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Cheops, le profileur d’exoplanètes
La mission Cheops (CHaracterising ExOPlanets Satellite – Satellite de caractérisation des exoplanètes) qui partira en décembre prochain à bord d’une fusée Vega depuis la base de Kourou (Guyane) marque une nouvelle étape dans la recherche sur les exoplanètes. Depuis l’orbite où il sera positionné à 700 kilomètres d’altitude, ce petit télescope spatial de l’Agence spatiale européenne (ESA) et du Bureau spatial de la Suisse mesurera, avec une précision inédite, la taille de ces astres. Son double objectif sera d’en apprendre un peu plus sur la composition rocheuse, gazeuse, voire même glacée ou océanique de ces corps célestes ; et déblayer ainsi le terrain pour les instruments qui les étudieront en détail dans les années à venir !
Cette mission a ceci de remarquable qu’elle coïncide, à quelques semaines près, avec l’attribution, le 8 octobre 2019, du prix Nobel de physique à deux astronomes de l’Observatoire de Genève, pour la découverte – par la méthode des vitesses radiales –, de la première exoplanète. En 1995, Michel Mayor et Didier Queloz, président du conseil scientifique de Cheops, analysent la lumière de l’étoile 51 Peg à l’aide du spectromètre Élodie de l’Observatoire de Haute-Provence. Ils mesurent des variations périodiques de vitesse indiquant la présence d’un énorme objet qui perturbe le mouvement de l’astre : une planète géante dont ils réussissent à calculer la masse (la moitié de celle de Jupiter) et la période orbitale (4,2 jours). Cette première détection marque les débuts d’une toute nouvelle discipline : l’exoplanétologie, dont la mission Cheops est le dernier avatar.
Après la détection, la caractérisation
Cheops a notamment pour objectif d’affiner les observations réalisées depuis un quart de siècle par les astronomes. En effet, depuis la détection de 1995, plus de 4 000 exoplanètes ont été découvertes, bouleversant ce qu’on imaginait sur la diversité de ces objets dans l’Univers et sur la manière dont se forment et s’organisent les systèmes solaires. Les chercheurs ne savent cependant presque rien sur la nature et les propriétés de ces planètes mises au jour par centaines, dont les masses s’échelonnent entre celle de la Terre et celle de Neptune.
Ces « super-Terre » ou « mini-Neptune » – qui n’ont aucun équivalent dans notre système solaire –, sont-elles faites de fer, de roches silicatées ou de glace ? Possèdent-elles des atmosphères ? Et si oui, quelle est leur composition ? Sont-elles totalement recouvertes d’océans ? Les scientifiques disposent encore de trop peu d’indices pour répondre à ces questions. Pour espérer élucider leur composition, ils auraient besoin de connaître la densité moyenne de ces corps afin de la confronter aux modèles de structure interne de planètes.
Établir une liste de super-Terre
Malheureusement, les catalogues établis jusqu’ici fournissent rarement cette information. En effet, la densité d’un astre n’est pas une grandeur directement mesurable. Elle doit être calculée en combinant des informations sur sa masse et sur son rayon qui sont récoltées indépendamment l’une de l’autre, et selon deux techniques différentes : la méthode des vitesses radialesFermerLa méthode des vitesses radiales mesure par spectroscopie Doppler le léger mouvement d’oscillation de l’étoile que provoque la masse d’une planète orbitant autour d’elle, et la méthode des transitsFermerLa méthode des transits évalue le rayon de la planète à partir de la baisse de luminosité observée de l’étoile lorsque la planète lui « passe devant ».. Or, ces techniques ne peuvent généralement pas être appliquées aux mêmes astres. En effet, « les exoplanètes dont on a établi la masse par la technique des vitesses radiales orbitent toutes autour d’étoiles brillantes (généralement proches), alors que celles dont on a mesuré le rayon avec la méthode dite des transits sont généralement associées à des étoiles beaucoup moins brillantes (donc plutôt éloignées) », explique Willy Benz professeur à l’Université de Berne (Suisse) et responsable de la mission Cheops.
Tout comme CoRoT (Centre national d'études spatiales - ESA et partenaires), Kepler (Nasa), TESS (Nasa) et bientôt PLATO (ESA), ce satellite scrutera les étoiles afin de mesurer des baisses de luminosité provoquées par le transit ou passage périodique de planètes sur sa ligne de visée. Toutefois, à la différence de ces télescopes spatiaux, son objectif ne sera pas de détecter de nouvelles planètes. Mais plutôt d’en observer certaines déjà connues et proches pour en déterminer le rayon avec une précision de l’ordre de 10 %. Avec un espoir : constituer une liste d’une cinquantaine de « super-Terre », toutes parfaitement décrites en termes d’orbite, de masse, de diamètre et de densité. Et ainsi fournir aux spécialistes un échantillon d’une taille suffisante pour leur permettre d’avancer dans la compréhension de ces objets.
Mesurer la température, trouver des anneaux
Durant les trois à cinq années que doit durer la mission, le télescope spatial surveillera aussi une série de systèmes solaires détectés par la méthode des vitesses radiales afin de déterminer s’ils comptent des planètes en transit. Une pareille configuration est rare, puisqu’elle implique que la planète croise notre ligne de visée de l’étoile. Mais, explique Xavier Bonfils, chargé de recherche CNRS à l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble1 et membre de l'équipe scientifique de Cheops : « lorsqu’elle intervient sur des étoiles proches et brillantes, elle fait de ces exoplanètes des cibles sur lesquelles on peut facilement mesurer les propriétés physiques et la composition atmosphérique ».
Les astronomes espèrent ainsi découvrir une demi-douzaine de systèmes à même d’être observés par les télescopes de la prochaine génération : qu’il s’agisse du James Webb (Nasa-ESA-Agence spatiale canadienne), dont la mise en service est prévue en 2021, ou du E-ELT (European Southern Observatory) attendu en 2025. Enfin, précise Magali Deleuil, professeur au Laboratoire d’astrophysique de Marseille2 : « Cheops cherchera à mesurer la température de la haute atmosphère des “Jupiter chauds” et à détecter la présence éventuelle de lunes et d’anneaux associés à des exoplanètes ».
Financée par l’ESA dans le cadre de son programme Cosmic Vision (2015-2025), Cheops a été développé, sous la responsabilité de la Suisse, par un consortium d’une dizaine de pays dont la France. Cette dernière n’est pas intervenue dans la conception du télescope d’un mètre ultra-sensible qui équipe le satellite de 250 kilogrammes. Mais elle a fourni, par le truchement de l’équipe de Magali Deleuil, le logiciel de traitement des données qui sera employé, à Genève, par le Centre des opérations scientifiques de cette mission dite de type « S » (Small). Elle participe aussi à la définition des cibles. Certaines, comme 55 Cancri, promettent déjà de faire couler beaucoup d’encre. Ce système fait de deux étoiles compte au moins cinq planètes dont l’une serait une « super-Terre » rocheuse. Reste à le vérifier. Ce que fera Cheops. ♦
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Commentaires
je serrais l'un des pose la
nacer mounir le 17 Février 2020 à 15h32merci .
nacer mounir le 17 Février 2020 à 15h33Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS