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Un congrès unique en son genre
Alors qu’elles existent depuis une vingtaine d’années en France, les études de genre sont souvent mal connues, voire mal comprises. Que recouvre ce nouveau champ de recherche ?
Pascale Molinier : Les études de genre introduisent l’idée que les différences que l’on observe dans la société entre les sexes – et les sexualités – sont construites socialement. Cette approche est étayée par de nombreux travaux scientifiques en sciences humaines et sociales qui, depuis quarante ans, ont peu à peu constitué un nouveau champ de recherche pluridisciplinaire. En effet, les disciplines pionnières que furent au CNRS l’anthropologie, l’histoire et la sociologie ont été rejointes par la littérature, la psychologie, la linguistique, l’éducation et la philosophie. Depuis quelques années, d’autres disciplines comme la science politique, la géographie, l’économie, le droit, les sports et les arts intègrent également la dimension du genre. L’ensemble de ces travaux constitue une part importante, à la fois riche et inventive, du paysage actuel et international de la recherche et de l’innovation en sciences humaines et sociales, mais aussi des sciences du vivant et de l’ingénierie. Finalement, ce ne sont pas les études de genre qui sont nouvelles, mais la volonté de les coordonner et de les rendre plus visibles : ce premier congrès en témoigne.
Quelle est l’ambition de ce premier congrès consacré aux études de genre dans le monde francophone ?
P. M. : Ce congrès dressera un premier état des lieux, certes incomplet mais quand même très exhaustif, de l’état de la recherche francophone sur le genre. Son organisateur, l’Institut du genre du CNRS, a reçu un nombre impressionnant de propositions ! Nous accueillerons 350 intervenants dans 54 ateliers thématiques qui donneront la parole aux chercheurs majeurs de ce domaine interdisciplinaire, innovant et dynamique. Les rencontres, débats et tables rondes permettront de balayer l’essentiel des thématiques, disciplines, courants de pensée et controverses qui animent ce champ scientifique en pleine effervescence. Les études de genre sont effectivement traversées de courants et de controverses parfois très vives. Le congrès sera aussi l’occasion d’en faire état. Les courants matérialistes de la seconde vague du féminisme ont étudié les questions du travail, de l’économie, de la politique ou de la violence, tandis que les nouveaux courants post-modernes s’intéressent aux représentations dans la culture, la littérature, le cinéma ou encore dans les arts populaires. Plus récemment, on constate une montée en puissance des questions de genre en géographie et études spatiales, sur la place des femmes dans la ville par exemple. Autant d’éléments qui montrent qu’il y a tout sauf UNE théorie du genre (Lire sur ce sujet le billet de Sandra Laugier : « Le genre, c’est de la science »).
les études de genre
qui sont nouvelles,
mais la volonté
de les coordonner
et de les rendre
plus visibles.
Pourquoi est-il si important que les études de genre accèdent à une légitimité institutionnelle ?
P. M. : Cette légitimité a longtemps été refusée par une communauté académique française particulièrement conservatrice. L’important est que les questions de genre aient un impact sur la constitution et la structuration des savoirs, mais aussi sur l’émergence de parcours de formation et de carrière cohérents pour les futurs chercheurs. Le CNRS soutient depuis 2010 le développement des études de genre par la création de l’Institut du genre en 2012, le soutien à des programmes interdisciplinaires sur le genre (Défi Genre de la Mission interdisciplinarité) et l’attention croissante et systématique aux discriminations de sexe dans les recrutements, les carrières, les soutiens aux projets, etc.
Les études de genre sont une priorité scientifique du CNRS et ce premier congrès est aussi l’occasion de l’afficher. Mieux reconnues et intégrées, ces études seront également plus audibles socialement et donc susceptibles de favoriser des évolutions concrètes. Le débat public sur le sujet est sensible. Les chercheurs ont un rôle essentiel à jouer pour que des sujets très médiatisés – autour des « ABCD de l’égalité » par exemple – n’occultent pas les tendances lourdes liées aux discriminations subies par les femmes dans le travail ou à la maison. C’est pourquoi, au-delà de cette reconnaissance institutionnelle, les études de genre doivent maintenir un ferment critique.
Vous annoncez dans le programme du congrès qu’une place sera accordée aux « tournants épistémologiques récents ». De quoi s’agit-il ?
P. M. : Il me semble que la théorie Queer constitue un tournant majeur. Née au début des années 1990, elle a littéralement fait voler en éclats la binarité du sexe, si prégnante dans les sociétés occidentales. Le genre social, l’orientation sexuelle et le sexe lui-même échappent ici à toute idée de norme ou de déterminisme. Ce qui a un impact majeur sur les identités, le mariage, les formes de parentalité ou encore les genres trans ou intersexes.
Approche qui permettrait que l’on cesse d’envisager systématiquement l’opération des bébés dont le sexe ne correspond pas aux normes habituelles qui veulent que l’on soit forcément « un garçon ou une fille ». Parmi les avancées actuelles, on peut également mentionner la question de l’intersectionnalité, qui consiste à aller un cran plus loin en pensant les points de passage entre le genre, la classe sociale et la race. En effet, quand on dit « une femme » ou « un homme », on n’a encore rien dit… Enfin, la prise en compte de la donnée genre dans des domaines scientifiques comme la biologie ou l’ingénierie est une autre révolution qui sera abordée durant le congrès.
Coulisses
L’Institut du genre est un groupement d’intérêt scientifique créé à l’initiative de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS. Hébergé par la Maison des sciences de l’homme Paris Nord, il réunit 30 partenaires (universités, organismes de recherche, Ined, Cnam, etc.) et s’appuie sur les laboratoires explicitement engagées dans la recherche sur le genre.
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Auteur
Claire Debôves est rédactrice institutionnelle multi-supports au sein de la Direction de la communication du CNRS.
Commentaires
Il n'y a pas d'espèce. Suis
berlherm le 8 Septembre 2014 à 08h55Connectez-vous, rejoignez la communauté
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