciens fassent leur travail, les sociologues, les démographes, les politologues feront le leur.

Je vous trouve bien peu constructif, Monsieur. La relation---qui n'a rien de statistique, mais soit---montre qu'au-delà des raisons socio-économiques souvent (et à raison) invoquées pour expliquer l'abstention, il y a une raison structurelle au nombre de votants: la taille de la commune. Maintenant, si au lieu de vous placer dans une démarche d'opposition systématique vous preniez le temps de lire l'article dont il est question et de le comprendre, vous verriez que ce résultat a une grande importance pour les études en sciences sociales: l'effet systématique de la taille de la commune, qui n'a pas été décompté dans les études précédentes Pas besoin de couper les cheveux en quatre (faire diversion?) avec la notion de commune/ville... la relation est là, incontestable empiriquement. D'ailleurs, encore une fois, si vous aviez pris le temps de lire l'article, vous verriez que c'est la notion de circonscription qui est importante ici, et donc de commune pour les élections municipales. Quand au mécanisme explicatif, je vous renvoie à l'article, que vous n'avez manifestement pas lu. Je ne vois pas selon quel principe les physiciens n'auraient pas le droit d'étudier les systèmes sociaux économiques? On ne prétend pas se substituer, mais apporter un nouveau point de vue. En tout cas, ça fonctionne bien et l'on obtient des résultats originaux, que vous le souhaitiez ou non.

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