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Améliorer le geste du chirurgien

Améliorer le geste du chirurgien

04.03.2014, par
Simulation d'une laparoscopie avec retour d'effort.
Simulation d’une laparoscopie avec retour d’effort.
Toucher ce qu’il voit et voir ce qu’il touche n’a rien de simple pour un médecin qui opère en chirurgie assistée par ordinateur (CAO). Ajouter la perception tactile à la CAO est aujourd’hui un immense défi pour la recherche.

Opérer un malade à distance à l’aide d’un robot dirigé par un chirurgien ou simuler une opération en réalité virtuelle pour se faire la main sont des prouesses rendues possibles par la chirurgie assistée par ordinateur ou CAO. Celle-ci permet aussi, dans certains cas, d’opérer en ne faisant qu’une toute petite incision dans laquelle on glisse de longs instruments munis de systèmes d’imagerie.

Moins invasive et plus précise que la chirurgie classique, la CAO présente de nombreux avantages. Mais elle implique aussi que les chirurgiens ne perçoivent pas la zone opérée simplement avec les yeux mais plutôt à travers un écran d’ordinateur. Tandis que la sensation de toucher directement les tissus du bout de leur scalpel devient aussi moins évidente. « En n’étant plus en contact direct avec les tissus et les organes opérés, le chirurgien perd des informations très importantes pour la précision de son geste », souligne Vincent Nougier du laboratoire Timc-Imag1, à Grenoble D’où les travaux menés par différentes équipes du CNRS afin d’intégrer le toucher à la CAO et d’améliorer ainsi le geste du chirurgien.

Le rendu haptique – la perception tactile du chaud, du froid, du mou, du dur, etc. – reste un casse-tête pour les chercheurs. Première difficulté : enregistrer ce qu’il se passe quand le chirurgien incise, tâte, perce un organe avec un bistouri ou une aiguille par exemple. De fait, « il faut déterminer comment et où placer les bons capteurs sur les outils et les tissus pour obtenir des données fiables sachant que c’est d’autant plus complexe que l’on travaille avec des objets qui peuvent se déformer », explique Vincent Nougier. Quand il s’agit de simuler des opérations chirurgicales, ce n’est pas plus facile. Dans ce cas, pas besoin de capteurs, mais « la définition des interactions entre l’outil et le tissu se complique, car nous devons modéliser un organe qui est mou par nature et des outils qui sont parfois déformables », relate Christian Duriez, du laboratoire d’informatique fondamentale de Lille2.

Une quantité astronomique de calculs

Une fois ces données obtenues, il faut que le chirurgien les reçoive en temps réel. Ce point est capital, car c’est grâce au toucher qu’il va ajuster son geste. « En chirurgie classique, par exemple quand le médecin pénètre dans une vertèbre, il sent directement les différences de résistance du tissu. Il pourra donc s’arrêter avant d’atteindre la moelle épinière, illustre le chercheur grenoblois. En chirurgie assistée par ordinateur, en toute logique, il doit aussi pouvoir suspendre son geste au bon moment sous peine d’aggraver l’état du malade… » Se posent alors deux problèmes, l’un technique et l’autre humain.

Côté technique, la difficulté réside dans la quantité astronomique de calculs qu’il faut effectuer pour traiter les informations sur le toucher. « Pour le rendu visuel, l’œil perçoit le mouvement en continu avec 24 images par seconde, mais, pour le rendu haptique, la fréquence nécessaire est de 500 à 1 000 forces par seconde. Il faudrait alors plusieurs heures de calcul, ce qui est ingérable pour un rendu en temps réel », explique Christian Duriez. Heureusement, le chercheur a trouvé une parade. Il sépare les calculs de l’action du médecin de ceux de la réaction de l’organe. Ainsi, quand le chirurgien plante une aiguille dans la rétine, l’ordinateur ne rend compte de l’état de l’œil que 30 fois par seconde. Les calculs sont alors suffisamment rapides pour rendre le toucher immédiat.

Chirurgie assistée par ordinateur.
Numérisation de données morphologiques du genou pour une opération assistée par ordinateur.
Chirurgie assistée par ordinateur.
Numérisation de données morphologiques du genou pour une opération assistée par ordinateur.

Reste que le médecin n’est pas un ordinateur. Il faut donc lui « traduire » ces données informatiques, ce qui n’est pas si simple. « Ajouter le toucher à la CAO est indéniablement une aide, mais c’est aussi une information de plus que le cerveau du praticien doit traiter, indique Vincent Nougier. Autrement dit, c’est une contrainte supplémentaire, coûteuse en attention, notamment en situation de stress. Pour en limiter l’impact négatif, il faut donc trouver la façon de transmettre les informations, sous forme de son, signal visuel, vibration ou autre, qui perturbera le moins le médecin. Enfin, maîtriser cette nouvelle sensation tactile est aussi une question d’apprentissage. »

Coordonner le geste et la sensation

Birgitta Dresp-Langley, qui vient de rejoindre le laboratoire ICube de Strasbourg3, va justement lancer une étude qui abordera ces aspects. « Il s’agit d’analyser, en vue de l’améliorer, la coordination entre le geste de la main et la sensation de la matière dans le cadre de la CAO », indique la chercheuse. En d’autres termes, améliorer cette coordination en fonction de ce qui est vu sur écran, puisqu’en CAO les chirurgiens n’observent pas la zone à opérer de manière directe.

Avec Yves Rémond et Dominique Bechmann, également du laboratoire Icube, la chercheuse va dans un premier temps sélectionner un grand nombre d’images géométriques abstraites dont la complexité se rapproche de celle des organes et des tissus. Puis elle proposera ces images à des étudiants en médecine et à des chirurgiens qui travaillent de manière classique ou grâce à la CAO. « En mesurant la précision de leurs gestes, nous souhaitons déterminer quels sont les défauts susceptibles d’être compensés et, par exemple, quel type de signal auditif ou autre pourrait être utilisé pour améliorer les informations sensorielles, informe Birgitta Dresp-Langley. Cette amélioration pourra également passer par des dispositifs d’aide à la formation des médecins. »

Simulation de la chirurgie de la cataracte.
Simulation de la chirurgie de la cataracte.
Simulation de la chirurgie de la cataracte.
Simulation de la chirurgie de la cataracte.

En la matière, l’équipe de Christian Duriez vient d’ailleurs de mettre au point un œil virtuel. Conçu avec la société Insimo au profit de l’ONG HelpMeSee, le simulateur MSICS (Manual Small Incision Cataract Surgery) permet aux médecins de se former à l’opération de la cataracte en seulement quelques mois. « Dans le même esprit, nous préparons actuellement des simulations d’opérations du cerveau et de l’oreille interne, complète le chercheur. Enfin, à terme, nous espérons proposer des malades virtuels sur lesquels les étudiants s’entraîneront et les médecins prépareront leurs futures opérations. »

Notes
  • 1. Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité-Informatique, mathématiques et applications de Grenoble (CNRS/UJF).
  • 2. Unité CNRS/Univ. Lille-I/Inria/Univ. Lille-III.
  • 3. Laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie (CNRS/Univ. de Strasbourg/Engees/Insa).
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Auteur

Françoise Dupuy Maury

 Françoise Dupuy Maury est journaliste indépendante, spécialisée en sciences de la vie et en thérapies innovantes. Elle collabore régulièrement à des magasines et des sites Internet d'associations de malades comme l’AFM-Téléthon.

 

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