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L’Europe à l’assaut du cancer

L’Europe à l’assaut du cancer

28.12.2021, par
Mis à jour le 03.05.2022
Pins « ruban rose », symbole de la lutte contre le cancer du sein, aux couleurs de l’Union européenne.
L’Union européenne s’est donné pour objectif de réduire de 3 millions le nombre de morts du cancer sur le continent d’ici à 2030. Alors que la France s’apprête à prendre la présidence de l’UE au 1er janvier 2022, état des lieux avec Yvan De Launoit, directeur adjoint scientifique en charge de la physiologie et du cancer à l’Institut des sciences biologiques du CNRS.

« Vaincre le cancer : mission possible » est l’une des cinq grandes Missions1 du nouveau programme-cadre pour la recherche et l'innovation Horizon Europe pour répondre à certains défis sociétaux. Dans quel contexte s’insère-t-elle ?
Yvan De Launoit. La coopération européenne se structure de plus en plus et ce programme s’appuie sur des éléments déjà en place, comme la stratégie décennale de lutte contre les cancers. Celle-ci compte trois thèmes de recherche principaux : prévenir l’émergence de la maladie et lutter contre ses tout premiers stades, anticiper les rechutes et, enfin, réduire les effets secondaires des traitements.

Des fonds ont par exemple été débloqués, au niveau français et européen, pour étudier les cancers pédiatriques qui tuent chaque année dans l’UE environ 6 000 enfants. Nous voulons comprendre les effets à long terme des traitements lourds, comme la chimio et la radiothérapie, sur la fécondité, l’apparition de nouveaux cancers, les problèmes neurologiques… Les jeunes doivent encore vivre soixante à soixante-dix ans après leur guérison, la recherche européenne sait qu’elle doit proposer des traitements plus adaptés et personnalisés. À juste titre, l’Europe désire installer le patient au centre de la réflexion sur le cancer.

Une étude sur les cancers de la prostate a montré qu’une nouvelle combinaison de molécules aidait fortement à la survie des patients métastatiques.

Autre exemple, j’ai participé à la réflexion autour de l’initiative UNCAN2, issue d’Horizon Europe, pour faire émerger les projets les plus novateurs grâce à des appels d’offres. Nous souhaitons par exemple monter un centre européen de collecte des données du cancer. Cela va demander d’harmoniser les données cliniques et de recherche, ainsi que de mettre en place de grandes infrastructures technologiques pour stocker et traiter ces données.

Que pensez-vous de l’objectif de réduire de 3 millions le nombre de décès d’Européens par cancer d’ici à 2030 ?
Y. De L. Environ 1,3 million de personnes périssent d’un cancer en Europe chaque année, cela reviendrait donc à avoir un quart à un tiers de décès en moins jusqu’à 2030. Cela peut sembler énorme, mais, au cours de ma carrière, j’ai vu les taux de survie aux leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant passer de 10 à plus de 90 %, et ceux du cancer du sein de 30 à plus de 80 %. Et ce malgré le fait que l’espérance de vie a progressé, entraînant mécaniquement une hausse du risque de décès par cancer. La situation s’améliore grâce à des traitements de plus en plus ciblés.

La désescalade thérapeutique vise par exemple à trouver les doses minimales efficaces afin de réduire les effets secondaires, parfois extrêmement lourds. La détection précoce des cancers est aussi essentielle, avec le développement de tests sanguins capables d’identifier d’infimes quantités de cellules cancéreuses et de leurs biomarqueurs. La recherche continue d’avancer. Ainsi, une étude sur les cancers de la prostate a montré qu’une nouvelle combinaison de molécules aidait fortement à la survie des patients métastatiques.

Une patiente passe une IRM au CHU de Liège (Belgique). La lutte contre les inégalités face à la prévention et au dépistage des cancers est l’une des priorités européennes.
Une patiente passe une IRM au CHU de Liège (Belgique). La lutte contre les inégalités face à la prévention et au dépistage des cancers est l’une des priorités européennes.

Le programme Horizon Europe souligne l’importance de la lutte contre les inégalités face au cancer. Quelles sont les principales inégalités et quel est leur impact sur les soins ?
Y. De L. C’est un problème majeur, tant au niveau national qu’européen. J’avais déjà suivi des axes de travail sur les inégalités en tant que président du cancéropôle Nord-Ouest3. On retrouve d’abord l’inégalité de l’accès au soin lorsque des patients habitent loin d’un grand centre médical. Dans certains milieux socio-économiques, les gens ont aussi moins tendance à se faire dépister, alors qu’on connaît l’importance d’agir le plus tôt possible sur les tumeurs. Le dépistage du cancer du sein après 45 ans sauve ainsi de nombreuses vies et permet de traiter efficacement les tumeurs avant qu’elles n’atteignent le stade métastasique.

À l’échelle européenne, il faut considérer les évidentes différences de niveaux de vie entre les pays. Certaines nouvelles techniques d’immunothérapie et de thérapie ciblée ont un coût extrêmement élevé, qui est pris en charge par la Sécurité sociale en France, mais parfois laissé à la charge des patients ailleurs. Malgré les critiques qu’il reçoit, le système de santé français reste en effet dans la moyenne haute de l’UE. Souffrir d’un cancer rare est aussi une source d’inégalité car les traitements sont alors souvent moins efficaces et plus chers.
 

L’étude du microenvironnement tumoral est un autre aspect crucial. Nous savons que les cellules, même saines, situées autour d’une tumeur dialoguent avec elle.

L’Union européenne veut réduire ces différences, avec l’idée centrale que chaque patient doit avoir accès aux mêmes traitements et à un coût équivalent. Mais pour régler le problème, nous devons d’abord bien l’identifier, à l’aide d’études scientifiques menées par des praticiens, des épidémiologistes et des sociologues sur un grand nombre de cas. Nous aurons alors une meilleure vision d’ensemble pour cibler des écueils précis et y remédier.

Pouvez-vous nous donner des exemples de recherches contre le cancer ?
Y. De L.
De nombreuses équipes travaillent en amont, au niveau de la recherche fondamentale. Elles fournissent de nouveaux modèles pour mieux décrire les étapes les plus précoces de la cancérogenèse. L’étude du microenvironnement tumoral est un autre aspect crucial. Nous savons que les cellules, même saines, situées autour d’une tumeur dialoguent avec elle. Reste à comprendre la nature et le rôle de ces échanges. Le développement de la génomique et de la transcriptomiqueFermerÉtude de l'ensemble des ARN messagers produits lors du processus de transcription d'un génome. offre justement un séquençage fin des ADN et ARN, issus de cellules cancéreuses ou non, présents dans le microenvironnement tumoral.
   
L’hétérogénéité génétique des tumeurs s’est aussi imposée comme un sujet essentiel. La tumeur, au début, est d’un seul type de cellules, elle est alors dite « monoclonale «. Au bout d’un certain temps, elle va comporter des cellules de plus en plus différentes et devenir hétéroclonale. Puisque différents types de cellules ne répondent pas aux mêmes traitements, connaître l’état de la tumeur permet de proposer des mélanges personnalisés, et donc plus efficaces, de molécules aux patients. Enfin, de gros efforts sont faits sur de nouveaux modèles d’évolution des tumeurs. Nous privilégions de plus en plus les reconstructions in vitro : la tumeur est placée dans un environnement 3D où des contraintes physiques et biologiques réalistes sont appliquées. Elle n’est en effet pas qu’un amas de cellules au fond d’une boîte de Petri. Dans le cadre de recherches pluridisciplinaires, nous faisons ainsi appel à des collègues physiciens, mathématiciens ou encore ingénieurs pour construire un environnement optimal qui sert ensuite à toutes ces études. ♦
    
Pour en savoir plus
Le site consacré aux 5 Missions de l'Union européenne

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À la rescousse de nos ressources en eau
Climat : des réponses locales aux changements globaux
Le sol, cet inconnu qu'on piétine...
Des villes plus vertueuses pour le climat

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Cancer : la révolution de l'immunothérapie
SideROS, la start-up qui croise le fer contre le cancer
Superbranche, des nanoparticules pour le diagnostic précoce des cancers
Le fabuleux destin de la cellule

 

Notes
  • 1. Les 5 missions répondent aux thématiques suivantes : Adaptation au changement climatique ; Santé des océans, des mers ainsi que des eaux côtières et continentales ; cancer ; Villes intelligentes et neutres en carbone ; Santé des sols et alimentation. https://www.horizon-europe.gouv.fr/lancement-des-cinq-missions-de-l-ue-2...
  • 2. Understanding cancer, comprendre le cancer.
  • 3. Le cancéropôle Nord-Ouest est l’un des 7 canceropôles créés dans le cadre du plan cancer 1, en 2003. Il mobilise contre le cancer à l’échelle des Hauts-de-France et de la Normandie et associe les unités de recherche des organismes publics, les services hospitaliers ainsi que des acteurs de l’industrie pharmaceutique et/ou des biotechnologies.
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

Commentaires

1 commentaire

Passionnant. L'objectif me semble ambitieux, compte-tenu de la pollution croissante de l'air, des eaux et des sols et de la croissance démographique mondiale. On sait que les épidémies et certainement d'autres dérèglements comme les cancers s'abattent sur les populations animales en surnombre comme un moyen efficace de réduire les effectifs. Nous ne faisons pas exception. Le recours à la pluridisciplinarité, par ailleurs, est très fortement souhaitable.
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