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Le solaire brille déjà

Dossier
Paru le 14.01.2019
Mis à jour le 02.08.2019
« Explorons de nouveaux mondes »

Le solaire brille déjà

18.12.2018, par
Temps de lecture : 8 minutes
Centrale solaire à Aigaliers, dans le Gard.
En 2018, les capacités de production d’énergie photovoltaïque ont bondi de près de 20%. Si la Chine est en tête de la course au solaire, la recherche française reste à la pointe des technologies de rupture. À l’occasion de l’inauguration de l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France, le 18 décembre 2018 à Saclay, le point sur une épopée scientifique et industrielle.

Solar Impulse, centrales ou routes solaires, panneaux photovoltaïques flottants ou déployables : les projets innovants en matière de solaire sont légion. En seulement quelques années, l’électricité photovoltaïque a atteint près de 2,1% de la production d’électricité française1 sur les douze derniers mois. Le solaire, une filière d’avenir ? Pour Daniel Lincot, directeur de l’Institut de recherche et développement sur l’énergie photovoltaïque2, cela ne fait aucun doute : « Il y a quinze ans, le photovoltaïque ne pesait quasiment rien. En 2017, ce sont 100 GW qui ont été installés. C’est une ressource encore trop sous-estimée et dont le potentiel est considérable ! », explique-t-il. La recherche avance vite et se dote de moyens, comme l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF)3, pour y parvenir.

Dépasser les plafonds de rendement

Créé en 2013 dans le cadre des « investissements d’avenir », l’IPVF est labellisé Institut pour la transition énergétique. L’inauguration le 18 décembre du nouveau bâtiment, au cœur du campus de Paris-Saclay à Palaiseau, marque un nouveau cap. Cette structure inédite rassemble 3500m2 de laboratoires et de salles blanches, c’est-à-dire vidées au maximum des particules en suspension contenues dans l’air, 150 chercheurs et chercheuses, une centaine d’équipements de recherche de pointe et associe à la fois des partenaires académiques, comme le CNRS ou l’École Polytechnique, de grands industriels comme EDF, Total et Air liquide et de plus petites entreprises, comme Horiba Jobin Yvon ou Riber. Et entend bien construire des ponts entre la recherche fondamentale et les innovations industrielles. « Face aux défis que pose la transition énergétique, c’est une véritable opportunité pour nous d’être capables, en France et au sein de l’Europe, de disposer d’un endroit qui permet de mobiliser et de fédérer la recherche expérimentale et des partenaires industriels », insiste Jean-François Guillemoles, directeur de recherche au CNRS et directeur de recherche de l’IPVF. Car le solaire est la source d’énergie qui se développe le plus vite dans le monde ; celle aussi dont le potentiel de croissance est le plus important ; celle, encore, en passe de devenir la source d’électricité la moins chère du marché.
 

Sur le campus de Paris-Saclay, à Palaiseau, l’IPVF entend construire des ponts entre la recherche fondamentale et les innovations industrielles.
Sur le campus de Paris-Saclay, à Palaiseau, l’IPVF entend construire des ponts entre la recherche fondamentale et les innovations industrielles.

Déjà viable et compétitif, le coût du photovoltaïque a chuté d’un facteur 1000 sur les trente dernières années pour atteindre aujourd’hui moins de 20 euros le mégawattheure, dans les endroits les plus favorables. Mais pour les chercheurs, certains verrous limitent encore son développement. « Nous avons pu identifier trois grands défis scientifiques à relever pour l’avenir : la baisse des coûts de production, l’amélioration de la performance des cellules photovoltaïques et, enfin, l’allongement de la durée de vie des panneaux solaires, qui se situe aujourd’hui entre vingt et trente ans », détaille Daniel Lincot, qui est également directeur scientifique de l’IPVF. Tout l’enjeu est de dépasser les plafonds de rendement des technologies actuelles, c’est-à-dire la capacité de ces matériaux semi-conducteurs à piéger et à transformer la lumière du soleil en électricité.
 

Pulvérisation cathodique de matériaux photovoltaïques dans l’une des salles blanches (vidées au maximum des particules en suspension contenues dans l’air) de l’IPVF.
Pulvérisation cathodique de matériaux photovoltaïques dans l’une des salles blanches (vidées au maximum des particules en suspension contenues dans l’air) de l’IPVF.

 

Trouver des ruptures technologiques

La filière silicium4 représente aujourd’hui près de 95 % du marché de l’énergie solaire, mais de nouvelles voies sont à l’étude pour capturer plus efficacement les photons. « Il y a un véritable foisonnement des filières : le silicium cristallin, une technologie déjà mature, qui atteint un rendement record de plus de 25 % ; la filière dite des “couches minces”, à base de matériaux semi-conducteurs, tels que le CIGS5, le silicium ou le tellurure de cadmium, qui s’en approchent avec, respectivement 22,9 % et 22,1 % ; les matériaux dits ”III-V” tels que le GaAs où l’on atteint un rendement à 29,1 % – plus de 40 % en multijonctions ; et enfin, plus récemment, les pérovskites, un type de cellules solaires hybrides. Elles sont constituées d’un mélange de matériaux organiques et inorganiques qui, en quelques années, atteignent environ 23 % de rendement, mais soulèvent encore certaines questions en termes de stabilité », précise Pere Roca i Cabarrocas, directeur du Laboratoire de physique des interfaces et des couches minces6 et directeur de la Fédération de recherche photovoltaïque.
 

Le solaire est la source d’énergie qui se développe le plus vite dans le monde ; celle aussi dont le potentiel de croissance est le plus important ; celle, encore, en phase de devenir la source d’électricité la moins chère du marché.

Ces filières émergentes sont étudiées spécifiquement à l’IPVF. Pour cause, les chercheurs considèrent que l’avenir du photovoltaïque passe par la convergence de ces filières, en particulier dans des cellules tandems, une priorité pour l’IPVF. Ces cellules reposent sur l’association d’une cellule à base de silicium et d’une cellule pérovskite ou encore le couplage avec des cellules III-V (en référence à la place des éléments utilisés dans le tableau périodique). Et de fait : en décembre, l’Institut a obtenu un nouveau record d’efficacité, justement pour des cellules solaires III-V pouvant être couplées au silicium avec une efficacité de conversion de 18.7 %. « Quelle est la meilleure piste ? Pour l’instant, nous ne la connaissons pas encore. Chacun doit encore pousser ses technologies au maximum : l’innovation est aux interfaces », ajoute Pere Roca i Cabarrocas.

Les limites de rendement des cellules solaires sont estimées à plus de 85 %. Si elles sont encore loin des démonstrations en laboratoire, les atteindre est l’un des objectifs de recherche des laboratoires de l’IPVF. Aussi, pour développer au mieux ces filières technologiques de rupture, comme pour améliorer de façon accélérée les filières existantes, l’IPVF et ses partenaires développent également des méthodes de caractérisation et de simulation avancées, comme l’altération des cellules photovoltaïques soumises à certaines conditions. Enfin, un programme de recherche transverse vise à évaluer l’impact et les opportunités socio-économiques offerts par les technologies solaires.
 

Réseaux de nanofils à base de semiconducteurs III-V, dont la croissance a été réalisée directement sur du silicium. Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet III-V de l'IPVF, dont l'objectif est de réaliser des cellules solaires à haut rendement dites "tandem", formées d'un empilement de semiconducteurs III-V sur silicium.
Réseaux de nanofils à base de semiconducteurs III-V, dont la croissance a été réalisée directement sur du silicium. Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet III-V de l'IPVF, dont l'objectif est de réaliser des cellules solaires à haut rendement dites "tandem", formées d'un empilement de semiconducteurs III-V sur silicium.

Par ailleurs, en marge de la Cop21, l’IPVF s’est fixé une mission ambitieuse, celui des « 30/30/30 » : 30 % de rendement à 30 centimes de dollar le watt en 2030. « Nous ne sommes pas là que pour faire de la belle recherche mais aussi pour répondre à de grands enjeux économiques, écologiques, sociaux ; pour anticiper ce qui va se passer dans les dix ans, dans les vingt ans. Nous travaillons sur des programmes et des projets plus grands que nous. Cette transition énergétique, tout le monde la veut mais elle est difficile », partagent les chercheurs. L’objectif de la France est d’atteindre les 30 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Propre, disponible, de moins en moins coûteux, recyclable à plus de 90 %, le solaire est prêt à en prendre sa part. ♦

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Notes
  • 1. Ce qui place la France dans la moyenne mondiale. À titre d’exemple, en Allemagne et en Italie, le photovoltaïque atteint environ 7% de la production d'électricité.
  • 2. Unité CNRS/Chimie ParisTech/EDF.
  • 3. Unité CNRS/École Polytechnique/EDF/Air Liquide/Total/Horiba/Investir l’avenir/Riber.
  • 4. Le principe consiste à découper des lingots de silicium en plaquettes pour former des cellules photovoltaïques capables de transformer l’énergie solaire en électricité. L’une des limites du silicium est l’épaisseur nécessaire de ces plaquettes pour absorber efficacement la lumière du soleil. Le silicium est le deuxième élément le plus abondant de la croûte terrestre après l’oxygène.
  • 5. Pour diséléniure de cuivre, gallium et indium.
  • 6. Unité CNRS/École polytechnique.