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La Terre, un modèle unique dans l'Univers ?

La Terre, un modèle unique dans l'Univers ?

24.09.2020, par
"Lever de Terre" vu depuis la Lune, le 24 décembre 1968, durant la mission Apollo 8.
Dans le documentaire « Et si la Terre était unique ? » diffusé ce soir sur France 5, des scientifiques explorent l’incroyable suite de hasards et de catastrophes qui a conduit la Terre à devenir le berceau de la vie. Retour sur ce voyage au cœur de notre Système solaire avec François Forget, conseiller scientifique du film et planétologue.

Le documentaire explique comment notre planète a pu réunir toutes les conditions nécessaires à l’émergence, au développement et au maintien de la vie depuis près de 3,8 milliards d’années. L’une des premières conditions est d’être située dans la zone habitable de son étoile, une zone ni trop chaude ni trop froide pour maintenir de l’eau à l’état liquide. Mais dans le film, on apprend que la Terre a failli être balayée par Jupiter…
François Forget1 Pour comprendre ce qui rend notre planète unique, il faut reconstruire son histoire. Jupiter est une planète géante gazeuse, la plus massive de notre Système solaire. Mais en observant d’autres systèmes, on s’est rendu compte qu’elle n’était pas à une place habituelle : on trouve généralement les planètes géantes proches de leur étoile. En fait, Jupiter aurait dû prendre la place de la Terre. Que s’est-il passé ? Dans les jeunes années de notre Système solaire, Jupiter, déjà massive, agrège toute la matière sur son passage. Alors qu’elle entamait sa migration vers le Soleil, il semble que Saturne, par un complexe jeu gravitationnel, l’ait détournée de son trajet. Sauvant la Terre en formation au passage…

Les conditions propices à la vie sur Terre semblent s’être déterminées dès sa naissance, notamment grâce à la présence d’eau liquide.
F. F.
La migration contrariée de Jupiter a justement permis que des corps célestes, en provenance des zones périphériques et froides du Système solaire, transportent de l’eau jusque sur Terre il y a plus de 4 milliards d’années, formant ainsi les premiers océans qui seront juste assez épais pour recouvrir toutes les latitudes, tout en permettant l’émergence de continents.

Panache de fumée s'élevant du cratère du volcan Paricutín au Mexique.
Panache de fumée s'élevant du cratère du volcan Paricutín au Mexique.

Le volcanisme a ensuite contribué au maintien de l’eau liquide sur notre planète en recrachant l’eau piégée dans les entrailles de la Terre par les fumées des volcans qui contiennent 95 % de vapeur d’eau. Mais il y a 4 milliards d’années, le jeune Soleil est 25 % moins puissant. Pour garder toute cette eau à l’état liquide, les volcans vont là encore jouer un rôle décisif. Dans leurs panaches, ils recrachent également du CO2 qui, s’accumulant dans l’atmosphère, va contribuer au processus d’effet de serre et même l’ajuster.

À plusieurs reprises, le climat de la Terre aurait pu s’emballer, anéantissant ainsi les prémisses de la vie. Comment expliquer qu’elle ait retrouvé, à chaque fois, un équilibre ?
F. F.
La Terre est la seule dans le Système solaire qui soit soumise à la tectonique des plaques. La croûte terrestre est fragmentée. Cette dynamique entraîne un ballet du manteau permettant le recyclage des roches calcaires, formées par l’accumulation du CO2 dans les fonds marins. Lorsque les plaques bougent, la roche est chauffée à haute température et le CO2 s’échappe par la cheminée des volcans, en surface. Comme le piégeage du CO2 dans les roches calcaires dépend de l’intensité des pluies, ce mécanisme semble capable de réguler la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère afin d’assurer un effet de serre suffisamment stable pour maintenir l’eau à l’état liquide : c'est un véritable thermostat géophysique.

Le couple Terre-Lune est unique dans l’Univers. Notre satellite naturel a permis des effets de marées océaniques et la stabilisation de l’axe de rotation de la Terre. Et in fine, une stabilisation du climat.

La Lune a pu, elle aussi, jouer un rôle dans le destin de la Terre : 100 millions d’années après la formation du Système solaire, une protoplanète de la taille de Mars est entrée en collision avec la jeune Terre. L’impact est de l’ordre de centaines de milliards de bombes H. Une portion de l’impacteur et du manteau terrestre a été éjectée en orbite autour de la Terre donnant naissance à la Lune, responsable d’une chaîne d’événements peut-être favorable à la vie. Le couple Terre-Lune est unique dans l’Univers. Notre satellite naturel a permis des effets de marées océaniques et la stabilisation de l’axe de rotation de la Terre. Et in fine, une stabilisation du climat.

 

Une atmosphère, de l’eau liquide, un climat stable. Une fois cet environnement propice à la vie en place, comment a-t-elle pu démarrer ?
F. F. Cela reste l’une des plus grandes énigmes scientifiques. Comment passe-t-on du chimique au biologique ? Quel est le chaînon manquant ? Le documentaire revient sur la mission Rosetta, cette sonde européenne qui, en 2014, s’est posée sur la comète Tchouri. Les astronomes suspectent les comètes d’avoir apporté sur notre planète les composés chimiques carbonés précurseurs du vivant. Mais même si l’on sait que la vie s’est développée à partir d’une vingtaine d’acides aminés, il ne suffit pas d’avoir tous les ingrédients pour trouver la recette. Peut-être que nous en apprendrons plus sur ce sujet en explorant les niches d’eau liquide dans le Système solaire dans les années à venir.

Vue de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenkoa, surnommée Tchouri, par la sonde spatiale européenne Rosetta, en février 2015.
Vue de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenkoa, surnommée Tchouri, par la sonde spatiale européenne Rosetta, en février 2015.

À ce sujet, Vénus est au cœur de l’actualité : le 14 septembre dernier, une équipe de l'université de Cardiff, au Pays de Galles, a annoncé la découverte de phosphine dans les nuages de Vénus. Qu’est-ce que cela signifie pour la recherche de vie extraterrestre ?
F. F. Qu’il puisse y avoir de la vie dans les gouttelettes des nuages de Vénus, ça n’est pas une idée nouvelle. Dans cette publication, les chercheurs affirment y avoir détecté de la phosphine, un possible sous-produit de biologie anaérobie (sans présence d’oxygène). En fait, il ne s’agit que d’une seule bande d'absorption de la phosphine quand il faudrait tout un « code-barres ». Il est possible que la vie, des extrêmophiles par exemple, se soit réfugiée dans l’atmosphère acide de Vénus. Mais cette annonce reste très spéculative : c’est une hypothèse que l’on doit encore confirmer ou infirmer, ce n’est pas une biosignature2. Je ne peux que citer l’astrophysicien américain Carl Sagan : « Des affirmations exceptionnelles nécessitent des preuves exceptionnelles ».

Un espoir pour Mars ?
F. F. Il y a plus de trois milliards d’années, la planète rouge était couverte de lacs et de rivières d’eau liquide. Suite à la série d’échecs des programmes Viking, dans les années 1970, il y a eu un changement d’approche : jusque-là, on cherchait les marques d’une vie actuelle, semblable à celle sur Terre. Désormais, on se concentre sur les traces de vie passée.
 

 Il y a des milliards de milliards de planètes dans l’Univers. Mais il est probable que cela ne soit pas suffisant pour qu’un seul cas puisse revenir à l’identique. 

Depuis plus de huit ans, le robot géologue Curiosity tente de déterminer si des conditions propices à la vie ont pu exister en analysant des sédiments lacustres déposés il y a plus de trois milliards d’années. En orbite, plusieurs satellites cartographient en détail la géologie et la minéralogie des anciens lacs et rivières. Autre rover de la Nasa, Perseverance, lancé fin juillet. Il est actuellement en route pour Mars – arrivée prévue le 18 février 2021 – afin de sélectionner des échantillons de sédiments qui seront rapportés sur Terre d’ici une douzaine d’années. 

Enfin, dans le cadre du programme Exomars, le rover Rosalind Franklin de l’Agence spatiale européenne doit être lancé en 2022. Il permettra d’explorer le sous-sol martien : en forant à près de deux mètres, on peut espérer mettre à jour des molécules qui ont pu être préservées des radiations et de la chimie de l’atmosphère très oxydante.

Le documentaire se focalise essentiellement sur notre Système solaire ; qu’en est-il de la recherche extrasolaire de « jumelles » de la Terre ?
F. F. Depuis vingt-cinq ans, on a découvert plus de quatre mille exoplanètes ; on a pu montrer, statistiquement, qu’il y aurait beaucoup de planètes de la taille de la Terre dans notre voisinage. Il existe aussi des exosystèmes prometteurs, tels Trappist-1 ou Proxima b. Les observatoires géants actuellement en construction et le télescope spatial JWST (James Webb) qui doit succéder à Hubble permettront d’aller encore plus loin dans l’exploration de l’atmosphère des planètes extrasolaires. Il est possible que seule la Terre, par une combinaison de hasards et de contraintes environnementales, remplisse toutes les conditions nécessaires pour la vie telle qu’on la connaît, quoiqu’il puisse y avoir ailleurs. Il y a des milliards de milliards de planètes dans l’Univers. Mais il est probable que cela ne soit pas suffisant pour qu’un seul cas puisse revenir à l’identique. Peut-être que la Terre est unique, peut-être que la vie a pu démarrer ailleurs, sous d’autres conditions, sous d’autres formes. Dans tous les cas, nous menons l’enquête. ♦

À voir
« Et si la Terre était unique ? », documentaire de 86 minutes réalisé par Laurent Lichtenstein, diffusé sur France 5 le 24 septembre 2020 dans le cadre de l'émission Science grand format animée par Mathieu Vidard. (Disponible en replay jusqu'au 1er octobre.) 

À lire sur notre site
Jupiter lève le voile
Qu’est-ce qui fait danser les continents ?​
Cheops, le profileur d’exoplanètes​
Un jour avec l’équipe de Curiosity
Bientôt un nouveau rover sur Mars
Rosetta, la fin d'une odyssée

 

Notes
  • 1. Laboratoire de météorologie dynamique (Unité CNRS/ENS Paris/Ecole polytechnique/Sorbonne Université).
  • 2. La sonde BepiColombo, actuellement en transit vers Mercure, pourrait tenter de détecter la phosphine dans les nuages de Vénus lors de deux survols, le premier le 15 octobre 2020 et un second le 10 août 2021.

Commentaires

7 commentaires

Documentaire très intéressant. Très rationnel et basé sur des observations, calculs récents. Toutefois l'introduction du hasard "puissance x" pour expliquer la chaine d'événements qui a abouti à cette incroyable réalisation qu'est l'homme ne me semble ni scientifique ni rationnel et risque d'induire le spectateur en erreur en présentant une histoire dans laquelle les faits prouvés sont associés à des préjugés ou affirmations gratuites en posant comme dogme le hasard pour expliquer une rupture. Il aurait mieux valu avouer une ignorance sur la cause de ces cataclysmes bénéfiques, du passage de la non-vie à la vie ou de l'apparition de l'intelligence. Par exemple comment la terre peut-elle produire à l'instant t, de la vie par exemple, ce qu'elle ne possédait pas à l'instant t-1? Le hasard n'est pas une explication mais une non-explication? En affirmant le hasard on exclut d'office toute intention ou intelligence; n'est ce pas une position dogmatique et peu scientifique?

Bonjour. Les avis sur la possibilité de vie sur d'autres planètes que la terre se limitent souvent au système solaire et ses environs. Mais les planètes habitées sont très probablement beaucoup plus loin : SOMMES NOUS SUR LA SEULE PLANETE HABITEE DE L'UNIVERS : NON Notre galaxie, la Voie Lactée, a un diamètre d'environ 100 000 années lumière, et contient plus de 100 milliards d'étoiles comme notre soleil (à des tailles et températures différentes). La plupart des étoiles, comme notre soleil, ont des planètes satellites qui sont donc au nombre de plusieurs centaines de milliards, de tailles et de natures très diverses. Il est donc plus que probable qu'un petit pourcentage de ces innombrables planètes soit habité de formes de vies, qui peuvent être très différentes de celles de la Terre. Ne serait-ce qu'un milliardième (0,0000001 %) des planètes représenterait déjà des centaines de "Terres" habitées, dans notre galaxie. L'univers est vieux de presque 14 milliards d'années, et notre terre de 4,5 milliards d'années, avec une apparition des premières formes de vie de micro-organismes il y a 4 milliards d'années. D'autres formes de vie sur d'autres planètes dans l'univers peuvent donc être beaucoup plus anciennes que celle de notre terre, et peuvent donc avoir atteint un stade d'évolution bien supérieur à celui des humains. AVONS NOUS UNE CHANCE (OU MALCHANCE...) DE RENCONTRER UN JOUR CES ESPECES VIVANT SUR D'AUTRES PLANETES : NON La lumière se déplace à 300 000 km/s, soit presque la distance Terre / Lune. Les distances intergalactiques mesurées en années lumière nous permettent d'estimer les durées de voyages, pour relier la Terre à des planètes aussi éloignées. Les fusées les plus rapides ont atteint des vitesses de l'ordre de 300 000 km/h. Même si on peut imaginer que des espèces plus évoluées que nous aient inventé des vaisseaux spaciaux bien plus rapides, rien ne peut se déplacer plus vite que la lumière(que je sache). Pour traverser ne serait-ce que notre petite Voie Lactée, le voyage durerait donc beaucoup plus que 100 000 ans. Même en imaginant qu'une planète habitée existe dans la même zone de notre galaxie que la Terre, les distances minimales restent de l'ordre de centaines d'années lumière. Pour y aller, ou en venir, pas simple pour gérer le carburant, même nucléaire, la nourriture, et la vie à bord pendant des centaines ou des milliers de générations ... ET LES AUTRES GALAXIES ? La galaxie la plus proche de la nôtre , Andromède, est à 2,5 millions d'années lumière. Donc, à plus forte raison, les voyages durant des millions d'années sont impossibles. Mais l'univers contient des milliards de galaxies comme la Voie Lactée et Andromède, et donc des centaines de milliards de milliards de planètes qui tournent autour de leurs étoiles. Le nombre de planètes habitées est donc très certainement de l'ordre de plusieurs milliards. Mais, à de telles distances, nous n'aurons jamais de confirmations précises et concrètes de ces certitudes, à part les calculs de probabilité des mathématiciens.

Nathalie A. Cabrol me semble beaucoup plus favorable à une tendance «  naturelle «  et universelle au développement de la vie dans toute sa complexité et jusqu’à l’intelligence… j’avoue ne pas comprendre ces extrêmes !!
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