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Un jour avec l’équipe de Curiosity

Un jour avec l’équipe de Curiosity

27.06.2014, par
Scientifiques du Fimoc travaillant sur la mission MSL Curiosity
Le rover Curiosity (ici à l’écran) envoie des informations quotidiennes sur la planète Mars aux scientifiques du Fimoc.
Le rover Curiosity fête sa première année martienne, soit 687 jours terrestres, sur la planète rouge ! Reportage au Fimoc, à Toulouse, l’un des centres de contrôle du robot. Les scientifiques y reçoivent les données recueillies par les instruments SAM GC et ChemCam et y élaborent les instructions qui leur seront envoyées.

16 heures : la journée commence pour les planétologues du Fimoc

Si certains songent déjà à la fin de journée, ce n’est pas le cas de la dizaine d’ingénieurs et de chercheurs du Fimoc (French Instrument Mars Operation Centre), le centre d’opération des instruments français de la mission Mars Science Laboratory (MSL), installé au Cnes, à Toulouse. Et pour cause : « Comme nous travaillons en partenariat avec le Jet Propulsion Laboratory (JPL) de Pasadena, en Californie, toute l’équipe est à l’heure américaine !, indique le planétologue Olivier Forni, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap), tout proche du Cnes. L’avantage, c’est que, lorsqu’il est 8 heures du matin à Pasadena, c’est déjà l’après-midi à Toulouse, donc on peut commencer à travailler sur les données avant le début de la journée officielle. » À leur arrivée, les scientifiques découvrent ainsi les informations que Curiosity a envoyées aux satellites MRO et Odyssey, en orbite autour de Mars, au cours de leurs deux à trois passages quotidiens au-dessus du rover, qu’ils ont ensuite renvoyées en direction de la Terre. Au Fimoc, chaque journée commence par un briefing de santé : avant de s’intéresser aux données scientifiques, les ingénieurs s’assurent avant tout que ces derniers fonctionnent bien. « On cherche notamment à savoir si les instruments ont fonctionné normalement, par exemple si le laser utilisé par l’instrument ChemCam pour vaporiser la roche n’a pas trop chauffé, ce qui pourrait fausser l’analyse par spectroscopie, ou si une activité n’a pas duré plus longtemps que prévu », explique Charles Yana, l’un des ingénieurs responsables des opérations pour ChemCam.

17 heures : les scientifiques analysent les données recueillies par le rover Curiosity

Les scientifiques, réunis en groupes thématiques (minéralogie, géologie, environnement martien), commencent à travailler sur les données reçues : en fonction des panoramas photographiques acquis la veille ou quelques jours auparavant par la caméra NavCam, ils identifient les roches sur lesquelles il sera le plus intéressant de tirer. Les résultats recueillis par les autres instruments comme SAM GC, qui analyse la composition du sol martien, sont examinés à la loupe. Mais parfois, les informations sont incomplètes. Comme le précise David Coscia, l’ingénieur du CNRS (Latmos)1 responsable de SAM GC, « la quantité de données envoyées vers le satellite relais étant limitée, les informations sont classées selon un ordre de priorité. Du coup, il arrive qu’on reçoive des données qui nous disent que l’instrument démarre, que tout se passe bien et, quand il commence à transmettre ses résultats, tout s’arrête, on n’a plus rien ! Il faut donc attendre le passage suivant de l’orbiteur, le lendemain matin, pour obtenir la suite… »

 

Scientifiques du Fimoc travaillant sur la mission MSL Curiosity
L’équipe du Fimoc assure, en collaboration avec des laboratoires américains, la récupération et le traitement des données recueillies par le rover Curiosity.
Scientifiques du Fimoc travaillant sur la mission MSL Curiosity
L’équipe du Fimoc assure, en collaboration avec des laboratoires américains, la récupération et le traitement des données recueillies par le rover Curiosity.

 

19 heures : les chercheurs décident du programme du rover Curiosity pour le lendemain

C’est le début de la première réunion du jour avec Pasadena. « C’est aussi la plus importante : le Sowg (Science Operations Working Group). C’est à ce moment que les scientifiques sélectionnent quelles sont les activités que le rover accomplira le lendemain, poursuit Charles Yana. Comme le temps imparti pour l’utilisation des instruments est assez restreint, on ne peut pas tout faire. Il faut donc procéder à des arbitrages, privilégier une activité par rapport à une autre. Alors bien sûr, chacun essaie de pousser à l’utilisation de l’instrument dont il s’occupe : mais il n’y a pas pour autant de guerre entre les scientifiques. Notre philosophie, c’est de considérer que, si une activité a été choisie par rapport à une autre, c’est qu’elle était plus intéressante pour la mission. » Lorsque le meeting se termine, le plan d’activités des instruments du rover, en particulier pour ChemCam et SAM GC, est prêt.

21 heures : les chercheurs définissent les paramètres qui vont être envoyés aux instruments

Après le Sowg, une deuxième réunion commence presque aussitôt. Les chercheurs définissent les paramètres qui seront envoyés aux instruments et valident les activités qui ont été décidées au cours de la réunion précédente. Plus ponctuellement, des synthèses de résultats sont également présentées à l’ensemble de l’équipe : « Par exemple, une fois par semaine, on présente les données qui ont été rassemblées par ChemCam lors de la semaine précédente », explique Olivier Forni. Les ingénieurs ne sont pas en reste : « Si des activités sont prévues pour ChemCam, on reste pour la nuit, sinon on rentre chez nous… Mais cela arrive rarement, ajoute Charles Yana en riant. On se prépare toujours à rester un peu plus longtemps. Alors bien sûr, pour ceux qui ont des familles, c’est un peu difficile. Mais heureusement, nous partageons nos activités avec le Laboratoire national de Los Alamos (LANL, Nouveau-Mexique) : une semaine, ce sont les Français qui préparent les commandes et analysent les données, la suivante, ce sont les Américains au LANL. Et maintenant, on ne travaille plus le week-end ! En contrepartie, les vendredis soir sont assez intenses, car on y programme les trois prochains jours d’activités. »

22 heures : il est temps pour les ingénieurs de programmer les instructions et de les envoyer au rover Curiosity

Une fois le planning validé, les ingénieurs commencent à coder les instructions destinées au rover. Les séquences de commandes sont envoyées au JPL et validées sur place, tandis qu’au Fimoc d’autres réunions auront lieu au cours de la nuit pour vérifier que les règles d’utilisation de l’instrument ont été bien respectées. « Plus que la programmation, ce sont les validations qui prennent du temps, souligne Charles Yana, car il faut s’assurer, par exemple, que le bras du rover ne se trouve pas là où on va tirer ! » Impossible de contrôler le rover en temps réel. Ainsi, comme le reconnaît l’ingénieur, « il y a toujours un peu de stress à envoyer les commandes, car il nous faut attendre à chaque fois un ou deux jours pour savoir si les activités se sont bien passées… » Vers 3 ou 4 heures du matin, enfin, la journée de travail s’achève : les commandes sont transmises au JPL, qui les renvoie immédiatement vers Curiosity ou un satellite relais. Une nouvelle journée de travail commence… cette fois-ci sur Mars !
 

Cet article a été publié dans CNRS Le journal n°275 (hiver 2014).

Sur le même sujet : « Vie sur Mars : l’enquête progresse »

Notes
  • 1. Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (unité CNRS/UPMC/UVSQ).
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Auteur

Simon Castéran

Simon Castéran, né en 1982, est journaliste et passionné de sciences. Depuis plusieurs années, il se consacre à la vulgarisation scientifique, notamment dans le domaine de l’astronomie, de la conquête spatiale et de l’exobiologie.

 

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