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Climat : des réponses locales aux changements globaux

Dossier
Paru le 30.11.2023
Climat : le défi du siècle

Climat : des réponses locales aux changements globaux

27.04.2022, par
Mis à jour le 03.05.2022
À Bordeaux, comme ailleurs en Nouvelle-Aquitaine, des stratégies d’adaptation sont déclinées afin de réduire la vulnérabilité face aux effets attendus du changement climatique.
Comment aider les régions à s'adapter au changement climatique ? Bruno Castelle, océanographe physicien, décrypte cet objectif du grand programme Horizon Europe en s’appuyant sur une initiative lancée en Nouvelle-Aquitaine.

« Accélérer la transition vers une Europe préparée au changement climatique et résiliente » : c’est l’une des cinq Missions du programme-cadre Horizon Europe afin de préparer, d’ici à 2030, les régions à faire face aux bouleversements en cours et à venir. L’échelle régionale est-elle pertinente ? 
Bruno Castelle1. Oui, si l’impact du changement climatique peut se mesurer à l’échelle globale, c’est souvent à l’échelle régionale que ses effets se font le plus ressentir. Les régions et les territoires sont soumis à des aléas naturels et à des enjeux sociaux, environnementaux et économiques spécifiques. D’où l’intérêt d’une recherche et d’une gestion régionales des impacts et de ces problématiques d’adaptation. C’est également en tirant le meilleur parti des spécificités régionales que l’on peut développer au mieux des synergies entre les actions d’adaptation et d’atténuation. En effet, il faut bien distinguer ce qui relève des stratégies d’atténuation – la baisse globale des émissions de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2), qui se décide aussi et surtout au niveau international –, et les stratégies d’adaptation qui visent à réduire la vulnérabilité de nos sociétés face aux effets attendus du changement climatique, qui elles se déclinent à l’échelle régionale. L’initiative Acclimaterra en Nouvelle-Aquitaine en est la parfaite illustration.

Protéger le littoral de l’érosion ainsi que les habitations, comme ici sur la plage de Biscarrosse, en Nouvelle-Aquitaine, telle est l’une des missions du Service national d’observation dynamique du littoral et du trait de côte (Dynalit).
Protéger le littoral de l’érosion ainsi que les habitations, comme ici sur la plage de Biscarrosse, en Nouvelle-Aquitaine, telle est l’une des missions du Service national d’observation dynamique du littoral et du trait de côte (Dynalit).

Quel sera l’impact du changement climatique sur le littoral aquitain ?
B. C.
Le littoral de la Nouvelle-Aquitaine s’étend sur près de 700 kilomètres de côtes sableuses et rocheuses. Face à l’élévation du niveau de la mer et aux tempêtes, il forme le premier rempart contre l’océan. Mais cette zone tampon, qui procure de nombreux services écosystémiques, est aujourd’hui largement menacée. D’une part par l’érosion des côtes. Les marées, la houle, le vent, la pénurie des stocks sédimentaires ou encore l’activité humaine entraînent en effet un recul du trait de côteFermerLigne qui marque la limite la plus extrême jusqu’à laquelle peuvent parvenir les plus hautes eaux marines par temps calme. d’en moyenne 0,5 à 1 mètre par an. Il peut dépasser localement 4 mètres par an comme dans le nord de la côte girondine ou le sud de l’île d’Oléron. Cette érosion chronique va se poursuivre dans les prochaines décennies ; nos modélisations montrent le risque d’une accélération de ces tendances à partir de 2050. D’autre part, les épisodes de submersion marine, inondations par la mer temporaires mais extrêmes, ont toujours existé car le littoral de Nouvelle-Aquitaine est principalement constitué de côtes basses. Mais l’augmentation du niveau marin va mécaniquement, si rien n’est fait, augmenter l’intensité et la fréquence de tels épisodes, telles les tempêtes Klaus en 1999 et Xynthia en 2010, dès les prochaines décennies. 

Panneau explicatif sur les travaux de lutte contre l'érosion marine menés sur la plage de Soulac-sur-Mer. Située sur le littoral aquitain à 20km au sud de l'estuaire de la Gironde, elle est fortement menacée par l'érosion car impactée par la dynamique de son embouchure (orientation, taille, forme).
Panneau explicatif sur les travaux de lutte contre l'érosion marine menés sur la plage de Soulac-sur-Mer. Située sur le littoral aquitain à 20km au sud de l'estuaire de la Gironde, elle est fortement menacée par l'érosion car impactée par la dynamique de son embouchure (orientation, taille, forme).

Comment s’y préparer ?
B. C.
Il faut rappeler, et c’est également l’un des objectifs de la mission Horizon Europe, qu’il est nécessaire de renforcer les connaissances à l’échelle des territoires. En Nouvelle-Aquitaine, nous travaillons pour cela en étroite collaboration avec d’autres organismes, comme le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et l’Office national des forêts (ONF), à la collecte de données, centralisées à l’Observatoire de la côte de la Nouvelle-Aquitaine. Nous combinons ces données obtenues par drones, LidarFermerAcronyme de Light Detection And Ranging, système de mesure de distance par détection de la lumière. aéroporté, satellite, ou collectées directement sur le terrain, avec des données d’archives comme les photographies aériennes pour comprendre l’évolution passée du littoral mais aussi pour appuyer le développement, dans nos laboratoires, de nouveaux modèles numériques. Ces derniers permettent ensuite, à partir de scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, de réaliser des projections à l’évolution 2100. Il existe aussi des solutions d’adaptation à court terme. Sur les zones abritant des enjeux importants, les villes par exemple, l’objectif est de consolider les ouvrages et les aménagements existants, comme les digues. Toutefois, cette approche n’est pas tenable sur tout le littoral, parce que bien trop coûteuse, et avec parfois une efficacité relative. Depuis quelques décennies, la doctrine du génie côtier s’éloigne progressivement de cette bétonisation des côtes. On voit de plus en plus apparaître des mesures d’adaptation dites « souples ».

Dispositifs "brise-vent" installés sur la plage de Biscarrosse. Souvent temporaires, ils permettent de lutter contre le transport aérien du sable, en particulier durant la période hivernale.
Dispositifs "brise-vent" installés sur la plage de Biscarrosse. Souvent temporaires, ils permettent de lutter contre le transport aérien du sable, en particulier durant la période hivernale.

De nombreux scientifiques encouragent maintenant le déploiement de solutions fondées sur la nature s’appuyant sur la restauration de certains écosystèmes littoraux sur les secteurs qui n’abritent pas ou peu d’enjeux. Et en effet : la nature est souvent la plus à même de s’adapter à l’augmentation du niveau marin. Il existe en fait une panoplie de solutions plus ou moins douces, mais pour la région elles restent limitées. À Lacanau par exemple, le recul inexorable du littoral dépasse déjà 1 mètre par an. Il expose le front de mer aux assauts des vagues et nécessite le renforcement des ouvrages de protection. Mais sur le plus long terme, typiquement d’ici à 2100, le repli stratégique des premières lignes d’habitations apparaît comme inévitable. 

Le programme Horizon Europe souligne justement l’importance de développer des solutions innovantes en matière de résilience climatique. Qu’en est-il en Nouvelle-Aquitaine ?
B. C.
Connaître l’efficacité de mesures d’adaptation innovantes, comme les solutions fondées sur la nature, nécessite un suivi sur des dizaines d’années – à l’échelle de la réponse de ces écosystèmes. Or, la plupart des initiatives qui ont déjà été prises sur le littoral aquitain sont à la fois limitées à des zones relativement petites et encore trop récentes. Parmi ces solutions, la « dépoldérisation » de certains anciens marais littoraux doit être envisagée. Certaines dunes littorales, profondément reprofilées dans les années 1970-1980 et fixées par des oyats (graminées, Ndlr), sont aujourd’hui progressivement grignotées et menacées de disparition. Les remettre en libre évolution peut leur permettre de migrer lentement dans les terres et, in fine, préserver ce corridor écologique qui joue aussi un rôle de rempart important contre la submersion marine.
Avec mon équipe, nous achevons d’ailleurs un projet (Sono)2 financé par l’Agence nationale de la recherche, qui visait à étudier l’impact d’une telle remobilisation sur la morphologie de la dune, mais aussi sur la composition et l’abondance de la végétation dunaire. Globalement, il faudra redonner de la place aux espaces naturels. Mais face à ces défis, l’adhésion citoyenne sera un facteur de réussite absolument nécessaire pour le succès de ces solutions d’adaptation. Il est donc indispensable de sensibiliser les citoyens à l’érosion côtière et aux risques qui en découlent, et de les impliquer très tôt dans les processus de décision. ♦

Pour en savoir plus
Le site consacré aux 5 Missions de l'Union européenne

Nos articles sur les 4 autres Missions:

À la rescousse de nos ressources en eau
L'Europe à l'assaut du cancer
Le sol, cet inconnu qu'on piétine...
Des villes plus vertueuses pour le climat

Notes
  • 1. Directeur de recherche au laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (Epoc – CNRS/ Institut polytechnique de Bordeaux/Université de Bordeaux).
  • 2. https://anr.fr/Projet-ANR-17-CE01-0014