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Pour les JO de 2024, sportifs et scientifiques font équipe

Dossier
Paru le 23.08.2024
Mis à jour le 03.09.2024
Sport et science, l’union fait la force

Pour les JO de 2024, sportifs et scientifiques font équipe

03.09.2018, par
Le 4 septembre est lancé Sciences 2024, un projet de recherche inédit en France. Son objectif : optimiser les performances des athlètes tricolores et contribuer à leur succès aux Jeux olympiques et paralympiques qui auront lieu en 2024 à Paris. Son directeur, Christophe Clanet, physicien au CNRS, nous en explique les enjeux.

En quoi consiste Sciences 2024 ?
Christophe Clanet 1: Il s’agit d’un programme que nous avons lancé à l’École polytechnique début 2018 avec Frank Pacard, directeur de l’enseignement et de la recherche, en vue de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris en 2024. Destiné à aider les athlètes dans leur quête de performances, dans les 40 disciplines olympiques et les 20 disciplines paralympiques, il rassemble actuellement une cinquantaine de chercheurs et une centaine d’étudiants en sciences dures issus de onze grandes écoles2 et, prochainement, des universités devraient rejoindre ce programme. Jusqu’à présent, ce sont surtout les équipes sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), et les sciences médicales qui se sont impliquées auprès des athlètes. C’est donc la première fois, en France, que physiciens, mécaniciens et mathématiciens s’engagent collectivement dans ce domaine. Cette collaboration entre sportifs et chercheurs va donner lieu, durant les cinq prochaines années, à la mise en place de 500 projets de recherche, dont 50 ont déjà été sélectionnés en juillet par notre conseil scientifique. On y trouve par exemple deux projets menés à l’École polytechnique sur les fauteuils de course et les lames de saut en athlétisme paralympique.
 
Pour les sportifs français, l’ambition de ces Olympiades, formulée par la ministre des Sports Laura Fessel, est élevée…
C.C.: L’objectif est en effet d’obtenir 15 médailles aux Jeux paralympiques et de doubler le nombre de médailles olympiques qui stagne à 40 depuis six Olympiades. Un défi de taille !

C’est la première fois, en France, que physiciens, mécaniciens et mathématiciens s’engagent collectivement auprès des athlètes.

Jusqu’alors les seuls pays qui ont doublé leur nombre de médailles en deux Olympiades sont l’Australie, à Sydney en 2000, et la Grande-Bretagne, à Londres en 2012. Pour y parvenir, ils se sont appuyés sur tout ce qui permet d’atteindre le meilleur niveau : la créativité, la spiritualité, le talent, la qualité de vie et des soins médicaux, la nutrition, la psychologie mais aussi la technologie et la science. Bien sûr, nous ne prétendons pas que la science est la clé de voûte de la réussite sportive, mais elle peut y contribuer en complétant les dispositifs existants.

 

 
Comment la physique et les mathématiques peuvent-elles aider les sportifs à monter sur les podiums ?
C.C.: Quel que soit le type de course, l’écart qui sépare le premier coureur du deuxième est inférieur au pourcent : il est de l’ordre d’une main en natation (soit 20 centimètres sur 100 mètres), de l’ordre d’un bateau en aviron (20 mètres sur 2 kilomètres) ou d’un pied… au biathlon, comme lors de la course remportée par Martin Fourcade aux Jeux de Corée en 2018. Cela signifie que si vous gagnez ne serait-ce qu’un pourcent, en réduisant par exemple la friction des skis sur la neige, vous pouvez passer de deuxième à premier. Il y a deux ans, mon laboratoire et celui de Lydéric Bocquet, à l’École normale supérieure à Paris, ont ainsi été sollicités par l’équipe du biathlète Martin Fourcade pour concevoir un fart adapté aux conditions de température et d'humidité de la Corée. Caroline Cohen et Luca Canale ont beaucoup travaillé et progressé sur ce sujet. Le fait que le matériel utilisé soit optimisé en fonction du sportif peut lui permettre de gagner ces précieux pourcents.
 
Comment déterminez-vous vos objectifs de recherche ?
C.C.: Les chercheurs impliqués dans Sciences 2024 sont au service des sportifs. Notre travail commence donc par une phase d’extraction durant laquelle nous assistons aux entraînements et échangeons avec les athlètes, leurs entraîneurs et avec le staff technique de la fédération. Puis nous identifions une liste de questions auxquelles nous pensons pouvoir apporter des réponses. Enfin, à partir de cette liste, ils établissent la priorité. Nous travaillons ensuite dans nos laboratoires, puis nous revenons vers eux. Leurs besoins peuvent être de trois types : développer un outil de mesure (nouveau capteur), valider leurs croyances ou bien déterminer un optimum. Par exemple, en aviron, où il est très important que les sportifs rament à l’unisson, nous travaillons sur la conception d’un outil qui permette de mesurer la synchronisation des rameurs et des rames. Car, aujourd’hui, c’est à l’œil que l’entraîneur mesure celle-ci. Un tel outil de mesure leur offrira un suivi dans le temps, ce qui est précieux pour progresser.

Les scientifiques travaillent sur un outil pour mesurer la synchronisation des rameurs. Ici, l'arrivée de la finale féminine "deux de couple" des derniers Championnats d'Europe, à Glasgow le 4 août 2018.
Les scientifiques travaillent sur un outil pour mesurer la synchronisation des rameurs. Ici, l'arrivée de la finale féminine "deux de couple" des derniers Championnats d'Europe, à Glasgow le 4 août 2018.

Vous leur donnez ainsi la possibilité de vérifier si leurs intuitions sont bonnes…
C.C.: Oui, c’est le deuxième type de question : les athlètes nous sollicitent pour valider ou invalider leurs credo. Depuis des années, par exemple, certaines équipes nationales d’aviron frottent leur bateau avec de l’émeri parce qu’elles sont persuadées qu’une coque rugueuse avance plus vite qu’une coque lisse. Cette question, prioritaire pour les athlètes, est pour nous physiciens un problème de science des matériaux : nous allons étudier la friction de surfaces texturées ou lisses, hydrophiles ou hydrophobes, et la corréler aux vitesses de navigation, mais aussi déterminer la forme optimale de la coque – symétrique, celle des avirons actuels, ou asymétrique –, et espérer à terme la faire fabriquer par un constructeur français (actuellement les constructeurs de coques de haut niveau sont italiens ou allemands).
 
Vous identifiez enfin pour eux des équipements ou des conditions d’utilisation idéales.
C.C.: C’est en effet la troisième direction de nos recherches : les sportifs souhaitent que nous puissions définir pour eux des optimums. En course fauteuil, par exemple, ils se demandent quel type de pneus, larges ou étroits, et quelle pression ils doivent utiliser pour diminuer les frictions sur le Tartan.

L’objectif est d’obtenir 15 médailles aux Jeux paralympiques et de doubler le nombre de médailles olympiques qui stagne à 40 depuis six Olympiades.

Trop larges ou sous-gonflés, les pneus entraînent une importante surface de contact. Trop fins et surgonflés, ils s’enfoncent dans le revêtement de la piste et cela développe une friction importante. Nous cherchons donc à élaborer une règle pour qu’un optimum soit trouver sur chaque piste. Autre exemple, en saut en longueur paralympique, où, suivant l’exemple de Franck Barré, tous les athlètes sautent sur leur prothèse, il s’agit de concevoir la prothèse la mieux adaptée aux propriétés physiologiques de chacun. Une question que l’on ne peut négliger lorsque l’on sait que le champion olympique allemand Markus Rehm saute un mètre plus loin que le deuxième…

 
N’y a-t-il pas là une forme d’inégalité dans la compétition ?
C.C.: Dès lors qu’il s’agit de sports « mécaniques », au sens où vous avez recours à une « machine », il faut définir ce qui relève de la « triche » ou du dopage technologique. Comme dans le cyclisme, où l’on interdit les sources d'énergie extérieures, batterie ou moteur cachés, la lutte antidopage technologique va devenir un enjeu au même titre que la lutte contre le dopage médical. La question est de savoir si l’on donne exactement le même matériel à chaque équipe ou si chaque nation a le droit d’utiliser le sien, comme c’est le cas actuellement. Dans cette voie, chaque pays a la possibilité d’optimiser les équipements de ses sportifs… à condition bien sûr de pouvoir financer les recherches, qui sont très onéreuses. Ce n’est pas un hasard si les classements des pays selon leur nombre de médailles et selon leur produit intérieur brut sont quasiment identiques. Mais cela tient aussi à la volonté de chaque pays d’investir dans les recherches sur le sport : si la Grande-Bretagne occupe aujourd’hui la deuxième place en nombre de médailles alors qu’elle était à la trente-sixième en 1996, c’est parce qu’elle a financé ce secteur. Ce n’est pas encore le cas de la France, où jusqu’alors sciences et sport n’étaient pas liés. De notre côté, nous avons d’ailleurs dû lancer une levée de fonds destinée à financer les sujets de thèse et de post-doc associés à Sciences 2024…, car chaque projet coûte 200 000 euros.

La recherche va tenter de trouver un "optimum" pour les prothèses des athlètes paralympiques. Ici, Markus Rehm, recordman du monde de saut en longueur dans sa catégorie.
La recherche va tenter de trouver un "optimum" pour les prothèses des athlètes paralympiques. Ici, Markus Rehm, recordman du monde de saut en longueur dans sa catégorie.

 
Cette collaboration sportifs-chercheurs porte-t-elle ses fruits à d’autres niveaux ?
C.C.: Oui, car au-delà des performances réalisées par les athlètes aux JOP, ce projet se prolonge à la fois par le développement d’innovations techniques, potentiellement utiles au plus grand nombre, telles que les prothèses ou les fauteuils élaborés en paralympisme, et par la création de start-up telles que Phyling, spécialisée dans le développement de capteurs spécifiques au haut niveau, la collecte de données et leur analyse. En matière de santé, notre travail sur l’haltérophilie, grâce auquel nous avons caractérisé la typologie des fibres musculaires chez les athlètes, va aussi nous permettre d'identifier les pathologies précoces du muscle, en collaboration avec l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine). Enfin, au moyen des mallettes pédagogiques Roxana, Sciences 2024 vise la promotion de l’enseignement des sciences dans les collèges et les lycées au travers d’exemples tirés du sport. Ce projet est porté par notre ambassadrice, la vice-championne olympique de natation Roxana Maracineanu. L’ensemble de ces actions constituera l’héritage de Sciences 2024.
 
 
Informations (et inscriptions) sur le lancement de Sciences 2024 : www.weezevent.com/lancement-du-projet-sciences-2024

 

Notes
  • 1. Christophe Clanet est directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX) (CNRS/École polytechnique).
  • 2. Soutenu par le CNRS et le Centre national des sports de la défense (CNSD), un accord a été signé le 4 juillet 2018 entre l’École polytechnique, l’École normale supérieure de Paris, Lyon et Rennes, l’École centrale de Lyon, l’École des Ponts ParisTech (ENPC), l’École nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam), l’École nationale supérieure de techniques avancées ParisTech (Ensta), l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris (ESPCI), l’École navale et l’Institut national des sciences appliquées Lyon.
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Auteur

Stéphanie Arc

Diplômée de philosophie morale et politique à la Sorbonne, Stéphanie Arc est journaliste (CNRS Le journal, Science et Santé, Science et Vie Junior, Arts Magazine, Première…) et écrivaine. Elle travaille depuis 2005 sur les questions de genres et sexualités (Identités lesbiennes, en finir avec les idées reçues, 3e édition, 2015). Auteure d’un roman (Quitter Paris,...

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