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Un logiciel pour gérer les forces vives d’un hôpital en temps de crise

Un logiciel pour gérer les forces vives d’un hôpital en temps de crise

27.08.2020, par
Service de soins en réanimation de l'hôpital Henri Mondor le 15 avril 2020.
Pendant le pic de Covid-19, l'organisation des équipes de soignants s'est révélée cruciale. Pour les aider, des scientifiques mettent au point Onadap, un outil informatique d’aide à la décision et de suivi de la propagation de l’épidémie à l'intérieur des services de soin. Explications avec Nicolas Vayatis, directeur du Centre Borelli à l'origine de ce nouvel outil.

D'où est venue l'idée d'un outil numérique destiné aux hôpitaux ?
Nicolas Vayatis L'idée est venue du terrain. Parmi nos collègues du Centre Borelli1, il y a des praticiens hospitaliers qui nous ont fait part, dès le mois de mars, de la difficulté d’organisation des services et de la planification des emplois du temps du personnel. Ils se sont retrouvés très contraints, avec des soignants frappés par le Covid-19. Ils ont pensé qu’il serait utile d'avoir un outil donnant une vision géographique de l'épidémie dans l'hôpital et de l’état des équipes afin de planifier les semaines à venir. Le projet2 était lancé...

Mais des outils de gestion du personnel existent déjà…
N.V. Tout-à-fait. Mais en temps de crise, un outil différent, plus léger et plus spécifique, devient nécessaire. Un outil très réactif prenant en charge l'information en temps réel. Ce besoin n'est pas couvert aujourd'hui.
    
Que permet de faire la première version d’Onadap ?

N.V. Développée en seulement quelques jours, cette première version permet avant tout la mise en forme de données sous forme visuelle : on voit les plans de l'hôpital avec une carte de « chaleur » qui montre les services les plus touchés par le Covid-19. Cela permet de voir instantanément les services en surchauffe ainsi que ceux qui sont les plus à risque et à partir desquels le virus pourrait se propager. Cette vue, très intuitive et synthétique, remplace les tableaux de données (de type Excel par exemple) et permet d'aller plus vite.

Le logiciel permet de voir instantanément les services en surchauffe ainsi que les plus à risque et à partir desquels le virus pourrait se propager.

Ensuite, le logiciel fournit un rapport, constitué automatiquement. Il présente des informations concernant les soignants, les aides-soignants, les prestataires et les personnes qui circulent dans l'hôpital. Combien d’entre eux ont des symptômes et de quel type ? Combien ont été testés ? Combien sont présents sur le site ou se trouvent chez eux ? Il fournit également des projections à quelques jours, compte tenu des dates de retour des soignants consignés chez eux. Enfin, on y trouve des informations sur leur répartition par âge, sexe et services qu’ils visitent de manière régulière. Cette version d’Onadap a tout de suite été utilisée, dans des conditions extrêmes de crise, à l’hôpital d’instruction des armées Percy.

Carte de « chaleur » des services d’un hôpital fictif obtenue avec la première version d’Onadap. À gauche, un dégradé de rouge permet de visualiser en un coup d’œil où se trouvent les zones les plus à risque en fonction du nombre de cas symptomatiques.
Carte de « chaleur » des services d’un hôpital fictif obtenue avec la première version d’Onadap. À gauche, un dégradé de rouge permet de visualiser en un coup d’œil où se trouvent les zones les plus à risque en fonction du nombre de cas symptomatiques.

Quelles sont les prochaines étapes et les nouvelles fonctionnalités à venir ?
N.V. Pour l’industrialisation de la première version, nous allons rendre plus fluide la collecte de données et améliorer l’interface de l'application afin de la rendre plus facile à utiliser. Nous avons par exemple constaté qu’il fallait une version portable de l’outil, disponible sur tablettes et mobiles. Dans un deuxième temps, nous voulons ajouter un volet « patients » qui intégrera les trajets des patients Covid au sein de l’hôpital.

Nous voulons faire d’Onadap un outil d’aide à la décision, par exemple pour tester différents scénarios et émettre des recommandations sur les meilleures mesures à prendre (...).

Avec cette fonctionnalité, entre autres, nous espérons mettre en évidence des zones à risque dans les bâtiments, comme des parties communes où les patients non-Covid et le personnel soignant risquent de s’infecter. Dans la troisième phase de développement, nous voulons que le logiciel permette de comprendre comment se propage le virus dans une structure hospitalière, à l’échelle d’une micro-communauté. L’accès privilégié à des données réelles et aux problématiques d’un hôpital dont nous disposons grâce à nos partenaires3 nous aidera à nous poser les bonnes questions dans ce domaine.

Plus qu’un outil au service de l'hôpital, ce troisième volet ne correspond-il pas à un projet de recherche ?
N.V. Non. Nous voulons développer de nouvelles fonctionnalités, mais pour cela un effort préalable de recherche s'impose. Nous voulons faire d’Onadap un outil d’aide à la décision, par exemple pour tester différents scénarios et émettre des recommandations sur les meilleures mesures à prendre pour contenir l'épidémie à l'échelle d'une structure de santé. Imaginez qu'un nouveau foyer apparaisse. La direction de l'hôpital peut envisager différentes stratégies, comme fermer des services ou renforcer les gestes barrières. L'outil permettra d'évaluer l'impact de ces mesures et les compromis à atteindre pour protéger les personnes à risque tout en maintenant les activités.
   
Onadap pourrait-il être utile hors de la crise Covid-19 et au-delà du système hospitalier ?
N.V. Nous y réfléchissons, en effet. Onadap pourrait être adapté pour le suivi des maladies nosocomiales, un des risques que l’hôpital cherche à maîtriser. Il pourrait aussi être utile dans tout site sensible où il est important d'assurer un service, même en temps de crise, et où la disponibilité des personnels est absolument essentielle. Porte-avions, base militaire, usine, centrale nucléaire... les exemples sont nombreux.
   
Quand l’outil sera-t-il prêt à l’emploi ?
N.V. Dès septembre, la première version sera déployée sur des tablettes au sein de l'hôpital d’instruction des armées Percy. Il faudra alors la valider et intégrer les retours des utilisateurs afin d'améliorer l'outil. Des discussions sont déjà en cours avec l'APHP pour l'adapter à ses besoins et réaliser une expérimentation sur deux hôpitaux parisiens comme sites pilotes. En ce qui concerne les différentes fonctionnalités, elles seront intégrées au fur et à mesure de leur développement. Le volet « patients » est ainsi prévu pour le dernier trimestre de 2020. Et celui sur la modélisation et la simulation de scénarios de contrôle de la propagation de l'épidémie s'effectuera plutôt en fin de projet, dans dix-huit mois. ♦

Notes
  • 1. Unité CNRS / ENS Paris-Saclay / Université de Paris / Inserm / Service de Santé des Armées.
  • 2. Sa réalisation a été rendue possible grâce à l’obtention d’un financement par l’Agence Innovation Défense, suite à un appel à projets d’avril dernier.
  • 3. Les aspects de recherche clinique du projet sont assurés par le Service de Santé des Armées via la participation de l'hôpital d’instruction des armées Percy et de l'Institut de Recherche Biomédicale des Armées. L'Institut européen d'administration des affaires (INSEAD) apporte son expertise sur la problématique de l’adoption de technologies d'intelligence artificielles par des organisations. La société Cyberzen apporte ses compétences dans le domaine du développement logiciel au meilleur niveau et la prise en compte des questions liées à la sécurité des données et des applications.

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