Sections

Un système solaire plus habitable que prévu

Dossier
Paru le 03.04.2018
Les énigmes de la vie

Un système solaire plus habitable que prévu

03.02.2015, par
Vue d'artiste de la surface de Titan, satellite de Saturne
Vue d'artiste de la surface de Titan, plus gros satellite de Saturne
Le lancement depuis Baïkonour de l’atterrisseur et de l'orbiteur de la mission ExoMars 2016 ouvre un nouveau cycle d'exploration de notre système solaire. Un système où l'on soupçonne de plus en plus de corps d'être habitables, voire habités...

La recherche de vie extraterrestre est depuis longtemps synonyme de recherche d’eau liquide. Et pour cause : partout où il y a de l’eau liquide sur Terre, on trouve quasi-systématiquement de la vie. Ce principe a ainsi conduit les exobiologistes à lier la zone d’habitabilité des systèmes planétaires à l’éloignement de l’étoile : n’étaient habitables que les corps situés à une distance où l’énergie apportée par les radiations de l’étoile permettait le maintien d’une eau à l’état liquide. Ce qui, dans le système solaire correspond à une bande située entre les orbites de Vénus et celle de Mars.

Une planète rouge, aride mais remplie d’eau

Or, si l’on n’a pas trouvé la moindre trace d’humidité sur Vénus, les missions martiennes qui se sont succédées depuis le milieu des années 1990 ont apporté la preuve que la planète rouge regorge d’eau, que ce soit sous forme de glace, de vapeur ou de minéraux hydratés. « Si on combinait tous les dépôts de glace d’eau détectés à ce jour, ce qui inclut notamment la calotte de 1 000 kilomètres de diamètre qui recouvre le pôle Nord de Mars, note Franck Montmessin, directeur de recherche au Latmos1, on obtiendrait une masse d’eau équivalente à celle d’un océan global de 30 mètres environ de profondeur. » La découverte de formations géologiques similaires aux réseaux fluviaux terrestres indique que, par le passé, l’eau a abondamment coulé et que la planète a donc un jour été habitable, si ce n’est habitée. Malheureusement, aujourd’hui, on ne trouve plus d’eau liquide stable à la surface de Mars. En effet, la très faible pression atmosphérique martienne fait que la glace d’eau, quand elle fond, ne s’y transforme pas en liquide, mais se sublime directement en vapeur d’eau.

Fleuve martien, le Nili Fossae
Vue satellite du massif Nili Fossae sur Mars où l'on pense avoir détecté des bouffées de méthane
Fleuve martien, le Nili Fossae
Vue satellite du massif Nili Fossae sur Mars où l'on pense avoir détecté des bouffées de méthane

La piste du méthane

Les chercheurs n’ont toutefois pas abandonné la traque aux indices d’une vie martienne, présente ou passée. Surtout depuis que plusieurs équipes indépendantes ont détecté des bouffées de méthane dans l’atmosphère martienne. Or, si la présence de méthane est souvent liée à une activité biologique, elle peut aussi résulter de processus géophysiques comme le volcanisme. La sensibilité des appareils actuels ne permet pas pour l’instant de déterminer l’origine de ce gaz. « L’orbiteur de la mission européenne ExoMars-2016 sera équipé de deux spectromètres qui augmenteront les seuils de sensibilité d’un facteur 10 à 100, précise Franck Montmessin. Ils permettront d’établir un premier inventaire détaillé des gaz présents dans l’atmosphère martienne, ce qui pourra apporter des éléments pour contraindre les hypothèses sur l’origine du méthane détecté. » Les rovers des missions ExoMars-2018 et Mars 2020 se chargeront ensuite de creuser le sol et d’analyser des roches vieilles de plus de 3 milliards d’années, quand la planète disposait d’une atmosphère bien plus dense, qu’elle connaissait alors une activité volcanique importante et que l’eau liquide y abondait et y persistait. Avec l’espoir d’y trouver les traces d’une chimie prébiotique, voire d’une activité biologique.

Rover Exomars 2018
Vue d'artiste du rover Pasteur de la mission ExoMars-2018.
Rover Exomars 2018
Vue d'artiste du rover Pasteur de la mission ExoMars-2018.

De la vie sous la glace ?

Parallèlement aux efforts déployés pour autopsier notre voisine, les données collectées par les sondes Galileo et Cassini ont montré que Mars n’était peut-être pas le seul corps du système solaire à avoir pu abriter une vie extraterrestre. « De récentes découvertes sur les lunes de Jupiter et de Saturne ont complètement remis en cause nos notions d’habitabilité, avoue Athéna Coustenis, planétologue et directrice de recherche au Lésia2. Les effets de marée qu’exercent les géantes gazeuses sur leurs lunes glacées leur procurent une source d’énergie constante qui entretient leur activité géologique et permet l’existence d’océans liquides sous la glace ; ce qui les rend potentiellement habitables. » Rien qu’autour de Jupiter, si Europe apparaît comme la candidate la plus prometteuse, avec son océan de 100 kilomètres de profondeur, Callisto pourrait, elle aussi, cacher un océan sous une épaisse couche de glace. Quant à Ganymède, le plus gros satellite du système solaire, on le soupçonne d’être recouvert d’un millefeuille alternant couches glacées et liquides.

Europa, satellite de Jupiter
Cliché d'Europe pris par la sonde Galileo
Europa, satellite de Jupiter
Cliché d'Europe pris par la sonde Galileo

C’est dans ce contexte que l’Agence spatiale européenne (ESA) a validé, en novembre dernier, la mission Juice (Jupiter Icy Moon Explorer), la première grande mission du programme Cosmic Vision 2015-2025. « Juice permettra, entre autres, de déterminer l’habitabilité des satellites de Jupiter : Europa, Ganymède et Callisto, explique Athéna Coustenis. L’orbiteur emportera une dizaine d’instruments, certains développés par des équipes du CNRS, destinés à l’étude de l’atmosphère et de la magnétosphère jovienne ainsi qu’à la caractérisation de ces lunes, de leur exosphère et de leur océan enfoui sous la glace. » Le lancement est prévu en 2022, pour une mise en orbite autour de Ganymède en 2030, juste après avoir survolé Europe à deux reprises.

 

Notes
  • 1. Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (CNRS/UPMC/UVSQ/Cnes).
  • 2. Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (CNRS/Observatoire de Paris/UPMC/Univ. Paris Diderot).

Coulisses

« On a changé de paradigme, affirme Franck Montmessin, la seule recherche d’eau n’est plus la priorité, on s’intéresse désormais à l’environnement géochimique martien actuel et aux indices qu’il fournit sur l’évolution de son habitabilité, voire de son activité biologique. » Ainsi, au cours des cinq prochaines années, pas moins de quatre missions martiennes complémentaires sont programmées qui s’intéresseront à la structure interne, à la chimie du sol et à l’atmosphère de la planète. Deux seront pilotées par la Nasa, Insight en 2016, puis Mars 2020 ; et deux autres seront issues d’une collaboration entre les agences spatiales européenne (ESA) et russe, ExoMars-2016 et ExoMars-2018. Outre la mise en orbite par ExoMars-2016 du satellite TGO (Trace Gas Orbiter) équipé d’instruments de détection des gaz de l’atmosphère, toutes ces missions prévoient un atterrissage sur Mars, qu’il s’agisse d’une station fixe (l’atterrisseur européen Schiapparelli et l’américain Insight en 2016), ou des rovers européen puis américain. Ces explorations doivent conduire à une mission assurant le retour d’échantillons martiens sur terre. Le lancement d’ExoMars-2016 est prévu en janvier 2016, pour une mise en orbite martienne de TGO et un atterrissage de Schiaparelli le 19 octobre 2016 ; une première pour l’Europe depuis l’échec de la sonde Beagle-2 en 2003.