Vous êtes ici
Transcript
Fermer
Ils se trouvent face à des chefs d’œuvres de la peinture – des tableaux des frères Le Nain exposés au Louvre Lens. Certains de ces visiteurs semblent pourtant absorbés par leurs tablettes.
Nouvel exemple de l’addiction au virtuel ? Et si, au contraire, le numérique aidait à mieux plonger dans le réel ?
C’est le pari du sociologue Mathias Blanc, qui coordonne une étude pionnière, à la croisée de l’informatique, des sciences humaines et de l’histoire de l’art.
Devant une sélection d'œuvre, il pose deux questions aux visiteurs.
Mathias Blanc : « La première : qu’est ce qui attire en premier votre regard. Vous avez une reproduction de l’œuvre. Vous me le montrez uniquement par le tracé ».
« Je vais vous poser une deuxième questions : pour vous, qu’est ce qui est important dans cette œuvre ».
Sur ces tablettes, l’application Ikonikat, un questionnaire visuel,tactil.
Son Objectif est de comprendre la façon dont les images sont perçues par les différents publics, dans différents contextes.
Interview Mathias Blanc, sociologue
Avec Ikonikat, ce que l’on cherche c’est de se rapprocher de l’expérience visuelle du visiteur. Qu’est-ce qui se passe quand on regarde une image ? On se rend compte que par le tracé on est beaucoup plus proche de l’expérience visuelle que si on demande à chacun de parler de ce qu’il voit !
Etudiants, enfants, personnes non-francophones… tout visiteur peut participer à l’étude. Et tous doivent remplir un questionnaire, qui renseigne leur profil sociologique.
Une donnée clé pour faire des statistiques.
Ces tracés servent ainsi de matière première pour le travail des chercheurs…
Interview Mathias Blanc
Les tracés bleus sont les tracés singuliers. Plus les tracés sont fréquents, plus la couleur change et progresse vers des tons chauds. »
Résultat : les regards peuvent changer radicalement d’un public à l'autre. C’est notamment ce que montre une étude menée aux musées des beaux arts de Lille, sur cette Allégorie de la Justice de Jean-Baptise Wicar.
Interview Mathias Blanc
Nous retrouvons Salomon sur la droite qui ordonne à son soldat, pour départager les deux mères qui réclament la maternité de l’enfant vivant de couper l’enfant en deux. A travers ce stratagème, il va découvrir qui est la véritable mère étant donné que c’est celle ci qui empêche le soldat de couper le bébé en deux.
Un groupe d’enfant ayant suivi un programme de sensibilisation à l’histoire de l’art remarque le bras tendu et la main sur le cœur de Salomon, des symboles de justice.
Alors que des enfants ou des adultes sans formation artistique n’ont pas perçu ces symboles. Ils s’intéressent avant tout au glaive du soldat et au nourrisson menacé.
Interview Mathias Blanc
Donc c’est une allégorie de la justice, mais les personnes, au contraire, identifient ça comme une scène d’une violence extrême. Et ce que me disaient les adultes qui ne vont pas dans les musées, c’est : ‘Voilà vous voyez bien, moi je n’y comprends rien, donc c’est pour cela que ne n’y vais pas’. Or ce n’est pas qu’ils ne comprennent rien, ils ont un regard, une lecture qui est tout à fait pertinente, mais elle n’est pas prise en compte quand ils arrivent au musée. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas été identifiée !
Au-delà de l’étude sociologique, Ikonikat intéresse donc les personnels des musées comme c’est le cas au Louvre-Lens, situé dans une ancienne région minière défavorisée.
Interview Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens
Ici, on veut toucher des gens qui ne viennent jamais dans les musées. Et pour ce faire on a besoin de comprendre ce qui se passe quand du public non familier des musées est mis en contact avec des chefs d’œuvre de l’art.
Et puis nous permettre d’abord ajuster, de régler la médiation auprès des publics, avant, pendant, après.
Comment on parle, est-ce que cela apporte quelque chose, est-ce que cela n’apporte rien ? Est-ce que l’on voit différemment, selon la séquence de découverte d’une exposition ?
Enfin, je dirais qu’en termes d’histoire de l’art, c’est aussi très intéressant.
Pour moi le sens d’une œuvre il n’est pas donné une fois pour toute par l’artiste qui l’a créée.
Le sens d’une oeuvre il est construit quand on met cette œuvre en relation avec le plus de visiteurs possible, et chaque visiteur va enrichir l’oeuvre de son propre regard, et c’est pour cela aussi qu’Ikonikat m’intéresse.
Après l’exercice du tracé, le sociologue échange également avec les visiteurs et recueille leur témoignage.
Le père : « Vas-y toi tiens ! »
La fille : « J’ai l’impression que la fille, là, elle va se marier et que l’homme avec des cheveux gris, derrière celui qui a la mandoline, c’est l’époux ».
Et ces échanges, en effet, nourrissent déjà le travail des experts. Ils leur permettent de découvrir d’autres aspects des œuvres d’art, pourtant déjà bien étudiés.
Mathias
« Une scène qui représenterait une noce, c’est quelque chose qui n’était pas envisagée dans les écrits, donc c’est très intéressant pour nous aussi, vous n’êtes pas les seuls à le mettre en avant ».
Plus de 600 visiteurs apporteront ainsi leur éclairage sur l’exposition Le Nain grace à l'outil Ikonikat et permettront d'aider à percer les mystères du regard - ou plutôt des regards - sur l’art.
Nouvel exemple de l’addiction au virtuel ? Et si, au contraire, le numérique aidait à mieux plonger dans le réel ?
C’est le pari du sociologue Mathias Blanc, qui coordonne une étude pionnière, à la croisée de l’informatique, des sciences humaines et de l’histoire de l’art.
Devant une sélection d'œuvre, il pose deux questions aux visiteurs.
Mathias Blanc : « La première : qu’est ce qui attire en premier votre regard. Vous avez une reproduction de l’œuvre. Vous me le montrez uniquement par le tracé ».
« Je vais vous poser une deuxième questions : pour vous, qu’est ce qui est important dans cette œuvre ».
Sur ces tablettes, l’application Ikonikat, un questionnaire visuel,tactil.
Son Objectif est de comprendre la façon dont les images sont perçues par les différents publics, dans différents contextes.
Interview Mathias Blanc, sociologue
Avec Ikonikat, ce que l’on cherche c’est de se rapprocher de l’expérience visuelle du visiteur. Qu’est-ce qui se passe quand on regarde une image ? On se rend compte que par le tracé on est beaucoup plus proche de l’expérience visuelle que si on demande à chacun de parler de ce qu’il voit !
Etudiants, enfants, personnes non-francophones… tout visiteur peut participer à l’étude. Et tous doivent remplir un questionnaire, qui renseigne leur profil sociologique.
Une donnée clé pour faire des statistiques.
Ces tracés servent ainsi de matière première pour le travail des chercheurs…
Interview Mathias Blanc
Les tracés bleus sont les tracés singuliers. Plus les tracés sont fréquents, plus la couleur change et progresse vers des tons chauds. »
Résultat : les regards peuvent changer radicalement d’un public à l'autre. C’est notamment ce que montre une étude menée aux musées des beaux arts de Lille, sur cette Allégorie de la Justice de Jean-Baptise Wicar.
Interview Mathias Blanc
Nous retrouvons Salomon sur la droite qui ordonne à son soldat, pour départager les deux mères qui réclament la maternité de l’enfant vivant de couper l’enfant en deux. A travers ce stratagème, il va découvrir qui est la véritable mère étant donné que c’est celle ci qui empêche le soldat de couper le bébé en deux.
Un groupe d’enfant ayant suivi un programme de sensibilisation à l’histoire de l’art remarque le bras tendu et la main sur le cœur de Salomon, des symboles de justice.
Alors que des enfants ou des adultes sans formation artistique n’ont pas perçu ces symboles. Ils s’intéressent avant tout au glaive du soldat et au nourrisson menacé.
Interview Mathias Blanc
Donc c’est une allégorie de la justice, mais les personnes, au contraire, identifient ça comme une scène d’une violence extrême. Et ce que me disaient les adultes qui ne vont pas dans les musées, c’est : ‘Voilà vous voyez bien, moi je n’y comprends rien, donc c’est pour cela que ne n’y vais pas’. Or ce n’est pas qu’ils ne comprennent rien, ils ont un regard, une lecture qui est tout à fait pertinente, mais elle n’est pas prise en compte quand ils arrivent au musée. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas été identifiée !
Au-delà de l’étude sociologique, Ikonikat intéresse donc les personnels des musées comme c’est le cas au Louvre-Lens, situé dans une ancienne région minière défavorisée.
Interview Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens
Ici, on veut toucher des gens qui ne viennent jamais dans les musées. Et pour ce faire on a besoin de comprendre ce qui se passe quand du public non familier des musées est mis en contact avec des chefs d’œuvre de l’art.
Et puis nous permettre d’abord ajuster, de régler la médiation auprès des publics, avant, pendant, après.
Comment on parle, est-ce que cela apporte quelque chose, est-ce que cela n’apporte rien ? Est-ce que l’on voit différemment, selon la séquence de découverte d’une exposition ?
Enfin, je dirais qu’en termes d’histoire de l’art, c’est aussi très intéressant.
Pour moi le sens d’une œuvre il n’est pas donné une fois pour toute par l’artiste qui l’a créée.
Le sens d’une oeuvre il est construit quand on met cette œuvre en relation avec le plus de visiteurs possible, et chaque visiteur va enrichir l’oeuvre de son propre regard, et c’est pour cela aussi qu’Ikonikat m’intéresse.
Après l’exercice du tracé, le sociologue échange également avec les visiteurs et recueille leur témoignage.
Le père : « Vas-y toi tiens ! »
La fille : « J’ai l’impression que la fille, là, elle va se marier et que l’homme avec des cheveux gris, derrière celui qui a la mandoline, c’est l’époux ».
Et ces échanges, en effet, nourrissent déjà le travail des experts. Ils leur permettent de découvrir d’autres aspects des œuvres d’art, pourtant déjà bien étudiés.
Mathias
« Une scène qui représenterait une noce, c’est quelque chose qui n’était pas envisagée dans les écrits, donc c’est très intéressant pour nous aussi, vous n’êtes pas les seuls à le mettre en avant ».
Plus de 600 visiteurs apporteront ainsi leur éclairage sur l’exposition Le Nain grace à l'outil Ikonikat et permettront d'aider à percer les mystères du regard - ou plutôt des regards - sur l’art.
Comment regarde-t-on une œuvre d’art ?
04.05.2017
Voyons-nous tous la même chose dans une œuvre d’art ? Une étude pionnière, au carrefour de la sociologie, de l’informatique et de l’histoire de l’art, est menée en ce moment auprès du public du musée du Louvre-Lens. Plongée dans la diversité des regards qui s’expriment devant des toiles de maîtres, avec le dispositif Ikonikat coordonné par le chercheur Mathias Blanc.
À propos de cette vidéo
Titre original :
Tracer les regards sur les œuvres
Année de production :
2017
Durée :
5 min 53
Réalisateur :
Alice Pouyat
Producteur :
CNRS Images
Intervenant(s) :
Mathias Blanc
Institut de Recherche Historique du Septentrion (IRHiS)
CNRS / Université de Lille
Marie Lavandier
Musée du Louvre-Lens
Institut de Recherche Historique du Septentrion (IRHiS)
CNRS / Université de Lille
Marie Lavandier
Musée du Louvre-Lens
Journaliste(s) :
Les vidéos récentes
Vidéo