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L’aération : une arme fatale contre le Covid-19 ?

L’aération : une arme fatale contre le Covid-19 ?

28.04.2021, par
Mis à jour le 04.05.2021
Des élèves portent des masques de protection pendant un examen dans une salle de classe aux fenêtres ouvertes ( Groß-Gerau, Allemagne, 21 avril 2020).
Un groupe de chercheurs s’organise afin de promouvoir l’utilisation de détecteurs de CO2 dans les salles de classe, cantines, bureaux, usines et autres lieux fermés. Leur but : une meilleure ventilation des espaces intérieurs pour aider à lutter contre la propagation du nouveau coronavirus.

En juin dernier, Benoît Semin, jeune physicien du laboratoire Physique et mécanique des milieux hétérogènes1, s’est demandé si les locaux dans lesquels il travaillait étaient suffisamment bien aérés. Il se doutait que l’une des voies d’infection du coronavirus était liée aux fines particules issues de nos voies respiratoires et qui restent longtemps en suspension dans l’air : les aérosols. Pour ce spécialiste de la dynamique des fluides, une bonne ventilation était l’une des clés pour limiter la propagation du Covid-19. Avec l’aide des ingénieurs du laboratoire, il a utilisé un petit détecteur infrarouge capable de mesurer le taux de dioxyde de carbone, ou CO2, dans l’air. En effet, ce gaz est un excellent indicateur de la ventilation d’une pièce. Le principe est simple. Dans les espaces clos, la respiration des humains fait augmenter la concentration en CO2. Moins un espace est ventilé, plus cette concentration s’élève au-dessus des 400 parties par million (ppm) correspondant au taux de CO2 présent dans l’atmosphère.

En France, les autorités recommandent de ne pas dépasser une concentration en CO2 de 800 particules par million (ppm).

Les mesures réalisées par Benoît Semin se sont avérées plutôt rassurantes : son laboratoire était bien aéré. Néanmoins, l’enjeu lui a paru suffisamment important pour partager sa démarche avec ses collègues. En septembre il a organisé un séminaire sur une plateforme de visioconférence pour discuter de la ventilation dans les lieux publics. Le sujet a soulevé l’intérêt de nombreux chercheurs.

Parmi eux, François Pétrélis, chercheur du Laboratoire de physique de l’École normale supérieure2, a décidé de placer un détecteur de CO2 dans sa salle de cours. Ses étudiants ont tout de suite été interpellés par cet instrument qui indiquait lorsque la concentration en CO2 dépassait les 800 ppm. « Ce seuil correspond à celui le plus souvent recommandé par les autorités en France », commente Benoît Semin. Et durant ces premiers essais, « ce sont les étudiants eux-mêmes qui ouvraient les fenêtres lorsque le détecteur montrait que c’était nécessaire , explique François Pétrélis. Auparavant, ils auraient plutôt eu tendance à se plaindre du froid. » L’instrument provoquait spontanément une action « anti-Covid-19 » particulièrement efficace.

Exemple de mesure du taux de CO2 avec le détecteur du laboratoire PMMH dans une de ses salles, alors que les fenêtres sont ouvertes en oscillo-battant. Le graphe de droite indique un taux nettement en dessous des valeurs maximales préconisées.
Exemple de mesure du taux de CO2 avec le détecteur du laboratoire PMMH dans une de ses salles, alors que les fenêtres sont ouvertes en oscillo-battant. Le graphe de droite indique un taux nettement en dessous des valeurs maximales préconisées.

Ce constat a convaincu les chercheurs et un groupe de collègues (physiciens, biologistes, mathématiciens, médecins et membres du Haut conseil de la santé publique) que, pour promouvoir la bonne ventilation comme stratégie anti-Covid-19, il faut aussi généraliser l’utilisation de ces détecteurs. C’est ainsi qu’est né le « Projet CO2 ».

Cacophonie virale

On s’en souvient bien : au début de la pandémie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) démentait le fait que les aérosols soient une voie d’infection du SARS-CoV-2. L’idée que le virus pouvait rester dans l’air ambiant au travers des aérosols était considérée par certains comme de la désinformation. Seules les gouttelettes (plus grosses et qui retombent plus vite sur les surfaces) étaient alors jugées responsables de la transmission du virus. Cette erreur initiale reste difficile à comprendre. En effet, rappelle Benoît Semin, « les maladies respiratoires comme la tuberculose, la grippe, le SARS-CoV-1 ont une composante aérosol ». Cet a priori a notamment repoussé l’adoption des masques par les pays occidentaux.

Au début de la pandémie (...) l’idée que le virus pouvait rester dans l’air ambiant au travers des aérosols était considérée par certains comme de la désinformation.

Les preuves de la transmission aérienne du virus se sont depuis accumulées. Des recherches sur des rongeurs et des furets ont montré que le virus peut se propager de cage en cage sans que celles-ci ne soient à proximité. De même, l’analyse des clusters d’infection a prouvé qu’une personne peut « attraper » le virus sans être en contact direct avec un individu infecté. Or si le virus peut rester dans l’air, la règle des deux mètres de distanciation s’avère insuffisante à l’intérieur des salles mal ventilées.  

En juillet 2020, 239 scientifiques ont adressé une lettre ouverte à l’OMS lui enjoignant de prendre en compte ce risque. Pour beaucoup d’entre eux, la voie aérosol n’était pas une voie parmi d’autres, mais bien la voie principale d’infection. Bon gré mal gré, l’agence onusienne a fini par prendre acte des résultats de la recherche. Les autorités sanitaires nationales ont alors suivi et adapté leurs recommandations. C’est ainsi que la ventilation, qui permet de disperser les aérosols et réduire la charge virale, est devenue un grand enjeu de santé publique. En mars 2021, l’OMS elle-même a publié une feuille de route contenant ses recommandations en matière de ventilation. Une récente étude publiée dans The Lancet 3 affirme enfin, définitivement peut-être, que la transmission du SARS-CoV-2 se fait principalement par aérosols, renforçant l’intérêt du port du masque et minorant celui du nettoyage des surfaces. Cependant, il reste beaucoup à faire pour que renouveler fréquemment l’air d’un espace fermé devienne une habitude. Et c’est dans ce but que le Projet CO2 s’est créé.

Pour un air intérieur de qualité

« C’est simple, explique François Pétrélis, le taux de CO2 indique combien de fois l’air que l’on respire dans une pièce a été respiré auparavant. » Dans un espace intérieur, plus ce taux est proche de celui de l’atmosphère, mieux la pièce est ventilée et moins le risque d’infection par le Covid-19 est grand. « Le problème, c’est que la plupart des gens croient que leurs lieux de vie et de travail sont suffisamment aérés, même lorsque ce n’est pas le cas. » Or pour réaliser un geste aussi simple que celui d’ouvrir les fenêtres, il faut prendre conscience du niveau réel de ventilation.

On peut se procurer un détecteur de CO2 pour 100 ou 200 euros, soit l’équivalent de ce que coûtent à l’État trois tests PCR...

Bureaux, restaurants, usines, théâtres et salles de classe, expliquent les chercheurs, devraient mesurer régulièrement le taux de CO2. Ce n’est pas si difficile que ça en a l’air. Un détecteur CO2 est aussi facile à utiliser qu’un thermomètre. On peut s’en procurer un pour 100 ou 200 euros. « C’est l’équivalent de ce que coûtent à l’État trois tests PCR ! », indique François Pétrélis. C’est dire si l’instrument serait vite amorti.

Ainsi, on peut facilement imaginer l’Éducation nationale équiper chaque établissement scolaire de quelques capteurs de CO2. C’est déjà le cas au Luxembourg. Mais, alors que le retour à la normale semble à portée de main, pourquoi se préoccuper maintenant de la ventilation ? « La situation épidémiologique actuelle reste préoccupante, et l’amélioration de la ventilation est une des mesures de prévention réalisables à court terme. À plus long terme, une meilleure ventilation permettrait de réduire les contaminations liées aux maladies respiratoires saisonnières, et d’être mieux préparé en cas de nouvelle pandémie transmise par aérosols », répond Benoît Semin.

Un détecteur de CO2 a été installé dans ce café de la ville d'Osaka, au Japon (avril 2021). Son utilisation est aussi simple que celle d'un thermomètre.
Un détecteur de CO2 a été installé dans ce café de la ville d'Osaka, au Japon (avril 2021). Son utilisation est aussi simple que celle d'un thermomètre.

Et ce n’est pas tout. Le taux de CO2 n’est pas seulement un indicateur de la ventilation. C’est aussi une problématique en soi. Au-delà de 1 000 ppm, les capacités cognitives des personnes commencent à être affectées. La concentration diminue et les maux de tête surviennent. C’est là un enjeu d’importance : d’après une enquête de 2018 de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, dans les écoles maternelles et élémentaires, dans 36 % des établissements on trouve au moins une classe où le taux de CO2 se situe autour de 1 700 ppm !

D'après une enquête de 2018, dans 36 % des écoles maternelles et élémentaires, on trouve au moins une classe où le taux de CO2 se situe autour de 1700 ppm !

Autre argument : la bonne ventilation des espaces intérieurs réduirait la concentration de certaines molécules toxiques comme les composés organiques volatils (par exemple le benzène ou le toluène) ou les biocontaminants (comme les moisissures ou les allergènes provenant des acariens). Ainsi, la qualité de l’air intérieur et la lutte anti Covid-19 sont, en fait, un seul et même combat.

Pour promouvoir ces idées, les chercheurs du Projet CO2 ont créé un site web où l’on trouve des conférences, des documents techniques et du matériel pédagogique comme des ressources pour fabriquer en classe des détecteurs CO2, une excellente façon de sensibiliser les élèves à la question de la ventilation. Ils mènent aussi des actions de vulgarisation, soit au travers de médias, soit au travers d’initiatives comme « La main à la pâte ». Par ailleurs, Benoît Semin prépare des projets de recherche en collaboration avec le CHU de Nantes et l’AP-HP. Un effort des scientifiques est, en effet, nécessaire d’après Benoît Semin : « même des questions très basiques, par exemple comment varie la probabilité d’infection en fonction du taux de CO2, n’ont pas encore de réponse. Il reste beaucoup de recherche à réaliser ». ♦

Pour en savoir plus
Le site web du Projet CO2
 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Sorbonne Université/ESPCI Paris/Université de Paris.
  • 2. Unité CNRS/Sorbonne Université/ENS Paris/Université de Paris.
  • 3. Greenhalgh, T., Jimenez, J., Prather, K. et al., "Ten scientific reasons in support of airborne transmission of SARS-CoV-2", The Lancet, 15 avril 2021.

Commentaires

3 commentaires

OK pour le signalement, qui sent quand même un peu la propagande (200 € soit le prix de 3 tests PCR). La question qui n'est pas posée est celle-ci : "les lieux principaux de contaminations conduisant à des formes graves de la covid étant les domiciles, comment dire aux gens que c'est à leur domicile qu'il est nécessaire d'installer ce type de détecteur ? ".

OK pour le signalement, qui sent quand même un peu la propagande (200 € soit le prix de 3 tests PCR). La question qui n'est pas posée est celle-ci : "les lieux principaux de contaminations conduisant à des formes graves de la covid étant les domiciles, comment dire aux gens que c'est à leur domicile qu'il est nécessaire d'installer ce type de détecteur ? ".

Détecter que la concentration en aérosols est importante (via le taux de CO2) c'est très bien, mais c'est à posteriori, lorsque la contamination est peut-être déjà faite. Il existe des moyens de prévenir cette contamination sans avoir besoin d'aérer, comme les purificateurs d'air mais surtout par l'utilisation de dispositifs UV-C "haut de pièce" (Upper room germicidal device). Ces systèmes intérêt prouvé leur efficacité sur la tuberculose, la variole, la grippe, la coqueluche...
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