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CNRS_TARA, enquête de micro plastiques
Ces côtes souillées et ces déchets flottants sont les syndromes d’un mal qui ronge nos cours d’eau pour finir dans les océans. Chaque année, 8 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les mers, soit l’équivalent d’un camion benne par minute. Des plastiques qui se fractionnent sous l’effet du vent, des vagues et de l’action du soleil pour se transformer en micro-plastiques. Pour mieux comprendre cette pollution et étudier son impact sur la biodiversité, une mission scientifique initiée par la Fondation Tara Océan s’est embarquée à bord de la goélette Tara. Ce navire parcourt le globe depuis 30 ans. Après les pôles et les récifs coralliens, le navire a mis le cap sur l’Europe et 9 de ses plus grands fleuves. Un voyage de 6 mois qui implique 40 chercheurs venus de 16 laboratoires.
Pour chacun des fleuves étudiés, les membres de l’équipage effectuent plusieurs prélèvements grâce à un filet manta. Ses mailles resserrées permettent de capturer ces plastiques plus petits qu’un grain de riz.
Jean-François GHIGLIONE – Directeur de la mission Microplastiques 2019
C’est simplement des filets qu’on met derrière le bateau pendant une demi-heure à peu près qui vont nous permettent de prélever les micro plastiques. Et on va les prélever à différents endroits : on va les prélever en mer et on va se rapprocher petit à petit du point de salinité zéro vers l’eau douce. On va passer par les villes pour voir l’influence de la pollution des villes sur ces micro-plastiques. On a une idée globale de la quantité de plastique qui arrive par les fleuves mais on ne connait pas vraiment les chiffres donc c’est important de quantifier et c’est important de savoir aussi quels types de plastiques on retrouve. En fonction du type de plastique on va réussir à retrouver la source de ces plastiques, quel type d’industrie par exemple est en train de polluer. Ca permettra de cibler les actions. Et enfin avec nos modèles, on va réussir en regardant les différents fleuves à prédire le devenir de ces plastiques dans les océans parce qu’on regarde les courants marins et on voit s’ils reviennent vers les plages ou s’ils vont aller plutôt au large.
À bord de TARA, les marins collaborent avec les scientifiques pour la collecte des échantillons. Le laboratoire sec à l’intérieur du navire permet une première analyse visuelle des microplastiques capturées dans les filets. Sur certains échantillons, les chercheurs vont également étudier la vie qui se développe à la surface de ces microplastiques. Des micro-organismes comme des bactéries sont capables de se fixer sur ces plastiques qui deviennent alors de véritables écosystèmes flottants. Certaines de ces bactéries sont porteuses de maladie qui pourraient avoir un impact sur la santé humaine. Car si l’ingestion de ces plastiques peut impacter la croissance et le système immunitaire de certains organismes marins, aucune étude n’a encore mis en évidence l’impact de cette pollution sur les humains.
La Tamise, la Seine, l’Elbe, le Rhin ou encore le Tibre charrient une pollution très variable selon les embouchures. Une partie des scientifiques de la mission a œuvré à terre, en parallèle du voyage de TARA. Un mois avant le passage du navire sur ces zones, cette équipe a déposé des nasses contenant des plastiques connus ainsi que des moules. Un protocole qui va permettre d’évaluer la toxicité des polluants présents dans l’eau et d’observer les bactéries qui se sont fixé sur les échantillons de plastiques. Le relevé de ces nasses est l’occasion de prélever du plastique sur les côtes et de constater la pollution des littoraux.
Leïla MEISTERTZHEIM – Biologiste marin
On est à la sortie de l’estuaire du Tibre donc juste après Rome et on est venus récupérer notre nasse et on est donc dans un lieu où on a tous les déchets qui viennent du fleuve et qui se retrouvent à la mer. Il y a beaucoup de gros déchets et on ne les voit pas mais on pense qu’il y a plein de petits déchets également cachés sous ces rochers et qui sont pour l’instant inaccessibles. C’est très caractéristique de la pollution plastique et de la pollution de manière générale parce que ce sont des objets lourds qui sont retrouvés ici sur la berge alors que d’habitude quand on échantillonne en mer on ne récupère que ce qui flotte, et ce qui flotte c’est 1% de la totalité de la pollution plastique. Ça a l’air d’être assez clair ici cette pollution elle vient bien de la terre, elle est portée par les rivières et les fleuves pour arriver en mer et on sait aujourd’hui que 80% des déchets plastiques qu’on retrouve en mer proviennent de la terre.
En plus des nasses, les chercheurs ont collecté à terre des échantillons de déchets qu’ils portent ensuite au laboratoire. Il va falloir trier patiemment ces prélèvements pour en extraire les plastiques et tenter de remonter jusqu’à leur source. Car après avoir rejoint la mer via les fleuves, ces plastiques vont traverser toute la chaîne alimentaire pour parvenir jusqu’à notre assiette, avec des conséquences sur notre santé qui restent encore à étudier.
Leïla MEISTERTZHEIM – Biologiste marin
Ces micro-plastiques une fois qu’ils se retrouvent en mer, ils sont colonisés immédiatement. Les bactéries vont changer leur odeur et les rendre vivants quelque part. Or ces micro-plastiques ils ont également des couleurs, des formes différentes. Certains flottent, d’autres coulent et pour un poisson rien ne ressemble plus à un zooplancton qu’un micro-plastique ils sont même plus capables de faire la différence. En méditerranée dans certains endroits, ce sont les résultats de la mission micro-plastique 2014, ils ont trouvé un zooplancton pour un micro-plastique, ce qui veut dire que le poisson avait une chance sur deux de se tromper et donc que nous on récupérait forcément du poisson avec du plastique.
En parcourant 17 000 km le long des côtes européennes, la mission de TARA va permettre de dresser le diagnostic d’une zone qui rejette le plus de plastique au monde après la Chine. Si débarrasser les mers de ces plastiques semble aujourd’hui impossible, les résultats de cette mission devraient permettre d’alerter les autorités européennes. Et il y a urgence : on estime que 5 mille milliards de ces micro-plastiques flottent aujourd’hui à la surface de nos océans.
Des fleuves de plastique
La goélette Tara vient de boucler son périple de six mois sur les plus grands fleuves d’Europe. Cette aventure scientifique va permettre de mieux comprendre l'origine de la pollution plastique qui frappe les océans. Chaque année, 8 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les mers.
Directeur de la mission Microplastiques 2019
Laboratoire d'océanographie microbienne
LOMIC CNRS / Sorbonne Université
Anne-Leïla MEISTERTZHEIM
Présidente de Plastic@Sea
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