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La recherche au service des jeunes volleyeuses en quête de médaille

Dossier
Paru le 23.08.2024
Mis à jour le 03.09.2024
Sport et science, l’union fait la force

La recherche au service des jeunes volleyeuses en quête de médaille

10.05.2023, par
Test de lunettes de suivi oculaire par une jeune joueuse de l'équipe France Avenir 2024, vivier des futures stars de l’équipe nationale, les Jeux olympiques en ligne de mire.
Les volleyeuses de l’équipe France Avenir 2024 se sont entraînées avec des lunettes de suivi oculaire. Menée par un neuroscientifique, l’étude montre qu’un entraînement perceptif permettrait d’améliorer leurs performances.

Ces travaux, ainsi qu'une vingtaine d'autres projets et innovations, sont aussi à découvrir dans la fresque « Sport & science, l’union fait la force » conçue par le CNRS en partenariat avec la RATP, jusqu’au 6 juillet dans les couloirs de la station Montparnasse-Bienvenüe, à Paris.
    
    
Au volley-ball, la réception d’un service est un geste crucial. Quand de l’autre côté du filet, un adversaire s’apprête à propulser un bolide à plus de 80 kilomètres heures, le joueur en position de réception doit rattraper le ballon avant qu’il ne touche le sol et le renvoyer au mieux pour contrattaquer. Pour mieux prédire la trajectoire, un instant à peine avant le service, où faut-il fixer son regard ? Sur le ballon ? Sur le visage de l’adversaire ? Sur la position de ses épaules ? Sur son jeu de jambes ? L'un ou l'autre de ces choix s'avèrera-t-il crucial pour gagner ou perdre le point ?

C’est à ces questions que tente de répondre Robin Baures, neuroscientifique au Centre de recherche cerveau et cognition1. Son équipe travaille depuis plusieurs années avec le Centre de ressources, d’expertise et de performance sportives de Toulouse, un centre public de formation des sportifs de haut niveau. Ils tentent de mettre en évidence des facteurs cognitifs ayant un impact sur la performance.

Les chercheurs ont fourni aux joueuses des lunettes de suivi oculaire, dispositifs qui permettent de suivre en continu le point sur lequel se pose le regard de l’utilisateur.
Les chercheurs ont fourni aux joueuses des lunettes de suivi oculaire, dispositifs qui permettent de suivre en continu le point sur lequel se pose le regard de l’utilisateur.

« Cette phase cognitive, durant laquelle le sportif cherche de l’information avant de réaliser son geste, ne fait généralement pas l’objet d’un entraînement de façon aussi systématique que les aspects moteurs, commente le chercheur. Notre but est de caractériser des compétences perceptives et cognitives qui pourraient être mesurables et apporter une plus-value lors d’entraînements. » Avec ses collègues, il a travaillé avec le Pôle France féminin dans lequel évoluent les jeunes joueuses de l’équipe France Avenir 2024 qui devraient bientôt devenir les piliers de l’équipe nationale et de leurs clubs. Pour les meilleures d’entre elles, les Jeux olympiques 2024 sont déjà en ligne de mire. 

Un regard différent entre expertes et novices

Les chercheurs ont voulu comprendre ce qui se passe exactement au moment de la réception. Avec l’aide des entraîneurs, ils ont regroupé les joueuses en trois catégories : expertes, intermédiaires et novices, ces dernières étant les volleyeuses en herbe de l’équipe de France junior. Lors de leurs entraînements, les chercheurs leur ont fourni des lunettes de suivi oculaire. Ces dispositifs permettent de suivre en continu le point sur lequel se pose le regard de l’utilisateur. Le but était de voir si ces trois groupes de joueuses fixaient le même endroit au moment du service.

Les joueuses expertes fixent d’abord les pieds et les jambes de l’adversaire, puis les bras, les épaules et enfin, le ballon.

« Nous avons procédé de deux façons, explique le chercheur. Durant certains temps d’entraînement, les joueuses équipées des lunettes ont visionné des vidéos de services que l’on coupait juste après le geste initial ». Elles devaient alors prédire la trajectoire du ballon afin de déterminer où se positionner.

Les chercheurs aussi ont proposé de travailler « en réel », avec les joueuses en action lors des entraînements, en mesurant les points de fixation et trajectoires du regard pour déterminer quelles zones étaient associées aux meilleurs résultats de réception. « Cette dernière approche s’est avérée plus concluante car la difficulté principale de l’exercice réside dans la gestion de la profondeur, or la troisième dimension était inaccessible dans nos vidéos en 2D », souligne Robin Baures.

Résultats ? Il y a des différences marquées entre les niveaux de compétence. Les joueuses expertes fixent d’abord les pieds et les jambes de l’adversaire, puis les bras, les épaules et enfin, le ballon. Alors que les joueuses novices ont tendance à fixer leur regard sur le visage de la serveuse. Selon Robin Baures, ces résultats indiquent deux stratégies de prise d’information : les plus expérimentées utiliseraient le mouvement des pieds de l’adversaire pour déterminer le moment exact du service et ainsi réagir au bon moment. Quant aux novices, elles semblent chercher des indications sur la trajectoire du ballon dans le regard ou l’expression de l’adversaire. Or, pour la qualité de la réception, c’est la première stratégie qui est la plus efficace.

Après avoir regardé des heures de services en vidéo, les joueuses ont travaillé « en réel » car la difficulté principale de l’exercice réside dans la gestion de la profondeur, inaccessible dans en vidéo 2D.
Après avoir regardé des heures de services en vidéo, les joueuses ont travaillé « en réel » car la difficulté principale de l’exercice réside dans la gestion de la profondeur, inaccessible dans en vidéo 2D.

Plus de performances, moins de blessures

Les joueuses étaient-elles conscientes de ces processus ? « Non, répond Robin Baures. Quand on leur demande ce qu’elles fixent au moment du service, soit elles répondent qu’elles ne savent pas, soit elles donnent des réponses qui ne correspondent pas à ce que montrent les lunettes de suivi oculaire ». Et pour le chercheur, cela n’a rien d’étonnant. « Les mouvements oculaires sont extrêmement automatisés et échappent le plus souvent à notre contrôle. C’est comme lorsque vous conduisez une voiture : vous n’êtes pas conscient des endroits que vous fixez. »

Un entraînement perceptif à l’aide de pointeurs laser indiquant les points à fixer en priorité pourrait accélérer la formation des jeunes.

Sur la base de ces résultats, pourrait-on donner aux joueuses – et bien entendu aux joueurs – des instructions explicites sur la meilleure stratégie de prise d’information ? Et les faire travailler cette stratégie à l’aide de pointeurs laser leur indiquant les points à fixer en priorité ? Selon le chercheur, une telle approche d’entraînement perceptif pourrait en effet accélérer la formation des jeunes, et par là même limiter le risque de blessure.

« Le service est un geste violent qui met l’épaule sous forte contrainte, pour les hommes comme pour les femmes, commente-t-il. C’est donc souvent une machine à service que l’on met face aux sportifs en réception, et non leurs coéquipiers qui risqueraient de se blesser en répétant le geste sur la durée ». Or, il n’y a évidement rien à « lire » sur la machine par comparaison à une joueuse ou un joueur en action... D’où l’intérêt d’un entraînement perceptif spécifique.

Pour Robin Baures, ces expériences pourraient être élargies à d’autres sports comme le tennis, le baseball ou l’entraînement des gardiens de but au football. De manière générale, les recherches sur les aspects perceptivo-cognitifs dans le sport ont montré qu’il y a là des marges d’amélioration à exploiter. Son équipe publiera d’ailleurs dans quelques mois des résultats montrant qu’un entraînement des muscles oculaires des joueurs de baseball leur permettait de mieux décider quelles balles jouer, et quelles balles laisser passer. Dans la course aux médailles, il n’y a pas que les muscles qu’il faut mener jusqu’aux limites des capacités humaines… ♦
   

À découvrir aussi dans la fresque « Sport & science, l’union fait la force » conçue par le CNRS en partenariat avec la RATP, jusqu’au 6 juillet dans les couloirs de la station Montparnasse-Bienvenüe, à Paris.

Notes
  • 1. Cerco, unité CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier.

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