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Précieuses études de genre
Édito par Catherine Jessus
Même si l’égalité entre femmes et hommes est aujourd’hui un engagement de la République, les chiffres révèlent une réalité toujours accablante. L’origine de ces inégalités, c’est l’existence tenace de stéréotypes qu’il faut s’efforcer d’éradiquer. C’est là que s’inscrivent les sciences du genre, abordées dans ce dossier de CNRS Le journal. Qu’est-ce que le genre ? La construction sociale des individus. Qu’est-ce que le sexe ? Une qualité biologique résumée par un équipement chromosomique et hormonal. Cette notion biologique, apparemment simple, est pourtant revisitée. Jusqu’à il y a peu, le sexe femelle était considéré chez les mammifères comme un sexe par défaut : faute de chromosome Y, les individus seraient spontanément femelles. Mais il a récemment acquis le statut de « vrai » sexe depuis la découverte, en 2008, d’un ensemble de gènes nécessaires à sa constitution. Cette notion n’a hélas pas encore été prise en compte dans les manuels scolaires.
La connaissance biologique du monde vivant est propre à renverser les idées préconçues qui touchent au sexe, trop souvent envisagé sous le prisme restreint de l’espèce humaine. Le vivant offre pourtant une grande diversité ! Variété des déterminismes du sexe (non pas limités à des mécanismes génétiques, mais dépendant de l’environnement). Variété du sexe des individus : passages d’une période mâle à une période femelle, ou l’inverse, au cours de leur vie ; individus hermaphrodites ; individus asexués. Variété des pratiques, hétéro-, homo- ou bisexuelles. Nous gagnerions en tolérance en intégrant cette diversité biologique du sexe.
Les études biologiques ne prennent pas toujours en compte le sexe, ce qui conduit à une certaine ignorance des mécanismes de santé spécifiques d’un sexe ou de l’autre. Mais ces recherches prennent encore moins en compte le genre. Or l’environnement sociétal peut être un facteur déterminant dans le fonctionnement biologique. Il faut rompre avec la vision simplement biologique de l’individu et l’envisager aussi comme une créature sociale en tenant compte des interactions entre le fonctionnement biologique, la psychologie et la sociologie. Il nous faut accepter que la vision androcentrique de la société a pu influencer les approches expérimentales et biaiser les interprétations scientifiques. Cette remise en question repose sur un incontournable « déconditionnement » des hommes et des femmes, appelé en 1981 par Yvette Roudy, alors ministre déléguée aux Droits de la femme. Un appel, hélas, toujours d’actualité trente ans plus tard.