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Un voyage sonore par le corps

Un voyage sonore par le corps

23.11.2017, par
Le boîtier LoSonnante, installé sur le belvédère Vauban à Grenoble, en octobre 2017. Ce dispositif propose, par simple contact des coudes avec le boîtier, de lier l’observation des montagnes aux récits sonores de la vallée.
C’est une expérience sensorielle originale qui permet de transmettre de la musique et des récits sonores le long de nos os. Le dispositif LoSonnante, dédié au patrimoine et à la culture, est finaliste d’un prix de l’innovation organisé par le Salon des maires et des collectivités locales, qui se tenait du 21 au 23 novembre à Paris.

Et si, plutôt que d’ouvrir grand les oreilles, on posait simplement les coudes sur la table ? Un savoir enraciné dans un terroir remonte alors jusqu’à nous, des voix s’élèvent sans pourtant troubler le silence. Initialement mis au point par des étudiants du master Innovation et territoire (Iter)1, en partenariat avec le Labex Item2 et le laboratoire Pacte3, LoSonnante4 transmet tous types de documents sonores par conduction osseuse.
 

LoSonnante offre une autre approche de l’écoute, plus intimiste et personnelle.

Ici, nul besoin d’enceintes pour propager des sons dans l’air jusqu’à ce qu’ils atteignent nos tympans. Des composants convertissent un signal électrique en vibrations pour le faire atterrir sur le support d’écoute. Avec cette technique, les ondes sont orientées par les os de l’auditeur jusqu’à son oreille interne. Il n’y a qu’à poser ses coudes sur la boîte LoSonnante, puis joindre ses mains sur les oreilles : on entend alors tout ce que diffuse cette surprenante boîte.

« La technologie était déjà connue, certaines prothèses auditives fonctionnent de la même manière, précise Sébastien de Pertat, chercheur associé au laboratoire Pacte. La nouveauté réside dans notre démarche de valorisation du territoire. »

Un dispositif testé en Isère

Le dispositif LoSonnante a en effet été mis au point en 2015 lors d’animations et d’ateliers pilotés par le master Iter et centrés sur le lac de Paladru, en Isère. Les visiteurs étaient invités à découvrir les histoires et les légendes associées à ce lac, ainsi que des témoignages d’habitants, de touristes et de passants. « LoSonnante offre une autre approche de l’écoute, plus intimiste et personnelle », s’enthousiasme Sébastien de Pertat.

Premier dispositif LoSonnante, au lac de Paladru (Isère), lors des Journées du patrimoine, en septembre 2015. Il permettait de faire entendre les légendes du lac, mais aussi de donner la parole aux habitants.
Premier dispositif LoSonnante, au lac de Paladru (Isère), lors des Journées du patrimoine, en septembre 2015. Il permettait de faire entendre les légendes du lac, mais aussi de donner la parole aux habitants.

L’utilisateur doit en effet s’asseoir et se mettre dans une posture presque méditative pour entendre les histoires de Paladru. Toute son attention est captée alors que les sons remontent directement au travers de son corps. « L’auditeur a besoin de trouver sa meilleure position d’écoute, détaille le chercheur associé, tout n’est pas donné comme avec un casque et chacun perçoit quelque chose de différent. »

Le système reste discret, avec un caisson de seulement 82 x 55 centimètres, et aucun son n’est audible de l’extérieur. Son utilisation ne gênerait donc pas les autres visiteurs, et laisse chacun explorer les lieux de la manière qu’il le souhaite.

Fort de son expérience de porteur du projet des Stations d’écoute solidienne5, l’architecte et plasticien Thomas Bonnenfant a rejoint le projet en février 2017. LoSonnante a alors été repensée pour une adaptation au belvédère Vauban à Grenoble.
 

Station d’écoutes solidiennes, au musée de Grenoble en 2013. Ce dispositif d’écoute par conduction osseuse s’inscrit dans une démarche d’œuvres pour tous. Le public écoute ici, par contact avec le menton, le récit d’un médiateur à propos d’une œuvre artistique. La base de forme sphérique, dite culbuto, s’adapte à la hauteur du visiteur.
Station d’écoutes solidiennes, au musée de Grenoble en 2013. Ce dispositif d’écoute par conduction osseuse s’inscrit dans une démarche d’œuvres pour tous. Le public écoute ici, par contact avec le menton, le récit d’un médiateur à propos d’une œuvre artistique. La base de forme sphérique, dite culbuto, s’adapte à la hauteur du visiteur.

Découvrir la ville autrement

Ce point de vue situé dans le quartier montagneux de la Bastille surplombe l’agglomération de Grenoble et offre un panorama imprenable. Pour ce projet, le binôme a récolté des paroles d’habitants au sujet de leur quotidien et sur l’histoire du quartier, tout en retravaillant intégralement le design et les matériaux composant le dispositif. « On propose un rapport plus sensible pour partager ce vécu et découvrir la ville d’une autre manière », poursuit Sébastien de Pertat.
 

On propose un rapport plus sensible pour  découvrir la ville d’une autre manière.

Preuve de l’intérêt que suscite le prototype, il est finaliste du prix de l’innovation du salon des maires et des collectivités locales, dans la catégorie « aménagement urbain ». LoSonnante y est présentée par le CVT Athéna6, chargé de valoriser les innovations dans le domaine des sciences humaines, et l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS. L’événement était l’occasion idéale de faire découvrir cet outil original de valorisation du patrimoine.

 « En l’état actuel, LoSonnante n’est cependant pas conçue pour une installation pérenne en extérieur, tempère Sébastien de Pertat, mais nous comptons justement y parvenir ! » La boîte pourrait être implantée sur tout type de site touristique ou culturel. « On peut imaginer des rotations régulières ou des contenus spéciaux pour des évènements particuliers, » détaille le chercheur.

Un des modèles d’inspiration de LoSonnante est le dispositif ListenTree, mis au point par des doctorants du MIT7. Ce système se loge dans les racines de n’importe quel arbre. Autonome et résistant aux intempéries, il permet d’écouter toutes sortes de documents audio au travers du tronc, même sans avoir à y coller l’oreille. Du bois à l’os, les nouvelles voies de l’audition offrent une approche fascinante du son.

 
Notes
  • 1. Institut de géographie alpine (Grenoble).
  • 2. Innovation et territoire de montagne.
  • 3. Innovation et territoire de montagne.
  • 4. Jeu de mots avec les noms os et son.
  • 5. Projet en collaboration avec l’Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/musique), l’Institut Jean le Rond d’Alembert (CNRS/UPMC) et le Laum (Laboratoire d’acoustique de l’université du Maine, CNRS/Le Man Université).
  • 6. Consortium de valorisation thématique, chapeauté par le CNRS, la Conférence des grandes écoles, la Conférence des présidents d’universités et l’Institut national des études démographiques.
  • 7. Massachussetts Institute of Technology, à Cambridge aux États-Unis.
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

Commentaires

2 commentaires

L'innovation est sans doute liée à l'approche territoriale du dispositif. Quand au dispositif lui même... 1978, une œuvre phare des arts c-sonores par Laurie Anderson. http://lapanacee.org/fr/oeuvre/handphone-table
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du journal CNRS