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Revisiter la question du vivant

Revisiter la question du vivant

28.10.2016, par
De nombreux dogmes ont été bouleversés en 20 ans : la mise en évidence d’un autre type d’hérédité, l’épigénétique, a fait vaciller l’idée d’une hérédité purement génétique.
Que sait-on aujourd'hui de la vie, de ses origines et de son évolution, qu’elle soit naturelle, artificielle ou extraterrestre ? Des questions au cœur du colloque «Qu’est-ce que la vie?», qui se tiendra les 2 et 3 novembre au siège du CNRS à Paris. Nous avons rencontré le biologiste Dominique Dunon-Buteau, organisateur de cet événement.

Dominique Dunon-Buteau, vous êtes à l’initiative du colloque « Qu’est-ce que la vie ? » organisé sous l’égide de la Mission pour l’interdisciplinarité du CNRS. Pourquoi ce colloque ?
D. D.-B. : Parce qu’il était devenu crucial de faire un point sur les nombreuses avancées réalisées ces deux décennies dans la compréhension de la vie. Certaines ont remis en cause des dogmes vieux parfois de plusieurs siècles !

En 2015, on a découvert que plus de 80 % des espèces vivantes marines restaient inconnues...

C’est le cas par exemple de la mise en évidence au début des années 2000 d’un nouveau type d’hérédité, l’épigénétique, qui a fait vaciller l’idée d’une hérédité uniquement génétique, datant du XIXe siècle. Ou de la découverte en 2015, lors de l’expédition océanique Tara – soutenue par le CNRS –, que plus de 80 % des espèces vivantes marines (pour l’essentiel, des micro-organismes) restaient inconnues…
De plus, il était nécessaire de réaliser une synthèse sur les avancées réalisées dans les autres disciplines traitant aussi de la vie.
 

C’est pourquoi ce colloque est très interdisciplinaire, avec des intervenants issus de diverses spécialités traitant de la vie : biologie, médecine, chimie, physique ou encore informatique, mais aussi sciences humaines (philosophie, droit…). En ce qui me concerne par exemple, en tant que chercheur spécialisé en biologie cellulaire, je n’ai pas eu le temps de suivre ce qui se faisait dans ces autres domaines. Bref, j’ai organisé le colloque auquel je souhaitais assister ! (Lire « En coulisses ».) De fait, cet événement s’inscrit dans une plus large action de communication sur le vivant. Laquelle fait suite à la présentation, le 22 septembre dernier à l’Assemblée nationale, d’un ouvrage très important : le Livre blanc pour les sciences du vivant au XXIe siècle1. Rassemblant les réflexions d’une centaine de scientifiques de différents organismes de recherche, cet ouvrage décrit les tournants majeurs survenus récemment dans le domaine de la vie, et les nouvelles pistes de recherche ouvertes par ces bouleversements, pour les vingt prochaines années.

À qui s’adresse cet événement ?
D. D.-B. : À tous, en fait : non seulement aux chercheurs, mais aussi aux étudiants, aux enseignants du secondaire, et à tous ceux qui, dans la société, sont intéressés de près ou de loin par les questions touchant à la vie2.

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La mission Tara océans a révélé une diversité planctonique jusqu'alors insoupçonnée.
La mission Tara océans a révélé une diversité planctonique jusqu'alors insoupçonnée.

Quels en sont les objectifs ?
D. D.-B. : Ils sont doubles. Le premier enjeu est de revisiter, à la lumière des progrès récents, la question  « qu’est-ce que la vie ? », une interrogation existentielle pour l’humain. Nous avons choisi cette question comme titre pour notre colloque, en référence à un essai de vulgarisation éponyme, publié en 1944 par le physicien autrichien Erwin Schrödinger. Remarquable, ce livre, qui proposait l’idée d’un « cristal apériodique » contenant l’information génétique, a stimulé la communauté scientifique dans la recherche du support de l’information génétique. Or justement, le second but de notre colloque est aussi de stimuler la recherche sur le vivant.

C’est-à-dire ?
D. D.-B. : Nous espérons que cet événement pourra faire émerger de nouvelles pistes de recherche interdisciplinaires, susceptibles d’être soutenues financièrement par le CNRS. En effet, cette rencontre laisse beaucoup de place aux échanges entres les participants. Cela, afin de leur permettre de confronter leurs connaissances et leur vision du vivant.
 

Il n’y a pas qu’une seule définition de la vie… mais près de 300 différentes, selon les disciplines !

Quelles seront les thématiques abordées ?
D. D.-B. : Le colloque comprend quatre sessions. La première, intitulée « Définitions du vivant » sera l’occasion de disserter spécifiquement sur la question « qu’est-ce que la vie ? ». La suivante portera sur « Les origines » de la vie. La session « Évolutions », sur les questions « Comment la vie a-t-elle évolué sur Terre ? » et « Quel regard portons-nous sur nos propres vies d’êtres humains ? ». Et la quatrième et dernière (« Mimer le vivant – Enjeux et conséquences »), sur l’appropriation par l’homme des connaissances sur le vivant pour fabriquer de la vie. La partie sur la définition de la vie sera la plus longue. 
 

Pour quelle raison ?
D. D.-B. :
Parce qu’il n’y a pas qu’une seule définition de la vie… mais près de 300 différentes, selon les disciplines ! En effet, la vie est une notion empirique complexe à circonscrire. Du coup, biologistes, généticiens, médecins, physiciens, chimistes ou encore philosophes ou juristes, tous ont cherché à délimiter ses contours, sans qu’aucune définition ne fasse l'unanimité.

Quelques exemples ?
D. D.-B. :
Comme le rappellera un intervenant du colloque, pour les médecins les êtres vivants sont caractérisés par leur organisation complexe et leurs facultés de se reproduire, d’évoluer, de renouveler leur substance, et de mourir ; ce qui fit dire au physiologiste Claude Bernard (1813-1878) : « La vie, c’est la mort ». En revanche, pour les chimistes, les molécules organiques (à base de carbone) qui composent les êtres vivants correspondent déjà à de la vie. Quant aux biologistes, ils n’imaginent pas la vie sans une frontière distinguant l’individu de son environnement, comme la membrane pour la cellule vivante. Et caetera. La première session du colloque permettra de mettre en perspective ces différentes définitions, afin d’essayer d’arriver à une compréhension globale.

Cette modélisation en 3D de l'organisation des chromosomes dans le noyau d'une cellule permet aux chercheurs de mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent le repliement de l'ADN.
Cette modélisation en 3D de l'organisation des chromosomes dans le noyau d'une cellule permet aux chercheurs de mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent le repliement de l'ADN.
 

Quid de la vie extraterrestre ? En sera-t-il aussi question ?
D. D.-B. :
Oui ; et à plusieurs reprises même. Notamment, on parlera de la « matière organique extraterrestre » en provenance du milieu interplanétaire et interstellaire, dont l’origine reste encore très énigmatique après plusieurs décennies d’étude. Par ailleurs, il y aura aussi la présentation « De la matière organique à la vie » : destinée à la base à débattre des hypothèses sur les processus ayant conduit à l’apparition de la vie sur Terre, cette intervention sera aussi l’occasion de s’interroger sur la possibilité d’une vie extraterrestre fonctionnant dans des conditions physico-chimiques différentes de celles sur notre planète, ou avec des éléments chimiques autres que le carbone, comme le silicium.
 
Le cas de la vie humaine bénéficiera d’un traitement spécial… Pourquoi ?
D. D.-B. :
Parce que contrairement à l’ensemble du monde vivant, où en général l’espèce prime sur l’individu, dans notre espèce l’individu est au centre de nos sociétés. Comme l’illustre la Déclaration des droits de l’homme. Aussi ai-je demandé à une sociologue et une historienne des sciences de nous parler des frontières temporelles de la vie de l’individu : la naissance, le vieillissement et la mort. Ceci permettra de débattre de plusieurs questions importantes : quand débute la vie humaine ? Dès l’embryon (0 à 8 semaines de grossesse) ? Qu’est-ce que la mort ? Est-il possible de retarder le vieillissement ? Etc.
 

Deux ingrédients fondamentaux de la vie ont été découverts dans les gaz de la comète Tchouri : la glycine, un acide aminé, et le phosphore, un élément clé de l'ADN et des membranes des cellules.
Deux ingrédients fondamentaux de la vie ont été découverts dans les gaz de la comète Tchouri : la glycine, un acide aminé, et le phosphore, un élément clé de l'ADN et des membranes des cellules.

La dernière session abordera l’imitation et la création de vie en laboratoire… De quoi s’agit-il exactement ? Des robots ?
D. D.-B. :
Oui, mais pas seulement. Effectivement, on y fera le point sur les résultats d’un demi-siècle de recherche en robotique, de l’introduction des robots sur les chaines de montage de General Motors aux robots humanoïdes. On y traitera aussi de la vie artificielle « bio-inspirée », ce champ de recherche visant à imaginer des robots dotés d’une grande autonomie, en tentant de reproduire par exemple les mouvements très maîtrisés des animaux, ou le sens électrique de certains poissons3. Mais la domestication du vivant renvoie aussi à la biologie de synthèse.
 
Qu’est-ce ?
D. D.-B. :
Encore à ses débuts, ce champ de recherche vise soit à détourner les fonctions des cellules vivantes pour fabriquer par exemple des médicaments ou de l’énergie, soit carrément à créer des « cellules artificielles », renfermant des chromosomes entièrement fabriqués de façon artificielle. C’est ce qu’a fait en 2010 le biotechnologiste américain Craig Venter, qui a réussi à créer la première bactérie synthétique. Cette recherche pose des questions de société majeures : dans quelles limites a-t-on le droit de modifier le vivant ou de le créer ? Pourra-t-on un jour concevoir un être vivant à partir de rien ? Etc. Ces interrogations seront sans doute longuement débattues lors du colloque.

Pour en savoir plus sur le colloque : « Qu'est-ce que la vie ? »

Notes
  • 1. Réalisé sous la direction de Catherine Jessus, directrice de l’Institut des sciences biologiques du CNRS ; à paraître en janvier 2017 aux Éditions du CNRS.
  • 2. L’inscription – gratuite – est obligatoire. L’événement sera retransmis en webdiffusion.
  • 3. Sens permettant à certains poissons de mesurer des variations des champs électriques dans leur environnement, et ainsi de repérer et d’éviter des obstacles dans des eaux boueuses à visibilité réduite.
Aller plus loin

Coulisses

« Mettre sur pied un tel événement me tenait particulièrement à cœur compte tenu de mon expérience passée d’attaché de coopération scientifique et universitaire à l’ambassade de France en Suisse, qui m’a fortement sensibilisé à l’importance de la communication entre les différentes disciplines scientifiques », explique Dominique Dunon-Buteau, directeur adjoint scientifique à l’Institut des sciences biologiques du CNRS, chercheur et enseignant de biologie cellulaire du développement à l’université Pierre et Marie Curie (Paris), et organisateur de ce colloque très interdisciplinaire.

Auteur

Kheira Bettayeb

Journaliste scientifique freelance depuis dix ans, Kheira Bettayeb est spécialiste des domaines suivants : médecine, biologie, neurosciences, zoologie, astronomie, physique et nouvelles technologies. Elle travaille notamment pour la presse magazine nationale.

Commentaires

1 commentaire

"Édito par La rédaction Un peu plus d’un siècle après la formulation de la théorie de l’évolution par Darwin – qui donna au monde vivant et à sa diversité un cadre explicatif scientifique" Commence bien votre colloque: vous avez déjà oublié que c'est Lamarck qui a fondé la biologie en proposant le premier une théorie sur la nature physique de l'être vivant dans sa Philosophie Zoologique en 1809. Scientifiques, encore un effort pour sortir de l'impasse de la conception du vivant comme machine!
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