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Le genre, c’est de la science
Oui, le CNRS soutient la recherche sur le genre : depuis longtemps à travers la Mission pour la place des femmes et des programmes dans ses laboratoires, plus récemment avec l’ouverture de postes de chercheur(e)s affichés « genre », avec la création du Groupement d’intérêt scientifique Institut du genre et le lancement par la Mission interdisciplinarité du Défi Genre. Ailleurs, le domaine du genre est affiché dans de nombreux programmes de recherche internationaux, dans le programme européen Horizon 2020, et dans celui de la National Science Foundation (NSF) aux USA.
Comment est-ce possible ? Le genre serait, à entendre diverses critiques, une « théorie », qui nie la différence des sexes et tente de s’imposer dans les programmes scolaires avec un agenda idéologique sulfureux. Or s’il n’existe pas UNE « théorie du genre », de nombreux travaux scientifiques, en théorisant le genre, s’attachent à montrer le caractère social des représentations du masculin et du féminin et les rapports de pouvoir qui produisent les inégalités entre les sexes.
Une mise en cause du savoir
Alors pourquoi cette campagne dénonçant la « théorie du genre », qui a même conduit le gouvernement à reculer sur des projets de réforme urgents ? Remarquons que qualifier un savoir de « théorie », avec une tonalité dévalorisante (alors que toute science propose des théories !) est une stratégie éprouvée de l’obscurantisme militant. Les créationnistes aux États-Unis qualifient la science de l’évolution de « théorie » pour tenter d’empêcher ce savoir impie de se répandre dans les écoles. Un épisode souvent cité par les épistémologues est celui du jugement de la Cour fédérale, en 2002, condamnant un lycée d’Atlanta dont la direction avait, sous la pression de certains parents, fait apposer sur les manuels de biologie des élèves un sticker : « L’évolution est une théorie, pas une certitude » – « une théorie de l’origine des êtres vivants qui doit être approchée avec prudence et esprit critique. »
pointé l’erreur à ne
pas tenir compte
de la variable
“genre” dans
les recherches.
Jeter le doute sur des connaissances acquises : c’est la méthode de ceux qui qualifient de pure « théorie » ce qui relève des faits et veulent nier l’évidence. Que nous apprend la science de l’évolution, sinon que l’humain fait partie des animaux et n’a pas de privilège au sein de la nature, sinon la place qu’il s’est faite ? Que nous apprend la science du genre, sinon que la différence des sexes, une différence parmi tant d’autres, ne devrait pas faire de différence dans le destin social des individus, et que pourtant elle entraîne partout des inégalités ?
On voit où se situe l’enjeu, qui est double, des attaques contre les études sur le genre. En premier lieu, il est d’ordre scientifique. L’objectif du réactionnaire antigenre est de faire croire que les études sur le genre ne sont pas de la science mais « une théorie ». Or la prise en compte du genre est avant tout une affaire scientifique, articulant « DES théories » et des faits (c’est ainsi que fonctionne la science, par des ensembles explicatifs fondés dans la preuve). D’abord développées par les sciences humaines et sociales, les études ont pointé l’erreur à ne pas tenir compte de la variable « genre » dans les recherches. Elles ont montré, par exemple, que le travail ne se réduit pas à sa dimension professionnelle ou productive, mais inclut le travail domestique, que les « droits de l’homme » n’incluent pas les femmes, etc. La méthode vaut pour les autres sciences : sous-évaluation et traitements inadaptés des maladies cardiaques chez les femmes ou, à l’inverse, de l’ostéoporose chez les hommes. Les études sur le genre ont ainsi mis en évidence la prédominance du point de vue androcentré, qui, en s’ignorant comme tel, généralise à partir du cas particulier masculin.
Une question très politique
En second lieu, les recherches sur le genre, d’abord scientifiques, posent des questions politiques : elles font voir une réalité désagréable, celles d’inégalités injustifiables dans un ensemble de citoyens en principe égaux. C’est la cause profonde des attaques actuelles contre le genre. Ces recherches, et les faits qu’elles établissent, questionnent l’organisation traditionnelle de la famille, la domination masculine et l’hétéronormativité, les inégalités liées au sexe qui traversent notre société.
Le CNRS est l’acteur de la recherche et de l’enseignement supérieur le plus anciennement et fortement engagé en faveur des recherches sur le genre. Il les soutient en prenant en compte les enjeux de la recherche et de l’égalité comme inséparables. Les questions scientifiques sont des questions sociales. Développer la recherche sur le genre, c’est lutter pour la reconnaissance des inégalités et contre leurs causes, et aussi contre des préjugés qui attaquent la science elle-même. C’est l’engagement du CNRS, et le thème de la journée du 10 mars 2014 qui, sous la bannière des Nouvelles sciences du genre, réunira au CNRS des chercheur(e)s de toutes disciplines.
À lire / À voir
Consultez le programme de la matinée « Intégrer la dimension genre dans la recherche », à laquelle participe Sandra Laugier le vendredi 7 mars.
Découvrez un nouvel article sur le genre dès le lundi 10 mars, à l’occasion du colloque « Nouvelles sciences du genre » du CNRS dont le programme se trouve ici.