Donner du sens à la science

La nouvelle chimie des plasmas

Dossier
Paru le 10.12.2020
Ces recherches qui ont (aussi) marqué 2020
Transcript
Fermer

CNRS_La chimie des plasmas

 

Que reste-t-il à découvrir au sujet de la  matière et de ses transformations ? Une “nouvelle chimie” émerge aujourd’hui. Elle permet de réaliser des réactions particulièrement complexes et pourrait à terme faire rimer production industrielle et développement durable. 

 

Direction l’Institut Pierre-Gilles de Gennes à Paris. L’équipe de chimistes du professeur Michael Tatoulian travaille ici sur une discipline jeune qui a émergé dans les années 2000 : la microfluidique. Des recherches qui se concentrent sur la manipulation de fluides à l’échelle micrométrique.

 

ICI les chercheurs mettent au point des puces où sont gravés des réseaux de canaux extrêmement petits dans lesquels ils font circuler des fluides. Ces puces sont en fait de véritables laboratoires miniaturisés dans lesquels se produisent des échanges entre des gaz et des liquides afin de produire ou de séparer de nouvelles molécules. Ils permettent aux chimistes de réaliser de nombreuses  expériences avant d’envisager un développement à plus grande échelle.

 

ITV Michael Tatoulian / Chimiste

L’intérêt de travailler avec des microsystèmes c’est qu’on va intensifier l’ensemble des échanges. Lorsqu’on mène des réactions chimiques, souvent ce sont des réactions exothermiques qui peuvent être dangereuses Et dans des systèmes miniaturisés les transferts de chaleur sont intensifiés et donc on a un environnement parfaitement contrôlé. La forme des sillons est un point clé dans nos travaux de recherche puisque ce qu’il faut c’est maximiser le transfert d’espèces réactives d’une phase gaz vers une phase liquide. Selon la nature des réactions chimiques que l’on doit mener, selon la nature des molécules à transformer, on va devoir optimiser les géométries pour contrôler ces réactions.

 

La particularité de ce laboratoire est d’avoir couplé la recherche microfluidique avec un fluide pas comme les autres : le plasma.

 


ITV Stéphanie Ognier / Chimiste

Le plasma se défini en général comme étant le quatrième état de la matière. On va l’obtenir en appliquant une tension importante entre deux électrodes et de ce fait on va accélérer les électrons qui sont naturellement présents et créer beaucoup d’espèces très réactives comme des électrons, des ions, qui vont permettre d’effectuer des réactions chimiques dans un environnement à basse température et basse pression.

 

Grâce à l’utilisation du plasma, les chercheurs parviennent à créer en laboratoire des réactions chimiques qui ne se produisent pas à l’état naturel.... Ici, les plasmas sont intégrés dans des systèmes miniaturisés pour exposer les espèces réactives à des liquides, ou à des catalyseurs - des substances qui permettent d'accélérer les réactions chimiques. Les équipes de ce laboratoire ont notamment développé un procédé hybride plasma/catalyse  permettant de transformer du CO2 en méthane, un gaz valorisable dans les réseaux de gaz de ville…

 

 

Mais les chercheurs tentent aussi de s’affranchir de l’usage de ces catalyseurs qui contiennent souvent des métaux lourds et polluants comme l’iridium ou le platine. Pour entrer dans cette chimie dite « verte » ils tentent de contrôler les effets du plasma sur la matière.

 

Elias Nicolas Abdelnour

En fait la génération des plasmas, des plasmas basses pression et pression atmosphérique, c’est vraiment une science qui est établie. Mais vraiment de contrôler les espèces à l’intérieur de ces plasmas et de savoir où elles vont et qu’est-ce qu’elles font ça continu à être une actualité dans les études. C’est la beauté et la difficulté de ce qu’on fait. Ça rentre dans un domaine toujours en exploitation, toujours en découverte.

 

Cette technologie intéresse également l’industrie pharmaceutique. Les procédés d’oxydation, d’amination ou d’hydrogénation effectués classiquement dans les laboratoires pharmaceutiques prennent souvent plusieurs heures. Or l’utilisation du plasma dans ces systèmes miniaturisés permet de les effectuer en seulement quelques minutes. Cette chimie plus rapide et moins polluante pourrait ainsi permettre la relocalisation de certaines productions de médicaments, une tendance forte au sortir de la crise du COVID 19. 

 


 

ITV Michael Tatoulian / Chimiste

On est sur des plaques aujourd’hui qui font quelques centimètres de large avec des canaux liquides qui font quelques centaines de microns. On est en train de réfléchir à une transposition de cette échelle à l’échelle de plaques de plusieurs mètres de large où on pourra générer le plasma. Et là on peut envisager une productivité relativement importante qui permet d’envisager des applications industrielles avec plusieurs dizaines de tonnes par an de principe actif.

 

Ce laboratoire est aujourd’hui sollicité par des partenaires industriels et doit encore les convaincre que cette technologie peut être mise en œuvre pour leurs besoins de production. Si ces chercheurs y parviennent, ils pourraient faire éclore la chimie de demain, plus propre et plus durable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le CO2, Le  le polluant le plus dangereux pour notre planète pourrait-il demain devenir une source d’énergie et se transformer en gaz naturel ? Le dioxyde de carbone ou CO2 est un des principaux gaz à l’origine du changement  climatique émis en grande partie par l’activité humaine. Un gaz que la recherche scientifique tente aujourd’hui de transformer en ressource grâce à une “nouvelle” chimie.

 

Pour plonger au cœur de ce défi direction l’Institut Pierre-Gilles de Gennes à Paris. L’équipe de chimistes du professeur Michael Tatoulian travaille ici sur une discipline jeune qui a émergé dans les années 2000 : la microfluidique. Des recherches qui se concentrent sur la manipulation de fluides à l’échelle micrométrique et qui intéressent les scientifiques, mais aussi les industriels.... Au sein des laboratoires, les chercheurs mettent au point des puces sur lesquelles sont gravés des réseaux de canaux extrêmement petits dans lesquels ils font circuler des liquides. Ces puces sont en fait de véritables laboratoires miniaturisés qui permettent aux chimistes de réaliser différentes expériences avant d’envisager un développement à plus grande échelle. La particularité de ce laboratoire est d’avoir couplé la recherche microfluidique avec un fluide pas comme les autres : le plasma.

 

ITV Stéphanie Ognier / Chimiste

Le plasma se défini en général comme étant le quatrième état de la matière. On va l’obtenir en appliquant une tension importante entre deux électrodes et de ce fait on va accélérer les électrons qui sont naturellement présents et créer beaucoup d’espèces très réactives comme des électrons, des ions, qui vont permettre d’effectuer des réactions chimiques dans un environnement à basse température et basse pression. Il y a des réactions chimiques qui vont permettre de transformer le CO2 en des gaz combustibles comme le méthane par exemple et l’intérêt de pouvoir transformer le CO2 en méthane c’est de pouvoir stocker l’énergie et limiter les émissions de CO2.

 

Grâce à l’utilisation du plasma, les chercheurs parviennent à créer en laboratoire des réactions chimiques qui n’existent pas dans la nature. Des transformations réactions qui vont se dérouler s’opérer dans des réacteurs que les chercheurs de ce laboratoire conçoivent. Mais cette transformation  du CO2 en méthane est-elle aussi possible à l’échelle industrielle ?  Michael Tatoulian a participé à la création créé d’une start up spécialement dans ce but.

 

Aujourd'hui, il a rendez-vous dans les murs de Chimiparistech avec les fondateurs de cette start up baptisée ENERGO. Ils disposent ici d’un laboratoire qui permet de transformer les résultats obtenus par la recherche fondamentale en un outil commercialisable demain. Au cœur de cette technologie se trouve le réacteur, un assemblage de tubes qui rappelle le circuit de microfluidique initial. Dans ce petit cylindre, le CO2 va être exposé au plasma ainsi qu’au catalyseur, une poudre aux secrets de fabrication bien gardé.

 

ITV Michael Tatoulian / Chimiste

Pour transformer le CO2 en méthane on va utiliser une mélange CO2 et hydrogène et on va activer cette réaction chimique par le plasma lui-même et le catalyseur. Et c’est l’interaction plasma-catalyseur qui va conduire à des conversions et à des sélectivités intéressantes du point de vue industriel. 

 

Mais pour alimenter ces réacteurs il faut de la matière première, c’est-à-dire du CO2. La start up ENERGO l’a trouvé au sein des fermes de méthanisation. Des structures dans lesquelles le méthane est extrait des déjections de bovins et alimente les réseaux de gaz de ville. Un secteur qui rejette une grande quantité de CO2 qui venait jusqu’alors polluer l’atmosphère. Un CO2 qui pourra être capté demain pour se transformer à son tour en méthane grâce aux réacteurs actuellement conçus par ENERGO. Ces dispositifs pourront atteindre tourneront à un débit de 30050m3 par heure grâce à 60 tubes de catalyseurs fonctionnant en parallèle. Les réacteurs d’ENERGO ont ainsi de quoi séduire les industriels dans des perspectives de développement durable, surtout si ces machines sont alimentées par des sources d'électricité 100% renouvelables.

 

ITV Vincent Piepiora / Président d’ENERGO

Les objectifs de neutralité carbone de l’Union Européenne, à partir de 20540 il faut être neutre en carbone, à partir de 2030 il faudra réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre donc si on veut atteindre ces objectifs il faudra taxer le carbone, c’est la fameuse taxe carbone. Donc les industries et les producteurs de CO2 auront soit à payer cette taxe soit à la convertir sous forme de méthane qu’ils pourront vendre.

 

ITV Michael Tatoulian / Chimiste

Initialement on avait identifié le marché des méthaniseurs mais on est en train de se rendre compte que les déchets industriels il y en a dans énormément de secteurs : dans les cimenteries, dans l’élimination des déchets, on a toujours des déchets que l’on n’arrive pas à valoriser. Et aujourd’hui on est en train de se rendre compte que la technologie que nous avons développée peut s’appliquer au traitement d’un grand nombre de déchets industriels donc des marchés potentiellement très importants.

 

Après plusieurs mois de développement, les chercheurs d’ENERGO ont mis au point prototype pour mettre leur technologie à l’épreuve. Cette structure est en fait un réacteur alimenté uniquement par des déchets que les industries ne savent pas encore valoriser. Ces mélanges de bois, de plastiques ou de mousses qui proviennent de centres de tri de déchets vont être utilisés comme combustibles et se changer en méthane. De quoi réduire nos déchets et notre impact sur l’atmosphère pour les générations futures

 

La nouvelle chimie des plasmas

19.08.2020

Ni solide, ni liquide, ni gazeux, un plasma représente un état particulièrement réactif de la matière. Des scientifiques de l'Institut Pierre-Gilles de Gennes de Paris étudient les nouvelles réactions chimiques obtenues en faisant réagir des plasmas au sein de mini-réacteurs gravées sur des puces. Au croisement de la physique des plasmas et de la microfluidique, l'équipe tente de faire émerger une chimie plus respectueuse de l'environnement.

À propos de cette vidéo
Titre original :
La chimie des plasmas
Année de production :
2020
Durée :
5 min 06
Réalisateur :
Pierre de Parscau
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
Michael Tatoulian
Stéphanie Ognier
Elias Abdelnour
Institut de Recherche de Chimie de Paris (IRCP)
CNRS / Chimie PARISTECH-PSL
Journaliste(s) :