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De l’égyptologie aux robots, les sciences humaines innovent

De l’égyptologie aux robots, les sciences humaines innovent

02.05.2017, par
La plateforme collaborative Aïoli permet de modéliser en 3D des éléments du patrimoine culturel.
Un dictionnaire d’égyptien antique, une plateforme sur les secrets du patrimoine, un robot pour la rééducation... Voici quelques-uns des étonnants projets présentés lors du salon des Innovatives SHS, à Marseille, les 17 et 18 mai.

Les 17 et 18 mai, Marseille accueille la troisième édition des Innovatives SHS, salon de la valorisation en sciences humaines et sociales organisé par le CNRS1. Soixante-dix équipes de recherche sont attendues pour présenter leurs réalisations, souvent développées avec des partenaires industriels, des collectivités territoriales ou le monde associatif. Après un premier zoom sur des projets liés au tourisme, voici quelques projets phares que les visiteurs pourront découvrir à Marseille.

La pointe de l’égyptologie à portée du public

Le Labex Archimede2 et l’entreprise Intactile Design exposeront VÉgA, vocabulaire de l’égyptien ancien, une plateforme en ligne dédiée à cette langue antique. Sachant qu’elle a couru une période de 3 000 ans, soit davantage que le temps qui sépare le latin classique du langage SMS, on imagine bien que son étude réclame des outils conséquents. « Le seul vrai dictionnaire global, celui de l’académie de Berlin, a demandé un travail colossal sur plusieurs décennies, explique Frédéric Servajean, professeur d’égyptologie à l’université Paul-Valéry de Montpellier et responsable de VÉgA. Les chercheurs qui ont lancé ces travaux n’en ont pas vu la fin. »
 
Avec une première publication en 1925 et une gestation aussi longue, une telle compilation naît forcément déjà dépassée. Bien plus qu’un simple dictionnaire, VÉgA fonctionne donc comme une plateforme collaborative sur Internet. Il pourra être modifié et augmenté au fil des découvertes, libéré de la contrainte d’être figé sur du papier. Sa mise en ligne est prévue pour courant 2017.

Chaque notice lexicographique en égyptien ancien du dictionnaire en ligne VÉgA recense les connaissances les plus récentes sur le sujet.
Chaque notice lexicographique en égyptien ancien du dictionnaire en ligne VÉgA recense les connaissances les plus récentes sur le sujet.

VÉgA comprend pour l’instant environ 4 500 mots, plus 1 500 autres prêts à être ajoutés à la plateforme. Le périmètre final est estimé à 18 000 entrées. Les traductions, disponibles en français, allemand, anglais et arabe, sont accompagnées de notices et d’une étude lexicographique en français. « Le public n’a d’habitude pas accès aux parties les plus pointues de l’égyptologie, complète Frédéric Servajean. Lors du salon Innovative SHS 2017, nous allons lui montrer comment se servir de VÉgA, même avec des connaissances rudimentaires. »
 

Les secrets du patrimoine au bout du smartphone

Une autre plateforme collaborative sera présentée au salon Innovatives SHS : Aïoli. Conçu par le laboratoire MAP3 et soutenu par la SATT4 Sud-Est, il permet aussi bien de modéliser en 3D des éléments du patrimoine culturel que de partager des informations in situ. En suivant un protocole relativement simple, chacun peut prendre une série de photographies d’un bâtiment que la plateforme utilise pour générer automatiquement un modèle en 3D. Des spécialistes peuvent alors y ajouter des commentaires de manière participative. « Aïoli fait apparaître aussi bien des termes de vocabulaire de l’architecture que le détail d’une stratigraphie décrite par un archéologue, précise Livio de Luca, directeur de recherche et directeur du MAP. On peut également mesurer les phénomènes de dégradation grâce aux différentes notes laissées. »

L’église collégiale de Saint-Émilion (Gironde), modélisée sur la plateforme Aïoli.
L’église collégiale de Saint-Émilion (Gironde), modélisée sur la plateforme Aïoli.

Devant un monument ou n’importe quel objet présent dans la base de données, un touriste, un étudiant ou un chercheur peut le photographier avec son smartphone et voir automatiquement toute une série de calques graphiques et d’informations s’y surimprimer. Chacun participe au passage à l’amélioration du modèle, puisque les photos sont réutilisées pour affiner les représentations en 3D.
 
« L’idée est de former un écosystème numérique autour du patrimoine culturel, ajoute Livio de Luca. De multiples contributions de diverses disciplines s’y intègrent. La quantité d’informations qui peut être stockée et délivrée en direct est extraordinaire. Cela permettrait de mieux saisir les tendances sur de vastes territoires et de les insérer dans le contexte local : qu’elles soient stylistiques ou liées aux dégradations. »
 

Préparer l’arrivée des robots

Les innovations présentées touchent aussi à la médecine, un des thèmes forts du salon. Dans le projet ROBO-K5, des psychologues sociaux, appartenant au LP3C6, ont participé à la conception d’un robot mobile dédié à la rééducation de la marche. Ils y ont intégré les contraintes de l’activité clinique et les besoins des utilisateurs finaux : les patients et les praticiens. Des partenaires aussi bien cliniques que techniques ont également été mobilisés : le CHU de Rennes, le CMRRF7 de Kerpape, BA Systèmes, le List8 et InvenSense. ROBO-K est doté de roues autorisant des changements de direction en temps réel et d’un système de suspension, qui permet de répartir la part de poids que le patient supporte. Testé durant cinq mois auprès de trente-huit patients et de quatre kinésithérapeutes, il facilite la réalisation d’exercices de rééducation habituels ou plus novateurs, liés à sa grande mobilité.

ROBO-K, testé en salle de rééducation, au CHU de Rennes.
ROBO-K, testé en salle de rééducation, au CHU de Rennes.

« Le prototype est perçu comme étant sécurisant et favorisant la progressivité, autant de dimensions qui participent à son acceptation à court et moyen termes », estime Nathalie Pichot, maître de conférences en psychologie sociale à l’IUT de Rennes et membre du LP3C. Ce succès doit beaucoup à l’orientation des spécifications techniques et fonctionnelles selon la perception des usagers potentiels. Les réticences qu’aurait pu causer l’arrivée d’un tel robot sur les plateaux de rééducation ont pu être anticipées dès le début du projet.
 

Sensibiliser aux dangers domestiques

En matière de médecine, l’innovation se met également au service de la prévention. Face au constat qu’un tiers de ses jeunes patients souffraient de blessures survenues au domicile, le CHU Sainte-Justine de Montréal s’est associé à la SAT9 pour développer la « Maison de Justin ». À l’aide de casques de réalité virtuelle, ce jeu en 3D sensibilise les parents aux risques d’accidents domestiques.

« Deux personnes interagissent en même temps dans un environnement qui reproduit une maison typique, détaille Emmanuel Durand, chercheur à la SAT. L’un interprète un enfant pour lequel des dangers ressemblent à des jeux, l’autre prend le rôle du parent qui doit l’empêcher de se blesser. Le visuel change pour chacun, “l’enfant” verra ainsi une épée à la place d’un couteau, une clé et une serrure à la place d’un stylo et d’une prise électrique... » En fonction des choix des joueurs dans la quinzaine de situations disponibles, un dessin vient expliquer la marche à suivre pour minimiser les risques. Le jeu mise sur l’empathie que suscite l’expérience virtuelle, le parent se retrouve à la place de l’enfant et se rend mieux compte des dangers auquel il est exposé.

Inauguration en 2015 du dispositif virtuel «La Maison de Justin», qui sensibilise les parents aux risques d'accidents domestiques.
Inauguration en 2015 du dispositif virtuel «La Maison de Justin», qui sensibilise les parents aux risques d'accidents domestiques.

Le matériel nécessaire à la Maison de Justin peut être facilement transporté au gré des salons et des interventions. Des spécialistes et des infirmières sont toujours présents afin de répondre aux questions des parents.
Comme dans d’autres projets mis en avant, la Maison de Justin n’a pas été conçue par des développeurs en suivant un cahier des charges fixe. Le travail a été effectué par cycles de quelques mois  – dans l’esprit dit « living lab » –, à la fin desquels l’équipe présente son avancement à tous les partenaires, y compris des utilisateurs. Ces cycles courts permettent une meilleure expression des points de vue.
 

Réhabiliter l’agriculture et l’écosystème

Le salon présentera aussi un projet développé outre-Atlantique: l’AcadieLab. Mis en place en 2014 par des chercheurs des laboratoires CRDT10 et RIVE11, des agronomes, des agriculteurs et des entreprises, il rassemble de très nombreux acteurs en vue de réhabiliter les agroécosystèmes du bassin versant de la rivière l’Acadie, dans le sud du Québec. Il s’agit de développer des pratiques plus respectueuses de l’environnement dans un des territoires les plus agricoles de la Belle Province. L’exploitation y est industrielle et intensive, avec des domaines qui génèrent aux alentours d’un million de dollars canadiens de revenu brut par an, soit environ 700 000 euros. « Nous avons parié que, même en collaborant avec de très grosses fermes, nous pourrions développer une gestion bénéfique pour l’environnement, la biodiversité et l’état des sols, raconte Julie Ruiz, professeur de géographie à l’université du Québec à Trois-Rivières. »

« Nous ne travaillons pas sur des enjeux, poursuit-elle, mais sur des solutions proposées par une communauté. À la base, ce sont d’ailleurs les agriculteurs eux-mêmes qui se sont mobilisés autour de leur agronome-conseil. » Outre la question de la transformation des paysages par l’agriculture, l’AcadieLab s’auto-étudie et est scruté en retour par des chercheurs extérieurs. La manière dont les agents interagissent et l’évolution des pratiques agricoles renseignent tout autant que les solutions agronomiques qu’ils font émerger. En clair, on ne change pas seulement les habitudes, on observe aussi comment elles se transforment. Ce principe résume bien l’esprit d’Innovatives SHS 2017 : des sciences humaines et sociales impliquées à toutes les étapes de la recherche. Une alliance capable de donner naissance à des projets extrêmement variés, dont les meilleurs sont présentés au public.
 
 
 
Informations pratiques :
Salon Innovatives SHS 2017 les mercredi 17 et jeudi 18 mai de 9 heures à 18 heures.
Marseille Chanot – Palais de l’Europe
Rond-point du Prado
13008 Marseille

Inscription gratuite et obligatoire à cette adresse.
 
 

 
Notes
  • 1. Le salon Innovatives SHS se tient en partenariat avec Aix-Marseille Université, l’Inserm, l’IRD et le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, ainsi qu’avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère de la Culture et de la Communication, du Consortium de valorisation thématique de l’Alliance Athéna, du réseau national des SATT et de la Casden.
  • 2. Archéologie et histoire de la Méditerranée et de l’Égypte ancienne, fédéré autour de l’UMR Archéologie des sociétés méditerranéennes (CNRS/Université Paul-Valéry Montpellier/Ministère de la Culture et de la Communication).
  • 3. Modèles et simulations pour l’architecture et le patrimoine (CNRS/Ministère de la Culture et de la Communication).
  • 4. Société d’accélération du transfert de technologies.
  • 5. K pour kinésithérapie.
  • 6. Laboratoire de psychologie : cognition, comportement, communication (Université Rennes 2).
  • 7. Centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles.
  • 8. Laboratoire d’intégration de systèmes et des technologies (CEA de Paris-Saclay).
  • 9. Société des arts technologiques (à Montréal).
  • 10. Centre de recherche en développement territorial (Université du Québec en Outaouais).
  • 11. Centre de recherche sur les interactions bassins versants – Écosystèmes aquatiques (Université du Québec à Trois-Rivières).
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

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