Donner du sens à la science

Covid-19 : vacciné, peut-on s’infecter et transmettre le virus ?

Covid-19 : vacciné, peut-on s’infecter et transmettre le virus ?

Des études sur des populations largement vaccinées, en Israël et au Royaume-Uni, confirment « in vivo » la protection promise par différents vaccins. Le risque que les personnes vaccinées transmettent le virus serait aussi potentiellement réduit. Explications avec trois experts de l’Institut Necker Enfants Malades.

Une fois par mois, retrouvez sur notre site les Inédits du CNRS, des analyses scientifiques originales publiées en partenariat avec Libération.

Israël et le Royaume-Uni, qui ont débuté rapidement une campagne de vaccination, disposent d’une couverture importante de leur population1 qui a permis la collecte de grande ampleur de premières données en janvier et février, alors que le variant dit « anglais » était déjà largement présent dans ces pays. Après les études des laboratoires sur leurs vaccins, menées sur des cohortes de taille habituelle pour qu’un tel médicament soit autorisé (20 000 à 30 000 personnes pour Pfizer-BioNTech et AstraZeneca/Oxford), nous disposons donc à présent de résultats sur des centaines de milliers de personnes. La situation exceptionnelle de ces deux pays, forts de structures de soin et de recherche clinique de qualité, permet ainsi une évaluation fine de la performance des vaccins dans la « vraie vie » dans un contexte de circulation active du virus.

Une étude sur les données de près de 600 000 personnes ayant reçu le vaccin Pfizer-BioNTech2, versus un groupe contrôle d’autant de personnes non vaccinées, a ainsi été menée en Israël et confirme une grande efficacité de ce vaccin. Elle consiste à compter combien de ces personnes ont ensuite été dépistées positives, combien ont également eu des symptômes de la maladie, combien ont dû être hospitalisées, ont développé des formes graves et sont décédées. Le groupe des vaccinés et le groupe contrôle présentent la même répartition homogène pour tenir compte d’éventuelles variations selon l’âge, le sexe, la zone de résidence géographique et des facteurs de comorbidité comme le diabète, le cancer, l’obésité, etc.
 

(...) une semaine après avoir reçu sa deuxième dose de vaccin, une personne a dix fois moins de risque d’être infectée sans le savoir et de potentiellement transmettre le virus.

Selon ses résultats, trois à quatre semaines après la première dose, la fréquence des infections asymptomatiques (personnes positives au test mais n’ayant aucun symptôme de la maladie) est réduite de 52 % par rapport à la population contrôle, et ce sans variation notable en fonction de l’âge, du sexe, des comorbidités, etc.

Cette réduction du nombre d’infections grimpe à 90 % dès sept jours après la seconde dose. Cela signifie, dans le cadre de cette étude, qu’une semaine après avoir reçu sa deuxième dose de vaccin, une personne a dix fois moins de risque d’être infectée sans le savoir et de potentiellement transmettre le virus.

Pour assister à un concert à Tel Aviv, le 26 mars dernier, les spectateurs montrent leur « vignette verte », un QR code attestant leur vaccination ou leur guérison du Covid-19 ou encore un test PCR négatif. En Israël, plus de 61 % de la population a déjà reçu au moins une dose de vaccin.
Pour assister à un concert à Tel Aviv, le 26 mars dernier, les spectateurs montrent leur « vignette verte », un QR code attestant leur vaccination ou leur guérison du Covid-19 ou encore un test PCR négatif. En Israël, plus de 61 % de la population a déjà reçu au moins une dose de vaccin.

Selon cette même étude, deux à trois semaines après la première dose de vaccin Pfizer-BioNTech, la protection contre une infection symptomatique (maladie avec symptômes) est de 57 %. Cette protection atteint 74 % si on se focalise sur le risque d’hospitalisation. Une semaine après la deuxième injection, la protection atteint l’excellent taux de 92 %, qu’il s’agisse d’avoir des symptômes ou d’être hospitalisé. Le résultat majeur de l’étude est la démonstration d’une réduction drastique de la mortalité : elle est réduite de 72 % deux à trois semaines après la première dose, et, une semaine après la deuxième dose, aucun décès n'a été répertorié.
 

Le résultat majeur de l’étude est la démonstration d’une réduction drastique de la mortalité.

Considérons maintenant la faible proportion de personnes dûment vaccinées qui ont quand même été infectées et ont présenté des symptômes de la maladie, même si celle-ci n’était plus mortelle pour eux. Sont-elles aussi contagieuses que les autres malades ?

Une étude menée en Israël sur environ 5000 patients3 de tous âges souffrant du Covid-19 apporte un début de réponse. Elle s’est intéressée à la quantité de virus nasopharyngée (présent dans le nez jusqu’à la paroi arrière du pharynx). Celle-ci est directement liée à la charge virale du patient et constitue un indicateur fort du potentiel de contagiosité d’une personne.
 
D’après les mesures, la quantité d'ARN viral nasopharyngé détectée par le test RT-PCR était 3 à 4,5 fois plus faible chez les patients ayant reçu une dose de Pfizer-BioNTech depuis au moins douze jours que chez les non-vaccinés. Cela suggère que le portage nasopharyngé diminue fortement à mesure que la réponse immune induite par le vaccin se développe.
 

La quantité d'ARN viral nasopharyngé détectée par le test RT-PCR était 3 à 4,5 fois plus faible chez les patients vaccinés avec le Pfizer depuis douze jours (...).

On peut raisonnablement estimer qu'avoir moins de virus c'est être moins infectieux, ce qui est encourageant sur une potentielle moindre contagiosité des personnes vaccinées. Mais à l’heure actuelle, personne ne connaît la quantité de virus minimale nécessaire à la transmission de la maladie, d’autant que cette quantité peut évoluer en fonction d'autres variants du virus….

Une autre étude, menée sur la population anglaise4, permet d’évaluer les protections de deux vaccins différents sur les seniors pour lesquels se pose la question d'une moindre efficacité due à une réponse immunitaire qui diminuerait avec l'âge. Résultats : sur 62 000 personnes de plus de 80 ans ayant reçu le Pfizer-BioNTech, l'efficacité est de 60 à 70 % après la première dose et de 89 % deux semaines après la seconde, soit des valeurs très similaires à celles obtenues sur des personnes plus jeunes.
  
De plus, parmi les personnes qui contractent quand même la maladie, le taux d'hospitalisation et la mortalité sont fortement réduits (respectivement de 44 % et 51 %). Et sur 75 000 individus de plus de 70 ans ayant reçu le AstraZeneca/Oxford, dont la seconde dose n’a pas encore été déployée en Angleterre, l'efficacité est de 60 % vingt-huit jours après la première dose et de 73 % à trente-cinq jours (en France, La Haute autorité de santé a suspendu l’utilisation de ce vaccin pour les moins de 55 ans dès le 19 mars dernier en raison de rares cas de thromboses repérés en Europe, Ndlr).

Les terrasses des pubs et restaurants de Soho, à Londres, lundi dernier, dès la réouverture au Royaume-Uni. Plus de 47 % des habitants du pays ont déjà reçu au moins une dose de vaccin.
Les terrasses des pubs et restaurants de Soho, à Londres, lundi dernier, dès la réouverture au Royaume-Uni. Plus de 47 % des habitants du pays ont déjà reçu au moins une dose de vaccin.

Dans tous ces travaux, nous notons aussi l’importance d’un laps de temps nécessaire après une injection avant d’acquérir un début de protection, et l’importance de la deuxième dose pour atteindre la totalité de la protection annoncée. Rien d’étonnant donc que des personnes aient pu contracter le virus et tomber malades juste après leur première injection. Notons enfin que les laps de temps entre les doses varient selon les produits : trois à quatre semaines pour les vaccins à ARN messager Pfizer-BioNTech et Moderna, et deux à trois mois pour le vaccin à vecteur adénoviral AstraZeneca/Oxford.

Les premières données sur le vaccin Moderna (...), montrent, avec six mois de recul, une bonne persistance des anticorps induits.

Quant à la durée de l’immunité conférée, les premières données sur le vaccin Moderna à ARN messager, dont les caractéristiques sont très proches de celles du Pfizer-BioNTech, montrent, avec six mois de recul, une bonne persistance des anticorps induits par la vaccination5.

Mais de nombreuses questions restent ouvertes sur les différents schémas et calendriers vaccinaux, et en particulier le rythme des rappels, notamment face à l'émergence de nouveaux variants qui pourraient échapper au système immunitaire.
 
Quoi qu’il en soit, ces données encourageantes doivent nous inciter à une vaccination massive pour réduire la mortalité et les cas graves qui saturent le système de santé, réduire la circulation virale et peut-être le portage nasopharyngé. L’adhésion de la population et le succès épidémiologique des campagnes vaccinales de certains pays doivent nous inspirer. ♦

Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur(s) auteur(s). Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.

À lire sur notre site
Covid-19 : ces variants qui ont changé la donne

À écouter  sur notre site
Comment le variant anglais s'est-il imposé ? (podcast)

Notes
  • 1. Au 13 avril 2021, plus de 61 % des Israéliens et 47 % des Britanniques ont reçu au moins une dose selon https://covidtracker.fr/vaccintracker/
  • 2. Dagan N. et al. (2021), “BNT162b2 mRNA Covid-19 Vaccine in a Nationwide Mass Vaccination Setting”, The New England Journal of Medicine.
  • 3. Levine-Tiefenbrun M. et al. (2021), “Initial report of decreased SARS-CoV-2 viral load after inoculation with the BNT162b2 vaccine”, Nature Medicine.
  • 4. Lopez Bernal J. et al. (2021), “Early effectiveness of COVID-19 vaccination with BNT 162b2 mRNA vaccine and ChAdOx1 adenovirus vector vaccine on symptomatic disease, hospitalisations and mortality in older aldults in England”, medRxiv.
  • 5. Widge A.T. et al. (2021), “Durability of Responses after SARS-CoV-2 mRNA-1273 Vaccination”, The New England Journal of Medicine.