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Dans les secrets de la combustion

Dans les secrets de la combustion

04.10.2016, par
La combustion
Le foyer MICCA, du laboratoire EM2C, comporte 16 injecteurs et est alimenté avec un prémélange air/propane. Le rayonnement de la paroi interne donne une idée de la répartition de température.
Grâce à des expériences en laboratoire et à des simulations sur ordinateur, les scientifiques tentent de percer les secrets de la combustion. Objectif : mettre au point des moteurs à la fois moins polluants et moins gourmands en énergie.

Elle fait rouler nos voitures, voler les avions, chauffe nos maisons, sert à produire de l’électricité et permet de fabriquer du ciment, du verre et des matériaux métalliques. Elle, c’est la combustion. Cette réaction chimique est aujourd’hui essentielle aux activités humaines puisqu’elle fournit 85 % de l’énergie primaire dans le monde. Mais la combustion soulève aussi de gros problèmes écologiques du fait de la pollution atmosphérique et des émissions de CO2 – principal gaz à effet de serre – qu’elle génère. Les chercheurs l’ont bien compris et ils travaillent d’arrache-pied pour percer tous les secrets de cette réaction. Et conduire ainsi à la mise au point de nouveaux procédés, de nouveaux moteurs et autres centrales thermiques à la fois moins polluants et moins gourmands en énergie.

Diminuer les émissions de polluants

Ces préoccupations environnementales ne datent pas d’hier. « En trente ans, les recherches sur la combustion ont permis de diviser par 1 000 les émissions de particules polluantes (suies, oxydes d’azote, espèces aromatiques...) des moteurs et pour certains, de multiplier par deux leur rendement, donc de diviser par deux leurs émissions de CO2 », rappelle Thierry Poinsot, de l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse1. Mais, comme le souligne Sébastien Candel, du Laboratoire d’énergétique moléculaire et macroscopique, combustion (EM2C)2, à Châtenay-Malabry, « il reste encore beaucoup de place pour améliorer les choses ». Preuve de cet optimisme : en Europe, les constructeurs de moteurs d’avion et d’hélicoptère se sont engagés d’ici à 2020 à baisser de 80 % les émissions d’oxydes d’azote de leurs engins par rapport à celles de 2000. Et les avionneurs ont pour objectif de diviser par deux les émissions de CO2 (par passager-km) de leurs aéronefs.

En trente ans,
les recherches sur
la combustion ont
permis de diviser
par 1 000 
les émissions
de particules
polluantes
des moteurs.

Pour atteindre ces objectifs, les scientifiques ne ménagent pas leurs efforts. Grâce à des expériences en laboratoire, des développements théoriques et des simulations sur ordinateur, ils tentent de comprendre en détail les mécanismes contrôlant la combustion au sein des enceintes où on la déclenche : les chambres de combustion. Dans ces structures capables de résister à de fortes températures et à de hautes pressions, on fait brûler un combustible (essence, kérosène, méthane...) en le mettant en contact avec de l’air. L’énergie ainsi libérée est ensuite utilisée pour produire une force. « Cette transformation nécessite des systèmes relativement complexes, explique Sébastien Candel. Dans le cas des moteurs d’avion, par exemple, ils font intervenir soufflante, compresseur et turbine pour finalement éjecter les gaz au travers d’une tuyère et propulser l’avion dans la direction opposée. Dans les moteurs automobiles, le dégagement de chaleur associé à la combustion réalise une forte surpression dans le cylindre qui se traduit par une force appliquée au piston. Le mouvement de ce dernier est transformé en rotation, ce qui permet de faire tourner les roues du véhicule ».

La combustion
Simulation d'une explosion dans un bâtiment.
La combustion
Simulation d'une explosion dans un bâtiment.

L’objectif pour les concepteurs de chambres de combustion est de mettre au point des systèmes qui vont brûler de la manière la plus complète et la plus propre possible la totalité du mélange air-combustible. Et de réduire ainsi au minimum la quantité de polluants et de CO2 émis dans l’atmosphère. « Les performances de la chambre dépendent de nombreux paramètres, notamment de sa forme, du débit d’injection de l’air et du combustible, de la proportion entre les deux réactifs, du nombre d’injecteurs », précise Thierry Poinsot.

La simulation numérique, un passage obligé

Pour trouver la bonne formule, la simulation numérique est devenue un passage obligé. Elle permet de prévoir le comportement de ces chambres. Et potentiellement de réduire le coût et le temps de conception.

Pour modéliser dans son intégralité le fonctionnement d’une chambre à combustion, les scientifiques doivent résoudre un jeu d’équations bien connues : celles de la mécanique des fluides – les équations de Navier-Stokes – qui décrivent l’écoulement des flammes, couplées à celles de la combustion des différentes espèces chimiques présentes. Mais l’exercice est difficile. « La combustion est un phénomène complexe, car elle met en jeu d’un côté un écoulement turbulent dans lequel se créent en permanence et à toutes les échelles de taille des tourbillons qui réalisent le mélange, et de l’autre une cinétique chimique qui fait intervenir des milliers de réactions et plusieurs centaines d’espèces », note Sébastien Candel.

La combustion
À gauche, un allumage dans le foyer Micca visualisé à l’aide d’une caméra rapide (6000 images/seconde). À droite, la simulation du même allumage.
La combustion
À gauche, un allumage dans le foyer Micca visualisé à l’aide d’une caméra rapide (6000 images/seconde). À droite, la simulation du même allumage.

Heureusement, grâce aux progrès accomplis en matière de modélisation et de puissance de calcul, et au développement de codes adaptés à la simulation des grandes échelles3, cette tâche est désormais à la portée des supercalculateurs. Les simulations effectuées en quelques semaines, alors qu’elles nécessiteraient l’équivalent de plusieurs millions d’heures de calcul sur un ordinateur de bureau, donnent ainsi accès aux chercheurs à tout un tas de paramètres physiques (température, pression, vitesse des flammes...) ainsi qu’aux quantités de polluants émis. On peut alors évaluer à l’avance l’efficacité de l'architecture d'une nouvelle chambre et faire une prévision de son niveau de pollution.

Anticiper les instabilités

Mais ce n’est pas tout. Les simulations doivent également anticiper tout dysfonctionnement d’une chambre de combustion, comme des problèmes d’extinction ou de stabilité de la flamme, ou pire encore ses instabilités acoustiques qui peuvent endommager la structure, voire même la détruire complètement. « De la même manière qu’en soufflant dans une trompette, on fait vibrer le tube et on produit un son, la combustion peut, dans certains cas, faire vibrer la chambre mais de manière extrêmement intense et ainsi la mettre en danger », explique Thierry Poinsot.

Ce problème est rencontré dans de nombreux systèmes, depuis les moteurs d’avion et de fusée, les turbines à gaz qui fabriquent de l’électricité, jusqu’aux chaudières à gaz des particuliers. Tout l’enjeu actuel consiste donc à prévoir ces instabilités grâce aux simulations et à trouver un moyen de s’en débarrasser avant de se lancer dans la fabrication d’un nouveau moteur ou d’une nouvelle turbine. Une tâche à laquelle s’attellent actuellement Thierry Poinsot et son équipe, au sein du projet Intecocis, en collaboration notamment avec le laboratoire EM2C.

Autre défi : améliorer la prévision en matière de polluants émis par les systèmes de combustion. Car, si aujourd’hui on sait relativement bien prédire le taux de production de certaines espèces – les oxydes d’azote par exemple –, pour d’autres, en revanche, comme la suie, c’est beaucoup plus difficile.

Une batterie de tests en laboratoire

Pour répondre à toutes ces questions, les chercheurs ne s’appuient pas seulement sur les simulations numériques. Dans leurs laboratoires, ils étudient également la combustion dans des dispositifs qui reproduisent de manière plus simple les conditions qui existent dans les chambres de combustion industrielles.

Dans ces enceintes aux parois en quartz, ils peuvent observer le déroulement d’une combustion sous toutes ses coutures. Avec des caméras rapides, ils capturent l’évolution de la flamme et des zones de réaction. Avec des lasers, ils suivent le déplacement de particules, leur vitesse et leur taille. Avec des microphones, ils enregistrent les fluctuations de pression pour caractériser les zones où se développent les fameuses instabilités. Dans d'autres expériences, ils récoltent des échantillons pour caractériser toutes les espèces chimiques créées au cours de la réaction.

La combustion
Le dispositif Intrig produit une « flamme laminaire prémélangée » (en haut à gauche), qui permet d’analyser les flammes réelles dans les moteurs d’avion.
La combustion
Le dispositif Intrig produit une « flamme laminaire prémélangée » (en haut à gauche), qui permet d’analyser les flammes réelles dans les moteurs d’avion.

Grâce à toutes ces expériences, les scientifiques tentent alors de modéliser finement les phénomènes en jeu au cours de la combustion. Et d’améliorer ainsi les prédictions fournies par les simulations numériques en matière d'allumage, d’émissions de polluants et d’instabilités.

Évaluer les biocarburants

L’enjeu est d’autant plus important que, pour faire face à l’épuisement des combustibles fossiles, du pétrole en particulier, on fait désormais appel de plus en plus aux biocarburants, ces carburants issus de la biomasse, c’est-à-dire obtenus à partir de matière première végétale, animale ou de déchets organiques. « Il faut faire preuve de prudence avec ces nouveaux carburants et bien évaluer les polluants émis au cours de leur combustion », note Philippe Dagaut, de l’Institut de combustion, aérothermique, réactivité et environnement4, à Orléans.

Il faut faire preuve
de prudence avec
les biocarburants
et bien évaluer
les polluants émis
au cours de leur
combustion.

C’est précisément cet objectif que poursuivent le chercheur et son équipe. Leurs travaux ont déjà permis de montrer que le kérosène de synthèse destiné aux avions et fabriqué grâce à la gazéification du charbon ou de la biomasse émettait moins de suies en brûlant que le kérosène ordinaire. En revanche, certains biocarburants utilisables dans nos voitures ont un impact plus négatif en matière de pollution : ils produisent plus de suies et de composés aromatiques que les carburants classiques.

Les chercheurs ont donc encore beaucoup de pain sur la planche pour faire avancer les connaissances qui permettront de concevoir les moteurs du futur, plus performants et moins polluants. Dans cette quête, les scientifiques français sont particulièrement actifs. La preuve : deux d’entre eux, Thierry Poinsot et Philippe Dagaut, viennent de se voir décerner une médaille d’or du Combustion Institute, la plus haute récompense de la discipline5. La combustion n’a pas fini d’enflammer les chercheurs !

Notes
  • 1. Unité CNRS/INP Toulouse/Univ. Toulouse 3.
  • 2. Unité CNRS/CentraleSupélec.
  • 3. Ces codes sont issus d’une collaboration très large entre le Cerfacs, IFPEN et les laboratoires CNRS
  • 4. Unité propre du CNRS.
  • 5. Paul Clavin, chercheur au sein de l'Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE) et Sébastien Candel du Laboratoire d’énergétique moléculaire et macroscopique, combustion (EM2C) sont les derniers Français à avoir remporté cette prestigieuse distinction, respectivement en 2014 et en 2010.
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Auteur

Julien Bourdet

Julien Bourdet, né en 1980, est journaliste scientifique indépendant. Il a notamment travaillé pour Le Figaro et pour le magazine d’astronomie Ciel et Espace. Il collabore également régulièrement avec le magazine La Recherche.

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