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En sport, on innove sur tous les terrains!
(Cet article est à retrouver dans le numéro 6 de notre revue Carnets de science)
Tandis que le salon Sport Unlimitech fera dialoguer le sport et l’innovation à Lyon, du 19 au 21 septembre, nous vous présentons six dispositifs pour les athlètes confirmés ou les sportifs du dimanche. Au menu : des protections pour éviter les blessures, un modèle pour évaluer les meilleurs casques, un algorithme pour décider de faire jouer ou non un footballeur, une planche connectée pour apprendre le surf, un vélo pour les personnes en situation de handicap et une plateforme de motion capture pour optimiser ses gestes face à un adversaire.
Football : un algorithme pour éviter les blessures
Quel footballeur faire entrer sur le terrain ? C’est le dilemme de tout entraîneur confronté au risque de blessure de ses joueurs. Pour l’aider dans sa prise de décision, la start-up IPA Technologies et le Laboratoire de mathématiques Blaise-Pascal (LMBP) de l’Université de Clermont-Auvergne1 se sont attelés, il y a deux ans, au développement d’un modèle prédictif. « L’objectif du modèle mathématique est de fournir un risque individuel de blessure musculaire sans qu’il y ait eu contact avec un autre joueur », explique Pierre Druilhet, chercheur au LMBP. Pour ce faire, le club fournit quotidiennement, via la plateforme Playsharp, des données précises sur l’activité de ses joueurs, par exemple le temps qu’ils passent sur le terrain ou la charge de leur entraînement. « Le logiciel se fonde à la fois sur un modèle de type explicatif (à partir des connaissances actuelles du domaine) et sur l’apprentissage automatique (à partir des données récoltées sur les joueurs) », commente le chercheur. La principale difficulté ? « Le nombre de blessures effectivement observées est relativement modeste, d’autant qu’un joueur ayant un risque élevé peut justement être exempté de match. Cela nécessite d’adapter les techniques de modélisation existantes. » À terme, l’objectif sera aussi d’ajuster les modèles à la prévention dans d’autres sports, « voire de les étendre au plus grand nombre, sportifs amateurs comme malades chroniques », espère le mathématicien. L.G.
Apprendre à surfer grâce à une planche connectée
Les surfeurs débutants en savent quelque chose : il faut en moyenne un an de pratique pour se mettre debout sur la planche. Prendre correctement une vague ne coule donc pas de source, et les chercheurs de l’Institut de mécanique et d’ingénierie de Bordeaux2, eux-mêmes adeptes de glisse, l’ont bien compris. Ils ont ainsi mis au point un dispositif embarqué sur la planche qui indique aux apprentis surfeurs le meilleur moment pour se lever via un signal lumineux. Fruit de quatre années de recherche, la technologie est aujourd’hui commercialisée par la start-up By the wave. Pour développer cet outil, les chercheurs ont analysé les mouvements d’une planche de surf, via des capteurs, afin d’enregistrer son accélération, sa vitesse et le positionnement du sportif. Le tout en tenant compte de l’environnement de la planche. « L’ensemble des mesures réalisées en temps réel permet de connaître le comportement de la planche par rapport à la vague », explique Jean-Luc Barou, cofondateur de By the wave. L’innovation a été déclinée pour intégrer un algorithme de coaching qui analyse en temps réel les mouvements du corps et édite des conseils personnalisés. By the wave a désormais ouvert une école de surf 100 % connectée. Prochaine étape : adapter cette technologie à d’autres sports, »au travers de la marque Ride+ », indique Jean-Luc Barou. L.G.
Une plateforme d’analyse des mouvements
La capture de mouvements n’est pas réservée au cinéma et aux jeux vidéo. La plateforme PLAViMoP3, développée par le Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (Cerca)4 et l’Institut P’ (ou Pprim) du CNRS, s’appuie sur cette technique pour enregistrer en 3D gestes, expressions et démarches d’êtres humains, mais aussi de robots et, à terme, d’animaux. « Nous élaborons une base de données participative de mouvements globaux et plus fins, explique Arnaud Decatoire, ingénieur de recherche à l’Institut P’. Ensuite, chaque utilisateur peut piocher une séquence particulière et la transformer selon ses objectifs. » Selon Christel Bidet-Ildei, maîtresse de conférences au Cerca, qui l’utilise déjà pour étudier les liens entre le langage et la perception du mouvement, PLAViMoP pourrait aussi servir à la rééducation motrice (en présentant des postures adaptées aux patients) ainsi que pour l’apprentissage et l’optimisation des gestes dans le domaine du sport. L’intérêt de la plateforme serait en effet de visualiser l’action pour anticiper les gestes de l’adversaire dans le cas des disciplines qui se pratiquent « en duel « (combats, tennis…). Les chercheurs sont en contact avec différentes fédérations sportives pour commencer à collaborer. M.K.
Un vélo propulsé par électrostimulation
Après avoir été renversé à vélo, Vance Bergeron, directeur de recherche au Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon5, devient tétraplégique. Il décide de mettre de côté ses travaux en physico-chimie pour se concentrer sur la rééducation neurologique, à la recherche d’un dispositif permettant aux personnes en situation de handicap de pédaler. En plus d’un moyen de se déplacer, le but est en effet de favoriser l’activité physique, indispensable pour éviter l’atrophie musculaire et stimuler la circulation sanguine. C’est le projet Circles, porté par la Satt6 Pulsatys. Avec son équipe, le chercheur développe alors un prototype de vélo7 propulsé par électrostimulation grâce à des électrodes placées sur trois groupes musculaires des jambes : les quadriceps, les ischio-jambiers et les fessiers. Le courant, envoyé dans un ordre précis dans les différentes électrodes, permet aux muscles de se contracter et de réaliser un mouvement de pédalage. Désormais, l’équipe met au point un algorithme pour repérer quelle séquence de stimulation est la mieux adaptée à chacun. À terme, l’idée est de mettre le vélo à disposition des kinésithérapeutes, des patients dans le coma et des usagers des salles de sport développées par l’association Ants, créée par Vance Bergeron. D’ici à la fin de l’année, une start-up devrait voir le jour. « L’objectif est de mettre le vélo en vente dès 2020. Et nous serons catégoriques sur son prix : le plus bas possible afin d’être accessible au plus grand nombre », insiste Vance Bergeron. L.G.
Évaluer les meilleurs casques pour les cyclistes
Lors de l’étude de chocs à la tête et de résistance des casques, les mannequins de crash test ne permettent pas de décrire tout ce que subit le cerveau. Comme un impact à 10 km/h suffit à causer des blessures graves, la protection quant aux traumatismes crâniens devient vitale pour les cyclistes et les motocyclistes. Afin d’y contribuer, Rémy Willinger, responsable de l’équipe Matériaux multi-échelles et biomécanique du laboratoire ICube8, a décidé de coupler les tests expérimentaux avec une modélisation numérique du cerveau. « Nous avons besoin de modèles pour reconstituer des traumatismes crâniens, élaborer des critères de blessures », explique le chercheur dont les travaux sont réalisés en partenariat avec la Fondation Maif et la Mutuelle des Motards. Sur leur plateforme, Certimoov, le casque subit un impact et l’accélération de la fausse tête est introduite dans le modèle numérique où le cerveau est représenté par un fin maillage de 5 300 éléments. Surtout, contrairement aux normes en cours, cette nouvelle méthode d’évaluation biomécanique9 prend en compte les impacts qui surviennent de manière oblique, au lieu des seuls chocs rectilignes, et ce avec trois types de rotation et autant de translations. « Les forces tangentielles induisent une accélération angulaire de la tête, or le cerveau est très sensible aux rotations », souligne Rémy Willinger. Certimoov teste déjà de nombreux casques disponibles à l’achat puis diffuse gratuitement les résultats en ligne pour aider le public dans ses choix de protection optimale. M.K.
Des protections contre les chutes et les chocs
Préserver la colonne vertébrale et la moelle épinière en cas de chute ou de choc, dans une mêlée ou un combat, est un enjeu important auquel s’intéresse le laboratoire international associé iLab-Spine, qui réunit chercheurs et médecins de Marseille et de Montréal (Canada). Ainsi, côté français, les équipes du Laboratoire de biomécanique appliquée (LBA)10 et du Centre de résonance biologique et médicale11 y mélangent approche expérimentale, simulations numériques et imagerie médicale avancée. Ils étudient les risques de lésions, tout en améliorant les procédures d’évaluation des matériels de protection. « Il s’agit de comprendre comment la colonne vertébrale peut subir des blessures et de mieux évaluer la gravité des dégâts occasionnés lors de chocs et de fractures », commente Pierre-Jean Arnoux, directeur du iLab-Spine et du LBA. Les modèles numériques sont appliqués à de nombreux sports comme le rugby, le ski ou la moto, dans le cas de dommages aigus ou de traumatismes chroniques. L’équipe du iLab-Spine a également été sollicitée par le Cirque du Soleil afin de réfléchir à un exosquelette pour soutenir la colonne de leurs acrobates, lorsque ceux-ci doivent porter plusieurs personnes sur leurs épaules. « Comprendre comment les gens se blessent permet d’imaginer de nouveaux dispositifs pour les protéger », conclut Pierre-Jean Arnoux. M.K. ♦
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- 1. Unité CNRS/Université Clermont-Auvergne.
- 2. Unité CNRS/Université de Bordeaux/Arts et Métiers ParisTech/Institut national de la recherche agronomique/Bordeaux Aquitaine INP.
- 3. Pour plateforme de visualisation et de modification de séquences de points lumineux (Point Light Action Visualization and Modification Platform). En accès libre, la plateforme est financée par le Fonds européen de développement régional (Feder), CPER Numeric et Equipex Robotex.
- 4. Unité CNRS/Université de Tours/Université de Poitiers.
- 5. Unité CNRS/ENS de Lyon/Université Claude-Bernard Lyon-1.
- 6. Pour Société d’accélération du transfert de technologies.
- 7. Financé par la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires dans le cadre du défi Auton.
- 8. Laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie (CNRS/ENGEES/Institut national des sciences appliquées de Strasbourg/Université de Strasbourg).
- 9. Elle a valu à Rémy Willinger le prix innovation sécurité routière 2019.
- 10. Unité Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux/Aix-Marseille Université.
- 11. Unité CNRS/Aix-Marseille Université.
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Auteur
Léa Galanopoulo est journaliste scientifique indépendante.
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