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La PMA en questions

La PMA en questions

08.09.2014, par
Bébés-éprouvettes, dons de gamètes, mères porteuses... La procréation médicalement assistée (PMA) fait régulièrement l’objet de débats passionnés. La philosophe Marie Gaille revient sur les grandes interrogations que soulève cette technique et insiste sur l’indispensable apport des sciences humaines et sociales au débat.

En France, la procréation médicalement assistée (PMA) concerne chaque année 2,5 % des naissances seulement, soit environ 20 000 nouveau-nés. Elle reste pourtant un sujet privilégié des médias et de la discussion publique et les travaux de recherche sur le sujet ne faiblissent pas. Juristes, philosophes, sociologues, anthropologues, psychanalystes, mais aussi psychologues cliniciens, médecins, biologistes, se sont emparés de la question. Si la PMA suscite autant d’intérêt, ce n’est pas pour une raison purement « statistique ». Elle obéit en effet à un cadre juridique précis et son financement relève des dépenses globales de santé. Surtout, elle recèle des enjeux majeurs pour l’éthique collective et les valeurs qu’une société s’engage à défendre.

Fécondation in vitro
Une laborantine injecte du sperme dans un ovule. La fécondation in vitro est une des techniques employées en PMA.
Fécondation in vitro
Une laborantine injecte du sperme dans un ovule. La fécondation in vitro est une des techniques employées en PMA.

Les questions que la procréation médicalement assistée pose sont compliquées et polémiques, parfois vertigineuses, et les réponses consensuelles sont rares. Difficile de démêler ce qui relève du choix intime, de la raison d’État (en particulier de la politique démographique) ou encore des valeurs, implicites ou explicites, portées par une majorité ou une partie seulement de la société. La place de la médecine et de ses finalités légitimes est interrogée. Est-elle là pour guérir ? Pour accompagner lorsque guérir n’est plus possible ? Pour mettre au service du désir d’enfant le savoir médical, les technologies et les compétences des médecins lorsqu’aucune pathologie n’est en jeu ? A-t-on raison, comme c’est le cas en droit français, d’associer accès à la PMA et diagnostic d’infertilité ?

De nombreuses questions soulevées

Le sujet de la parenté, de la filiation et de la famille est également crucial. Suis-je la fille de mes parents si un donneur anonyme a pallié l’infertilité de l’homme que j’ai appelé « papa » dès ma naissance ? Est-ce aberrant, voire comme certains l’avancent psychologiquement pathologique, de vouloir connaître l’identité de ce donneur et peut-on le forcer à se faire connaître s’il ne le souhaite pas ? À l’heure actuelle, l’enfant dont les parents ont eu recours à une mère porteuse à l’étranger n’a pas de statut civil. La PMA n’interroge pas seulement la relation de filiation et l’identité civile de l’enfant né : en droit de la famille, toucher à un élément du dispositif conduit à en revoir de nombreux, sinon tous.

En droit de la famille, toucher
à un élément du
dispositif conduit
à en revoir de nombreux, sinon tous.

 La signification de la maternité elle-même est remise en question : suis-je la même mère quand je n’ai pas porté « mon enfant » que j’élève chaque jour, par exemple à cause d’un cancer de l’utérus, si je l’ai porté et que j’en ai accouché grâce au don d’ovocyte d’une autre femme, ou si j’en suis la mère biologique ? La place à donner à tous les acteurs qui ont contribué à la naissance de mon enfant – membres de l’équipe médicale, tiers donneur dans certains cas –, n’est pas non plus anodine.

Et ce n’est qu’une partie des interrogations soulevées. Au plan juridique, dans le cadre défini par la loi française, les femmes seules, les couples homosexuels et les personnes qui ne sont plus en âge de procréer n’ont pas accès à la PMA. L’égalité des citoyen(ne)s en matière d’accès aux soins est en jeu dans la définition des situations (orientation sexuelle, mode de vie en couple ou célibataire) et dans la différence biologique entre les hommes et les femmes du point de vue de leur capacité procréatrice.

Manifestation en faveur du mariage gay et de la PMA pour tous.
Manifestation parisienne en faveur du mariage gay. Aujourd'hui, en France, la PMA n'est pas ouverte aux couples homosexuels.
Manifestation en faveur du mariage gay et de la PMA pour tous.
Manifestation parisienne en faveur du mariage gay. Aujourd'hui, en France, la PMA n'est pas ouverte aux couples homosexuels.

Les sciences humaines et sociales aux avant-postes

Sur toutes ces questions, la recherche en sciences sociales et humaines a un rôle crucial à jouer. La description des options morales, politiques et juridiques, l’examen de leurs fondements et de leur portée ainsi que de la proposition normative à leur égard, permet notamment de débusquer des aspects qui n’apparaissent pas dans le débat alors qu’ils pourraient être présents et le sont parfois dans d’autres sociétés. De ce point de vue, la réflexion conceptuelle et argumentative a toute sa place aux côtés de l’enquête socio-historique.

L’idée que la
société, lorsque le
désir procréatif est
là, doit le soutenir,
n’est quasiment
jamais discutée.

Par exemple, il est notable qu’en France la prise en charge par la collectivité de l’assistance médicale à la procréation ne suscite presque aucun questionnement – alors que les pratiques diffèrent selon les pays européens. Si des voix diverses s’élèvent aujourd’hui pour affirmer qu’une vie peut être heureuse sans être associée à un « projet procréatif », l’idée que la société, lorsque le désir procréatif est là, doit le soutenir autant que faire se peut, n’est quasiment jamais discutée, alors qu’elle ne va pas de soi...

De la même façon, il y aurait lieu de discuter de la manière dont est structurée la discussion. La distinction entre « naturel » et « artificiel », qu’elle soit formulée ou non, continue bien souvent à départager la « vraie » procréation de la « fausse », assistée sous des formes diverses et variées, qui devrait tenter de se grimer autant que possible sous les apparences de la procréation naturelle. Doit-elle être maintenue ou remise en cause ? Enfin, la réflexion juridique peut-elle continuer à s’élaborer à partir de paramètres exclusivement nationaux, alors qu’on observe une internationalisation croissante des pratiques de recours à l’assistance médicale à la procréation, et dans certains cas l’exploitation de désavantages socio-économiques qui induisent des « locations consenties », en particulier du corps féminin, pour mener à bien des projets d’enfant ?

Cette canadienne a fait appel à une mère porteuse en Inde pour donner naissance à son enfant. La GPA (gestation pour autrui) donne lieu à une nouvelle forme de tourisme dans les pays émergents : le tourisme de la fertilité.
Cette canadienne a fait appel à une mère porteuse en Inde pour donner naissance à son enfant. La GPA (gestation pour autrui) donne lieu à une nouvelle forme de tourisme dans les pays émergents : le tourisme de la fertilité.

Plus que jamais, les sciences sociales et humaines doivent continuer à s’emparer de ce sujet hybride, tout à la fois objet de recherche, de débat public et de décision familiale. Il est en effet urgent d’élaborer un véritable savoir, étayé par des enquêtes comparatistes en anthropologie, des terrains sociologiques, de construire un questionnement juridique solide et de mettre en perspective sur le temps long la PMA.

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À lire / À voir

Le Désir d’enfant. Histoire intime, décision politique, Marie Gaille, PUF, coll. « La nature humaine », novembre 2011, 184 p., 14,50 €

La Procréation assistée ? Comprendre vite et mieux, Lise Barnéoud, Belin, coll. « Infographies », août 2013, 80 p., 19 €

Procréation médicalement assistée et anonymat : panorama international, Brigitte Feuillet-Liger, Bruylant, coll. « Droit, bioéthique et société », juin 2009, 318 p., 66 €

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